Le niveau de sous-développement d’un pays peut être mesuré, à bien des égards, par son niveau d’éducation. Une seule négligence dans le domaine de l’éducation des jeunes peut impacter sur le développement à travers l’échec scolaire. C’est ce que semble indiqué la baisse du niveau général des élèves au Sénégal. Une réelle problématique qui inquiète autorités et parents d’élèves. Constat fait, nous sommes allés à la rencontre des Sénégalais concernés pour recueillir leur appréciation sur ce phénomène. Reportage
Par Coumba GUÈYE
Tous les partenaires de l’école, à savoir, parents d’élèves, enseignants, l’administration et les chefs d’entreprises, sont unanimes à reconnaître qu’il y a une baisse de niveau des élèves au Sénégal ; et les causes, estime-t-on, sont profondes et diverses, selon les acteurs eux-mêmes.
Assane Seck est étudiant à la faculté de droit de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il nous livre son opinion : «Bon, je ne me focaliserai pas sur les causes directement, car elles sont nombreuses, surtout avec des responsabilités partagées, entre l’élève-apprenant, son maître-enseignant et les parents, sans oublier l’État, qui a une part de responsabilité aussi. Avant l’avènement de la technologie, on n’avait pas coutume de voir chez nous des Smartphones ou l’internet ; et la lutte était considérée comme un sport du troisième âge, qui n’était pas destiné à attirer les élèves. Ainsi, ces derniers avaient beaucoup de chance pour réussir dans les études. Mais de nos jours, avec l’internet, plus précisément les réseaux sociaux, les élèves passent plus de temps sur watshapp, Facebook et instagram. Ce qui les empêche de lire pour certains, et pour d’autres de se concentrer tout le temps sur leurs études au lieu de suivre des séries télévisées. C’est un phénomène qui est vraiment à déplorer, car l’éducation ne se limite pas seulement à l’école, mais prend aussi racine à la maison». Notre interlocuteur ajoute : «Je constate qu’au Sénégal, beaucoup d’étudiants sont devenus des enseignants sans avoir l’amour de ce métier si noble et digne ; raison pour laquelle ils ne se fatiguent plus ni se soucient du niveau des élèves qu’ils enseignent». Le jeune étudiant, si passionné du sujet, nous explique aussi la position des parents sur l’éducation d’aujourd’hui. Selon lui, «en ce qui concerne les parents, c’est très rare de voir un parent d’élève faire des tours au sein des établissements de leurs fils et demander si ces derniers sont assidus et travailleurs. Leur priorité est de se procurer la dépense quotidienne, c’est pourquoi ils trouvent plus à se consacrer à leur boulot qu’à s’intéresser à l’éducation des enfants. Et enfin, l’État doit changer les critères du concours Crem. À mon avis, le baccalauréat ne suffit plus pour enseigner ; j’aurai préféré qu’on change de méthode pour devenir enseignant si possible avec le diplôme Master».
Gora Diop, un Sénégalais vivant en France abonde à peu près dans le même sens. Son opinion est qu’«il y a énormément de causes. D’abord dans les écoles élémentaires, les élèves passent les classes supérieures facilement, parfois même sans avoir obtenu la moyenne. Et cette situation est due au fait que la banque mondiale, qui finance ou qui participe sinon au financement, demande à ce que les élèves ne reprennent plus de classes parce que ça les pousse à l’abandon précoce de leur scolarité. Donc, dans ces conditions, il est difficile d’assurer à tous les élèves un bon niveau. Ensuite, nos élèves deviennent de plus en plus démotivés, car ils n’arrivent pas à voir le véritable intérêt qu’il y a à poursuivre des études. Ce qui fait qu’ils s’activent et se préoccupent plus de réseaux sociaux que de leurs études. Mais aussi, ajoute-t-il, les télévisions sénégalaises sont à indexer car elles participent par leur manque de programme intéressant et leurs multiples séries ou autres émissions futiles à cette démotivation. Même sans s’en rendre compte – peut-être – des fois elles mettent dans la tête des potaches que pour réussir on n’a pas besoin de faire de longues études». Il termine son propos en insistant sur la mal formation des professeurs ; et là, dit-il, «la majorité n’enseigne pas par passion, mais par obligation et souci de gagner sa vie.»