Les ressources naturelles du Sénégal sont au centre du débat national. La majorité présidentielle et son opposition et la société civile, constituent les acteurs majeurs de cette controverse.
Les enjeux de la question de la gouvernance politique et économique des ressources nationales sont énormes dans le contexte de la mondialisation de l’économie et de l’ouverture des frontières au marché et au commerce globalisés. La dépossession de l’État-nation des ressources fait son petit bonhomme de chemin.
La gestion et l’exploitation des ressources naturelles constituent probablement une des questions centrales de la gouvernance mondiale. Elle fait l’objet de divergences politiques et idéologiques. Elles sont notables entre les États-nation des pays du Nord et à l’intérieur des frontières des États-nation.
La première puissance économique du monde, notamment les États Unis, affiche au grand jour, sa volonté de protéger son économie nationale, ses intérêts stratégiques à l’échelle internationale.
Pendant ce temps du protectionnisme américain renaissant, l’Europe, la Chine continentale et les pays asiatiques émergents, tentent, sous des formes nationales et/ou continentales, de protéger leurs ressources, leurs marchés locaux et continentaux.
Ce débat protectionniste est évidemment, une des conséquences néfastes les plus significatives de la victoire de la mondialisation forcée de l’économie mondiale. Elle est devenue globalisée par son marché, ses règles commerciales et ses principes de fonctionnement intangibles régis par le profit et la rentabilité de l’investissement privé. L’ouverture des frontières des marchés nationaux et internationaux constitue désormais une loi infranchissable du libre-échange.
Ce libéralisme triomphant au début des années 1980, a produit un modèle économique. Ce modèle référentiel est alimenté par les grandes puissances économiques et les multinationales mondiales. Les États nation ont ainsi fini par perdre de l’influence sur la gouvernance économique et l’exploitation des ressources naturelles, sur le marché et le commerce globalisé.
Cette perte d’influence structurelle des États-nation se mesure par l’impact du processus de privatisation de tous les secteurs stratégiques de l’économie mondiale. Les multinationales contrôlent les Nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’électricité, le marché des matières premières, la terre, la mer, le transport international, le commerce et la finance internationale du développement.
C’est dans ce contexte mondialisé, sous le contrôle des multinationales industrielles et de la finance, que les ressources nationales du Sénégal, font progressivement irruption dans le débat de la gouvernance politique et économique. L’affaire de Pétro-Tim est certainement le facteur cristallisant et déclencheur des clivages entre le pouvoir, son opposition et la société civile.
Au-delà de la nécessité de faire la lumière sur cette affaire et sur les contrats pétroliers et gaziers, la question de la gouvernance des ressources nationales est capitale. Elle englobe toutes les ressources nationales, notamment, la terre, le potentiel industriel, agricole et culturel du Sénégal, les ressources humaines et culturelles. Ce sont des biens communs aux Sénégalais.
L’enjeu du débat est le contrôle effectif des biens communs par l’État. Les arguments de la majorité présidentielle mettent en exergue, la bonne foi en la gouvernance du Président de la République et le fait d’avoir mis dans la Constitution que les ressources appartiennent aux Sénégalais. Dans les domaines pétroliers, miniers et autres secteurs stratégiques, il est également envisagé un verrouillage par une responsabilité sociale des partenaires techniques et financiers.
Au regard de l’état réel de l’économie sénégalaise, ces arguments gouvernementaux frisant une méconnaissance de la puissance d’influence des multinationales ou une volonté de jeter de la poudre aux yeux du Sénégalais, ne semble pas résister à la réalité économique du pays.
En dépit des dispositions de lois régissant depuis l’indépendance d’ailleurs, les ressources naturelles, des codes de procédure transparente et de l’existence d’organes de contrôle du marché, la dépossession des ressources nationales ne relève guère d’un imaginaire nationaliste et patriotique.
Les groupes privés internationaux ont mis la main sur les secteurs stratégiques du Sénégal. Les contrats au sujet de l’exploitation du pétrole, du gaz se sont inscrits, naturellement, dans la dynamique de ce qui a prévalu dans les secteurs de la communication, de l’électricité, de l’eau, de la terre et du commerce extérieur. L’accaparement des ressources nationales est manifeste. L’État-nation est dépossédé des ressources par le vent de la mondialisation.
L’effet de cet impact négatif de la libéralisation de l’exploitation et la transformation des ressources nationales, du marché et l’ouverture des frontières, fait de l’économie nationale, une économie extravertie. Le Sénégal a abandonné en cours de route sa souveraineté économique.
Mamadou SY Albert