La duperie institutionnelle du vote des dépenses publiques (Mamadou SY Albert)

Le vote du budget national soumis par le pouvoir exécutif au pouvoir législatif est à l’honneur au Parlement. Les membres du gouvernement défendent individuellement le budget de leur ministère. L’exercice si difficile n’est pas si mauvais en soi. Il constitue certainement un moment d’expression de la vitalité démocratique au regard des débats utiles et contradictoires  entre le gouvernement et les représentants du peuple. Cet exercice complexe et crucial du vote des prévisions annuelles des dépenses publiques de l’État et des recettes ou loi de finances initiale, n’en constitue pas moins un moment révélateur de la duperie institutionnelle consacrée sur le dos du peuple par le gouvernement et le Parlement. Les Priorités des Sénégalais sont peut-être ailleurs forcément.
L’image du Parlement sénégalais n’a pas réellement connu des modifications significatives sous la seconde alternance, survenue le 25 mars 2012. Le Parlement reste toujours sous même influence de l’Exécutif et la dictée du Président de la République, chef de l’État. Deux législatures se succèdent et se ressemblent à merveille. La majorité parlementaire est au service commandé du Président de la République. Cet état congénital réduit le Parlement en une chambre d’applaudissements des décisions du Chef de l’État et de son gouvernement par les députés choisis du Président de la République.
Le vote du budget soumis par le pouvoir exécutif passe encore et toujours, sans anicroche, à l’Assemblée. C’est la démocratie du spectacle voulu et souhaité par le Super Président fort des deux pouvoirs qui lui sont dévolus. Le vote du budget se transforme ainsi en une simple formalité parlementaire du spectaculaire démocratique. Le vote des lois par le Parlement obéit à cette logique implacable du régime présidentialiste. Le Parlement a certes la fonction de voter les lois, d’évaluer l’action gouvernementale, et au besoin, d’ouvrir des enquêtes parlementaires suivant ses compétences. Il n’en demeure pas moins que le Président de la République est le maître du droit d’initiative de la loi de finances.
Le Parlement dépendant politiquement de la volonté du chef de l’État, Président de la République, du parti présidentiel et de la coalition majoritaire exerçant le pouvoir législatif, il ne peut nullement incarner un quelconque pouvoir d’influence et/ou de décision, en matière de prévision budgétaire, sauf la proposition de lois, et là encore, s’en prive carrément. Le Parlement, tel qu’il «existe» aujourd’hui, n’exerce aucune sorte d’influence sur le budget soumis par les ministres de la République à lui. Ce n’est qu’une douce illusion démocratique que de croire le Parlement capable à accessit et d’autres possibilités politiques et juridiques que celles de voter les projets de loi soumis à son examen et de valider le projet de budget annuel que lui soumet le chef de l’exécutif gouvernementale, en l’espèce et le cas, la personne super dominante du chef de l’État, Macky Sall.
Il est clair que l’on se trouve dans un contexte politique institutionnel particulier réorganisant légalement une duperie politicienne sciemment entretenue par le système politique sénégalais depuis l’indépendance et la suppression du poste de Premier ministre tout récemment. Le gouvernement et le Parlement ne jouent -là, tout naturellement, chacun sa partition «démagogique», le temps d’une session parlementaire d’un bout à l’autre. Cette complicité ombilicale entre le gouvernement et le Parlement aggrave évidemment le désintérêt croissant des citoyens face aux combines et scènes de comédies épisodiques offertes spectacles entre les parlementaires de la majorité et les représentants de l’opposition, le gouvernement étant debout raide devant les honorables députés. La critique contre les députés du chef de l’exécutif, contre le gouvernement et contre la justice sénégalaise est devenue ainsi systémique, en raison de la transformation du Parlement en une boîte à lettres du Président de la République.
Désormais, les Sénégalais croient difficilement à la sincérité et à ces prévisions des dépenses publiques de l’État. Le décalage entre les priorités gouvernementales en matière de dépenses publiques et les priorités des travailleurs, de la demande sociale en pleine expansion en est la cause. De la sorte,les besoins primaires des populations non satisfaits, constituent à la fois une barrière infranchissable et reste une source majeure du discrédit actuel pesant sur les institutions républicaines, singulièrement sur le Parlement, vu comme réduit à une chambre de politiciens «professionnels» au service du Parti-État et du gouvernement.
Les  prévisions budgétaires chiffrées à plus de 3000 milliards ne pourraient guère occulter la duperie et les réalités sénégalaises. La dette interne, les déficits structurels dans les secteurs sociaux de base, ne trompent guère quant à l’état chaotique des finances publiques. Les priorités de la majorité présidentielle ne correspondent pas, véritablement, aux priorités des Sénégalais. L’émergence économique dépendra des capacités du gouvernement et du Parlement a replacé les véritables priorités nationales du peuple au centre des prévisions budgétaires et de la mobilisation des ressources financières endogènes, dont l’épargne nationale. Le prix à payer sera d’abord la rupture avec le Présidentialisme et la duperie du peuple.

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