La montée en puissance de la pression sociale (Mamadou SY Albert)

La demande sociale est de nouveau au centre de l’actualité sénégalaise. La marche contre l’augmentation du prix de l’électricité de la société civile, les menaces de grève des syndicats des travailleurs, singulièrement des enseignants, en perspective, dans la nouvelle année académique, les protestations énergiques des populations victimes de l’impact des travaux publics routiers, constituent des indices d’une montée en puissance de la pression sociale.

Après un premier mandat présidentiel fortement marqué par les controverses politiques et institutionnelles, le deuxième mandat du Président de la République, Macky Sall, réélu en février 2019, pourrait subir les effets conjugués des mécontentements populaires, aussi bien des travailleurs que de la jeunesse sans emploi salarié.

La demande sociale a eu raison des régimes socialistes et libéraux précédents. Elle restera l’une des questions majeures sans réponse de ces deux gouvernances. Le Président de la République en exercice, Macky Sall, et sa majorité politique, héritent cette préoccupation centrale des Sénégalais. Elle est demeurée quasi identique sous le règne de la seconde alternance tout au long du premier mandat présidentiel.

Les grèves cycliques des syndicats des travailleurs, en l’occurrence les mouvements cycliques de tensions sociales des syndicats des enseignants, illustrent suffisamment la permanence du malaise institutionnel, de l’emploi salarié et de la prise en charge du travailleur au Sénégal par les pouvoirs publics. Les revendications touchant au respect des engagements pris par la puissance publique, depuis l’avènement de la seconde alternance en mars 2012, les exigences d’une révision de la grille des salaires et des statuts professionnels, l’augmentation des salaires, témoignent de l’absence de progrès significatifs dans le traitement des conditions de travail leur, et le sort peu enviable des employés de l’État et du patronat.

Les menaces de préavis de grève qui se multiplient au cours des derniers mois, dessinent déjà le réchauffement du climat social et syndical. Ainsi, pendant que les syndicats des travailleurs se préparent à la lutte pour une meilleure gestion de la demande sociale des travailleurs, les Sénégalais vivent une situation sociale et économique infernale. Le coût de la vie est toujours plus cher. Toutes les denrées connaissent des hausses permanentes. L’augmentation du prix de l’électricité ne constitue en réalité que le déclencheur du mécontentement contenu  des consommateurs. Cette hausse va naturellement entraîner ses effets structurels sur de nombreux produits de base de consommation courante. La marche de protestation des acteurs de la société civile de ce week-end, contre la hausse du prix de l’électricité, traduit et accompagne ce ressentiment d’injustice sociale que partagent des franges importantes de la population.

Les récents grands travaux de l’État, notamment routiers, le Ter et le Brt,  provoquent des impacts négatifs insoupçonnés par le pouvoir républicain. Au-delà des indemnités souvent dérisoires et des désagréments dans la mobilité et la santé des populations, c’est la déportation massive déguisée de pans entiers des populations vers de nouvelles zones d’habitation où souvent, il faudra recommencer une autre vie désertique sur terre.

Les enfants, les élèves et les étudiants, sont les sacrifiés naturels de ces déplacements. Certains ne trouveront ni  écoles publiques, ni des espaces de jeux ou de sociabilité. La colère grandissante des populations déplacées de force de terroirs où elles sont nées et ont grandi avec une culture de terroir et des habitudes culturelles, résulte de cette injustice sociale et la peur de l’avenir incertain des enfants et des personnes âgées débarquant dans des zones à hauts risques sécuritaires et sanitaires.

La pression sociale montant en puissance dépasse largement le mécontentement chronique des travailleurs et des populations mises sous la pression du coût de la vie et des effets des grands travaux publics routiers. Les étudiants vont vers une année universitaire avec des risques de perturbations sociales. Ces couches sociales, les victimes éternelles de l’incapacité de l’État à trouver les solutions alternatives à la crise structurelle, accepteront difficilement de subir les perturbations des syndicats des enseignants ou la loi carcérale des sureffectifs résultant de la décision gouvernementale d’orienter tous les nouveaux bacheliers dans les universités publiques.

Les diplômés de l’Enseignement supérieur, public et privé, qui constituent une composante importante de l’armée des chômeurs, estimés à plus 200 mille demandeurs d’emplois, réclament depuis des décennies le droit à l’emploi et à une vie décente. Le deuxième mandat présidentiel sera sans nul doute marqué par l’accélération de la pression sociale sur le gouvernement.

 

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here