Le Centralisme démocratique est aussi vieux que les partis politiques. Les organisations politiques, associatives, syndicales ont en commun ce mode d’organisation centralisateur. Il consiste à laisser libre cours au débat et à la réflexion aux structures de base au nom du principe sacré de la démocratie et la prise de décision collégiale du centre de direction, suivant les échelles hiérarchiques du pouvoir de décision. Ce mode de fonctionnement devenu hermétique, a fini par tuer, au fil de son histoire, la démocratie pluraliste dans les rangs des partis, des syndicats et du mouvement associatif sportif, culturel et économique.
Le centralisme a ainsi pris le dessus sur la démocratie en interne et à l’externe des partis exerçant le pouvoir et évoluant dans l’adversité au pouvoir. L’Alliance pour la République vit présentement une page sombre de son histoire : exclusion de responsables politiques et une guerre larvée contre ceux qui pensent le contraire – et/ou différemment – de ce que pense le Président du parti présidentiel ou qui critiquent sa conduite dans la gestion des affaires publiques.
Tous les partis politiques partagent un mode de fonctionnement quasi identique. Il s’agit du centralisme démocratique. Ce référentiel organisationnel des acteurs politiques ou des acteurs du mouvement associatif consiste à faire le distinguo entre ce qui relève des compétences des membres, des bases et des responsables intermédiaires et au sommet. La règle de fonctionnement établie par ce centralisme démocratique consiste à débattre, à discuter et à réfléchir ensemble avec les militants au sujet de toutes questions d’intérêt national et organisationnel.
La décision engeant tous les acteurs partisans est prise dès lors à la suite de ces échanges naturellement contradictoires dans le respect des divergences des opinions et la liberté critique militante. Il revient au centre de décision, regroupant des responsables désignés démocratiquement à la base, de prendre la décision. La décision finale est toutefois assujettie au respect des règles de la démocratie et de la loi de la majorité. Ce sont des principes de fonctionnement du centralisme démocratique. Cette notion de centralisme démocratique est toutefois très vague.
La mise en œuvre de ces principes se heurte assez souvent au respect de la démocratie. Le centralisme prend d’ailleurs le dessus sur la démocratie. Le divorce entre le fonctionnement, par essence démocratique, et le centralisme qui n’est, après tout, qu’une modalité de gestion des idées, est de plus en plus récurrent dans le fonctionnement des partis politiques, des syndicats et des mouvements associatifs. Les querelles de positionnements entre les responsables politiques, syndicaux, associatifs, les scissions et la création de nouveaux mouvements politiques et associatifs, traduisent, si besoin en est, les dysfonctionnements permanents des partis, des syndicats et des associations.
L’Alliance pour la République constitue l’illustration de ce phénomène de dysfonctionnements. L’ancien président du groupe parlementaire de la mouvance présidentielle est exclu de son parti. D’autres militants et responsables subiront la loi implacable du centralisme du pouvoir de décision. Ces militants ne seront pas entendus par les structures régulières de la formation présidentielle. Ils n’auront aucune possibilité de défendre leurs idées et les arguments. Ils sont bannis des rangs. La formation républicaine va se plier à la ferme volonté de son chef. L’Alliance est ainsi sur les traces des autres formations politiques qui se sont heurtées à des conflits entre des militants et des responsables. Le Parti socialiste et le Parti démocratique sénégalais ont connu, pendant l’exercice du pouvoir, des conflits similaires. Ces formations ont exclu les dissidents. Les autres partis politiques ont connu des conflits ouverts qui se sont aussi soldés par des exclusions.
Le mal est apparemment au cœur du centralisme démocratique. Tous les partis politiques qui ont connu des conflits de cette nature ont trahi la démocratie. L’absence de débats contradictoires et de réflexion approfondie sur les enjeux des divergences et les solutions constitue la cause majeure de la suprématie du centralisme sur la démocratie. Il est peut-être temps que les acteurs politiques se rendent à l’évidence. Les scissions produites par le Parti socialiste, par le Parti démocratique sénégalais et celle se dessinant à l’horizon de l’Alliance pour la République, renseignent au moins sur la puissance d’influence des courants de pensée. Les bannis ont toujours eu raison. La nécessité de repenser les divergences, les traitements des conflits d’opinion ou d’ambition militent en faveur de l’introduction impérative des courants de pensée dans le fonctionnement démocratique des partis politiques.
Le courant de pensée n’est point antinomique au parti. Dans un parti libéral, socialiste ou patriotique, il est possible d’avoir des sensibilités divergentes : courant dominant, courant plus à gauche, à droite ou au centre. C’est une question d’approche, de vision et de stratégies des politiques publiques. Contrairement à ce que croient les majorités mécaniques du chef de parti au pouvoir ou dans l’opposition, le courant de pensée est une force d’idées de changements et de propositions alternatives. Il est l’expression d’un dynamisme politique et idéologique. Il fait vivre un parti. Les mécanismes bureaucratiques de liquidation des démocrates porteurs de courants de pensée mènent toujours au discrédit et à la perte du pouvoir d’influence politique et électorale.