Les pays africains réclament des moyens financiers et logistiques subséquents pour contenir les avancées des organisations terroristes, singulièrement dans la zone du Sahel. Des milliards de dollars sont attendus par les États du Sud. L’Afrique affiche ainsi son entrée dans un engrenage manifeste dans bon nombre de pays du plateau continental, comme ce qui se passe au Proche et au Moyen Orient. En ces temps nouveaux du basculement de l’Afrique vers des conflits d’un nouveau type, la lutte ouverte de la communauté internationale contre le terrorisme international montre à suffisance les limites réelles de cette approche sur les théâtres d’opérations, en Afghanistan, en Libye, au Mali et en Syrie. L’Afrique se tromperait-elle de combat ?
En tout cas, la lutte contre le terrorisme international constitue une priorité que dans les stratégies de développement des pays dits développés. La formation d’une coalition mondiale contre l’intégrisme religieux, baptisé islam radical, marque un des tournants dans cette stratégie nouvelle impulsée et dirigée par la première puissance militaire et économique de la planète, en l’occurrence les États unis d’Amérique. L’Europe a fini par épouser cette tendance et rejoindre, de gré ou de force, la mouvance mondiale anti-terroriste. La Russie mène sa propre stratégie en fonction de ses intérêts et ses propres enjeux économiques et politiques. La Chine et le Japon restent parmi les rares pays à observer des postures de neutralité dans la lutte contre le terrorisme. Les pays africains entrent à leur tour, mais au pas de charge, dans cette lutte contre le terrorisme international.
Depuis les évènements douloureux survenus au Mali, la question de la lutte anti-terroriste est au centre des préoccupations des chefs d’États africains, singulièrement ceux du Sahel. L’État malien n’a pu éradiquer le phénomène intégriste qui l’a ceinturé. Le Niger, le Burkina Faso et le Nigéria se heurtent à une véritable guerre contre des groupes terroristes. Les pays africains, inquiets par la menace terroriste, ont décidé ainsi de faire appel aux pays occidentaux pour disposer de moyens financiers et logistiques adéquats en vue de mener de leur côté une lutte féroce contre le terrorisme international. Pourtant, au moment où ces pays africains se préparent à se lancer dans cette guerre dite «asymétrique», parce que complexe par sa nature et ses modes d’organisation et d’action, la coalition internationale érigée contre le terrorisme dessine ses limites en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie.
Le Mali, au contact de ce phénomène, s’est transformé au fil de son histoire récente, en une véritable poudrière intégriste. Il est le ventre mou de la stratégie contre le terrorisme dans le sahel et sur le continent. Différents pays du continent vivent, voici quelques années, voire des décennies, une instabilité politique chronique. En dépit de la mort de Ben Laden, de Saddam Hussein et de Mouammar El Kadhafi, le terrorisme est présent structurellement en Libye, en Irak, en Afghanistan, au Nigéria et au Mali. Les disparitions organisées de main de maître par des puissances étrangères des leaders historiques incarnant le terrorisme et/ou le nationalisme panarabe, n’ont guère éradiqué les bases de reproduction du phénomène djihadiste. Le contraire des prévisions de liquidation du terrorisme des occidentaux se déroule sous nos yeux à une grande échelle du monde.
Le phénomène terroriste prend ainsi de plus en plus de l’ampleur. Il se répand dans les pays occidentaux. Tous les pays européens impliqués dans des conflits militaires à l’étranger ont connu au cours de ces dernières années, des attentats meurtriers. Le terrorisme a fini par installer la psychose de la terreur meurtrière dans toutes les capitales européennes.
L’Amérique durcit ses mesures de protection. La résistance permanente des organisations terroristes sur les théâtres de la guerre et l’angoisse au cœur de l’Occident, entretiennent la flamme du terrorisme international. Cette résistance multiforme des organisations se réclamant de l’Islam radical, atteste l’échec de la solution militariste. Elle est aussi aveugle et impuissante que les méthodes des illuminés de l’Islam. Les solutions de sortie de crise dans de nombreux pays où le terrorisme s’est installé de manière durable, n’excluent plus la participation des leaders et animateurs de certaines franges des organisations terroristes, par exemple, en Afghanistan et en Libye.
Tous les experts politiques et militaires européens sont persuadés que la solution des sorties de crises dans ces pays, ne peut être militaire. L’intégrisme va renaître des cendres partout où les organisations terroristes ont été décapitées. C’est dans ce contexte de recherche de sortie de crise par les occidentaux et des grandes puissances du monde, associant sous des formes variées certaines forces politiques se réclamant de l’intégrisme islamique, que les pays africains réclament des moyens financiers et logistiques. Ce soutien réclamé par l’Afrique suscite de sérieuses interrogations. Les pays africains auront-ils ces moyens financiers et logistiques ? Rien n’est moins évident. Ce n’est point la priorité des pays développés de doter les États africains de moyens militaires et financiers, d’autant que les armées nationales africaines ne connaissent point la guerre, singulièrement la guerre contre des groupes organisés extrêmement mobiles, agissant à l’ombre par surprise avec une violence aveugle.
La solution à ce phénomène grandissant en terre africaine est-elle militaire ? Les États africains ont très peu de chance de réussir là où les grandes puissances ont échoué, au plan militaire et technologique. Les pays africains ne sont pas préparés à mener cette lutte contre le terrorisme dans la durée. L’engrenage dans la lutte contre un ennemi invisible, capable de frapper à tout moment et partout, dans des pays fragiles sur le plan sécuritaire et économique, représente un risque énorme d’entrer dans un engrenage infernal.