12 mai 2018 au CICAD de Diamniadio. Le Président Macky Sall réfléchit à haute voix : « Nous connaissons les risques auxquels font face les pays soudainement pourvus de pétrole. Et donc, il est impératif de prendre des mesures conservatoires visant à préserver la nation de toutes les externalités négatives liées au développement de l’industrie pétrolière ». L’analyse du chef de l’Etat est pertinente mais parcellaire autour des légendaires triplés : pétrole, prospérité et péril. Le diagnostic est d’autant réducteur que le péril pétrolier n’est pas exclusivement lié aux externalités négatives. Un facteur endogène de taille, comme la mal gouvernance, peut être aussi explosif que les déstabilisations d’origine extérieure. Le pétrole y jouant naturellement un rôle d’amplification et d’inflammation. Car la pauvreté adossée aux derricks et aux oléoducs est plus insupportable voire insurrectionnelle que la misère en bordure des tas d’arachides invendues ou vendues à vils prix. Donc le premier sérum contre la malédiction du pétrole est la gouvernance par des gestes vertueux et non par des phrases vertueuses. Là où prévaut la justice sociale, la malédiction d’une richesse ne trouve point un terreau fertile pour ses ravages.
Par voie de conséquence, le Comité d’Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz (COS-PETROGAZ) a du pain sur la planche ou – plus exactement – du pétrole dans les pipe-lines. Le COS-PETROGAZ a également son arsenal qui se décline en clé de répartition, encadrement des recettes, réceptacle des revenus (FONSIS) et projet de loi d’orientation des royalties etc. Bref, des garde-fous qui ne sont rien d’autres que des garde-voleurs ou des protège-prédateurs dont le but commun et ultime est d’arrimer solidement le pactole pétrolier et la richesse gazière au registre de la bénédiction. Joli vœu ! Pour qu’il ne soit pas strictement beau et pieu, la double panacée reste la gouvernance équitable à l’échelle de la population (toutes les couches sociales bien arrosées par les retombées) et la gouvernance patriotique dans le tête-à-tête entre le Sénégal et ses partenaires. Y compris la Mauritanie voisine et co-propriétaire.
Fâcheuse coïncidence ! Au moment où le COS-PETROGAZ ébauche son cahier des charges, éclate le scandale du PRODAC, s’étalent les zones d’ombre de la gestion de LOCAFRIQUE et intervient la démission pleine de péripéties du ministre sortant-rentrant-temporisant Mame Mbaye Niang. Un cocktail de couacs qui ruinent la substance de tous les discours de rupture prononcés à Diamniadio et rétrogradent les vives recommandations au rang d’incantations routinières. Pire le traitement, jusque-là, appliqué au scandale du PRODAC et l’hésitation sur le sort fluctuant du ministre du Tourisme, pâlissent l’éclat des institutions et froissent l’image d’un Etat qui se veut impersonnel et impartial. Un Etat coiffé par un chef normalement sans états quand il s’agit des lois et de l’honneur du pays, très au-dessus de tout et de tous.
L’épisode le plus désastreux renvoie incroyablement aux palinodies et à la danse de Saint-Guy qui ont ponctué et ponctuent l’affaire Mame Mbaye Niang. Normalement, un ministre qui démissionne, redevient un citoyen ordinaire et un chômeur provisoire. Les observateurs s’étonnent donc que le Premier ministre bouscule le protocole, mette en branle son cortège et mobilise ses gorilles, pour se rendre au domicile de celui qui n’a pas daigné attendre le retour du Président de la république, avant de se démettre. Le geste est d’autant plus sidérant que les hommes et les femmes pressentis pour figurer dans un gouvernement, sont convoqués, bloqués dans une salle d’attente non loin des journalistes qui font le pied de gru. Ainsi, le dimanche 10 mai, on a assisté à un coup de théâtre qui a vachement clochardisé l’Etat. Et qui a nettement contrasté avec le traitement expéditif réservé au démissionnaire-démissionné Thierno Alassane Sall. C’est à peine si l’ex-ministre de l’Energie n’avait pas reçu un coup de pied là où je pense. Traitement de gueux pour Thierno Alassane Sall et traitement princier pour Mame Mbaye Niang. Plus curieux, plus mystérieux et plus préjudiciable au prestige des institutions, est l’audience-marathon (quatre tours d’horloge, d’après la presse) entre un Président et un ministre qui a déjà un pied voire les deux, hors du gouvernement. Seul un Conseil de guerre en temps de guerre peut valablement justifier un tel trou dans l’emploi du temps d’un chef d’Etat. Alarmante gouvernance !
Puisque le PRODAC est à l’origine de ce cafouillage enregistré à maints échelons de l’Etat, parlons-en, avec circonspection ! Difficile d’avoir une idée carrée sur tout ce qui est dit et écrit en vrac. Beaucoup de choses assimilables à des anomalies sont pointées du doigt, parmi lesquelles : l’inéligibilité de certaines dépenses à la convention de financement qui lie l’Etat à LOCAFRIQUE, la faiblesse des justificatifs présentés, les dépenses irrégulièrement imputées, les lacunes dans des appels à la concurrence etc. Bref, un écheveau de règles et une palette de procédures que des magistrats nécessairement assistés par des experts auront éventuellement à démêler et ou à éclaircir. En revanche, la perceptible toile de fond politique et les possibles prolongements judiciaires sont assez pénétrables. Sans laver à grande eau les présumés coupables – loin s’en faut – il est judicieux pour l’intelligibilité de la floraison des entorses aux lois, de rappeler le florilège des discours teintés d’impatience du Président Macky Sall. A plusieurs occasions, le chef de l’Etat – avide de succès préélectoraux et désireux d’aller vite – a déploré les entraves entassées par les textes qui étoffent les procédures et, in fine, étouffent l’urgence liée aux projets-phares de son septennat. Certes, la quête légitime de bien-être pour le peuple ne doit pas être abusivement contrée par les lourdeurs administratives, mais la transgression tolérée ou encouragée des règles ouvre le boulevard de la concussion et du péculat.
Un boulevard de magouilles qui conduit logiquement chez le Procureur de la république. Une perspective d’autant plus embêtante qu’elle tombe au mauvais moment. En effet, l’Exécutif a tellement fait virevolter le sabre judiciaire et fait valdinguer des têtes d’opposants et de mal-pensants qu’il lui est difficile de le ranger au fourreau, alors que la responsabilité (je ne dis pas la culpabilité) de Mame Mbaye Niang est patente. La hiérarchie est ainsi faite : un mélange de privilège, d’honneur et de servitude. Le chef – le ministre en est un – est parfois coupable mais toujours responsable. Dans l’affaire Khalifa Sall, on a pris des torches électriques pour chercher, en plein midi, la qualité de partie civile revendiquée par l’Etat. Les collectivités locales ou territoriales étant situées à la périphérie de l’Etat. Dans le scandale du PRODAC, l’Etat est frappé dans sa trésorerie et l’argent du contribuable est indiscutablement dilapidé.
Du coup, toute temporisation prolongée aussi bien sur le sort du ministre que sur l’application de la loi (je ne sais sous quelle forme ?) ouvrira les vannes des hypothèses et des spéculations peu favorables au gouvernement. S’agit-il d’une cabale montée contre Mame Mbaye Niang dont les répercussions ont été mal mesurées ? En d’autres termes, est-ce que le PRODAC ne finançait pas, par ricochet, une Force politique à identité camouflée : Parti ou coalitions de Partis. En tout cas, un ministre démissionnaire qui a l’outrecuidance d’exiger – vous avez bien lu : « exiger » – une contre-inspection par une autre structure de l’Etat, est un membre de la majorité que le Premier ministre et le Président de la république n’impressionnent pas. Un symptôme de mal gouvernance purulente qui requiert urgemment un sérum digne du remède de cheval. Un remède-choc applicable également à la leucémie de LOCAFRIQUE voisine de la peste du PRODAC.
PS : Je connais personnellement Daniel Pinhasi. Avec un seul « s » et non deux. Du moins, c’est l’orthographe qui noircit ses cartes de visite. J’ai déjeuné et dîné, deux ou trois fois, avec l’Ambassadeur Daniel Pinhasi. Par contre, je n’ai jamais croisé – le business n’étant pas mon rayon – l’homme d’affaires Daniel Pinhasi, directeur de GREEN 2000. Issu d’une famille juive de souche française, Daniel Pinhasi a plus d’une flèche dans son carquois. Capitaine de vaisseau dans la Marine israélienne (Colonel), il est nommé à la tête de l’ambassade d’Israël à Dakar, au début des années 2000. Moins de cinq ans après, il démissionne de la diplomatie et s’installe en Guinée-Conakry, en qualité d’opérateur économique. On est sous le magistère mouvementé du Capitaine Dadis Camara. La rumeur dit qu’il fut l’artisan de la visite secrète de l’ex-Premier ministre Ehud Olmert à Dadis Camara. Tout comme sa présence coïncida avec la présence d’une unité de mercenaires israéliens dans une école désaffectée de la ville de Beyla. Daniel Pinhasi est d’une intelligence remarquable.