La presse nationale occupe une place centrale dans le système démocratique sénégalais. Elle a participe au renforcement de la démocratie pluraliste et à la consolidation de la gouvernance transparente des affaires publiques. Elle a contribué très fortement à l’émergence de la conscience citoyenne. Ces apports inestimables de la presse dans la longue marche du Sénégal vers plus de démocratie, plus de transparence et une meilleure participation des citoyens à la gestion des affaires publiques et des biens communs se conjuguent paradoxalement à une situation économique peu reluisante. Le métier peu friand de journaliste ne fait point vivre ses acteurs principaux. L’avenir de l’entreprise de presse est fortement compromis par des mutations profondes du métier, des outils de communication de masse et de l’économie.
Une rétrospective de l’évolution du Sénégal au cours de ces dernières décennies laisse penser que sans une presse libre et indépendante, la démocratie sénégalaise serait restée probablement moins vivante, moins pluraliste, moins rayonnante à l’échelle du continent africain et du monde. Les années 1980 marquent l’irruption de la première génération significative de la presse privée libre et indépendante. Elles constituent une étape charnière de la démocratie sénégalaise.
Cette période correspond à la naissance des premiers maillons des groupes de presse privés professionnels. Par son professionnalisme, son engagement au service des acteurs politiques, des acteurs de la société civile et de l’opinion publique nationale, ces groupes de presse embryonnaires ont réussi le passage délicat à l’époque du Sénégal, du parti unique dominant au multipartisme intégral.
Cette transition démocratique a permis à la presse privée de jouer un rôle central dans le processus de démocratisation du système politique fortement influencé par une majorité contrôlant tout le pouvoir de décision et de la gouvernance des affaires publiques. La presse a contribué à l’expression plurielle des sensibilités politiques divergentes et la participation des citoyens à la vie démocratique et à la gouvernance des affaires publiques.
L’avènement de la première alternance politique survenue en mars 2000 constitue le premier couronnement de ce travail harasant de la presse sénégalaise libre. Ce pas franchi réconfortera le professionnalisme et la contribution de la presse libre au renforcement du pluralisme démocratique propre à tout État de droit de la communauté des démocraties.
Cette fonction altière fait de la presse d’aujourd’hui un pilier essentiel de la démocratie pluraliste. Elle est et reste un des signes majeurs de la contribution de la presse sénégalaise au renforcement de la démocratie plurielle et au processus de développement économique et social. En dépit de ces apports multiformes des journalistes, la presse n’en reste moins une préoccupation. Elle fait naturellement l’objet de vives critiques de la société, des acteurs politiques et de la société civile en matière de rigueur dans le traitement de l’information, de son indépendance discutable à l’égard des pouvoirs politiques, des pouvoirs religieux et des détenteurs des moyens financiers.
Cette critique des faiblesses du métier de journaliste ne saurait toutefois occulter l’état économique actuel des groupes de presse sénégalais. La naissance de nouveaux groupes de presse a certes augmenté le nombre des organes et des groupes. La presse sénégalaise est très loin d’avoir un pouvoir économique à la hauteur de son ambition professionnelle et des attentes de l’opinion.
La presse ne fait pas vivre décemment ceux qui ont choisi d’exercer le métier de journaliste. Comment envisager l’avenir de la presse dans un contexte de morosité économique et financière plombé par l’irruption des Nouvelles technologies de l’information et de la communication ? Les mutations impulsées par les Nouvelles technologies de l’information et de la communication auront un impact significatif sur l’état de la presse, tant au plan professionnel que sur sa rentabilité économique.
Les groupes de presse sont aujourd’hui contraints d’associer l’internet à leurs services de base. Le journal, la radio, la télévision sont dans l’obligation d’intégrer les Ntic, les sites internet, les blogs et les réseaux sociaux. Cet exemple d’une adaptation indispensable traduit une contrainte à la fois technologique et économique. Le marché de l’information va ainsi connaître des changements très importants. Il faut intégrer le numérique pour rester dans les espaces médiatiques actuels et futurs. Pendant que les groupes de presse devront intégrer certaines des exigences des Nouvelles technologies de l’information et de la communication en matière de traitement et de diffusion de l’information, ils devront aussi trouver des ressources financières de plus en plus importantes. Le soutien financier de l’État est indispensable. Il ne sera guère suffisant pour faire vivre les groupes de presse exigeant des investissements et de la rentabilité.
L’avenir de la presse est compromis par la concurrence de plus en plus rude entre les acteurs contraints à plus d’investissement et à une meilleure gestion et à la rareté des investissements privés susceptibles de provenir des hommes d’affaires et des banques. Ces derniers acteurs croient difficilement à la rentabilité de l’entreprise de presse telle qu’elle est aujourd’hui au Sénégal. Le regroupement des organes ne devrait point être exclu des schémas de recomposition et des modèles de relance en cluster de la presse privée sénégalaise. C’est une hypothèse de travail que les éditeurs de presse et les journalistes devraient étudier. Le regroupement peut sauver des groupes de la mort certaine.