Le “Bodio Bodio”, un mal universel (chronique Hebdo de l’assistant social)

Toute œuvre d’art trahit quelque part les préoccupations centrales de son auteur et n’est jamais innocente ! La création constitue un exutoire pour panser ses plaies, régler des comptes et répondre parfois aux attentes des populations. Tout cela pour dire que toutes les grandes créations musicales, artistiques, littéraires et autres naissent dans la douleur. Ceci dit, quelle signification l’auteur de cette chanson, à savoir Youssou Ndour donne-t-il au mot «bodio bodio» ? Il apporte les clarifications suivantes : «Le bodio bodio n’est rien d’autre que de la méchanceté.» Et c’est quoi la méchanceté ? Wikipédia en donne l’acception suivante : «La méchanceté est le caractère de celui qui fait le mal intentionnellement et s’y complaît.» Elle traverse toutes les époques et toutes les civilisations : ses manifestations et expressions peuvent différer d’un endroit à un autre. A ce sujet, Mme Bouya Bâ, Educatrice spécialisée et Psychologue-conseillère qui a vécu la méchanceté dans toute sa cruauté, éclaire par ce témoignage: «Madi, la méchanceté dans toute sa laideur, j’en ai connu et à plusieurs reprises. Je préfère ne pas en parler.

Je ne veux même plus m’en souvenir. De nos jours, la méchanceté nous vient généralement de nos proches, de ceux ou celles que nous considérons comme des parents. S’agissant de ce que j’appelle la petite méchanceté, on la rencontre le plus souvent chez les femmes avec des discours du genre : ‘Bon, elle s’est bien habillée mais l’attirail n’est bien assorti ; la couleur de la pochette et du sac ne vont pas avec les habits.’ » Cette «méchanceté-kleenex», l’expert en théorie Déviance et Délinquance, Momar Mbaye Guèye, la trouve pas très grave. Elle est liée, dit-il, à la nature humaine et est en grande partie motivée par la jalousie et l’envie, contrairement à la méchanceté destructrice animée, elle, de sentiments destructeurs pour écraser ou piétiner l’autre. C’est cela qui est grave! Poursuivant sa démonstration, cet éminent Professeur qui m’a enseigné les théories de la Délinquance et de la Déviance fait appel à l’analyse fort pointue d’un célèbre psycho-criminologue français, Jean Pinatel pour camper les multiples facettes de la nature humaine. Pinatel liste quatre caractéristiques propres aux délinquants: l’indifférence affective, l’agressivité, l’égocentrisme et la labilité (l’imprévoyance).

S’agissant par contre des êtres jugés normaux, l’un de ces traits peut apparaître à l’occasion d’un événement quelconque. «Yow dal boune la tardél, doxal sa dox.» (Qu’ils ne bloquent pas ton ascension sociale: poursuis inexorablement ta marche vers le progrès) Cette grille de lecture pour cerner le profil psychologique et mental des hommes renseigne sur le fait que les humains portent en eux une certaine animalité à même de se réveiller à tout moment et cela en fonction des circonstances. Ceci étant dit : qu’est-ce qui pousse les gens à s’installer dans cette méchanceté que nous déplorons tous ? Pour éclairer ma lanterne, j’ai sollicité l’avis de Mme Sally Bayo, animatrice attitrée à l’émission «Secrets de Nuit» sur la Radio municipale de Dakar (RMD). Pour elle, la méchanceté est liée au fait que les gens n’ont rien à faire. Cet état de fait avec son lot de manque et de frustration crée à la longue des dispositions morales qui ne sont pas les meilleures. De fait, cela peut compromettre gravement l’intégration à la vie sociale et peser négativement sur le cours de la destinée. Au regard de toutes ces considérations, on peut penser que la méchanceté n’est pas prête à disparaître dans notre société !

Au contraire, elle semble empirer et ce, parce que tous les facteurs qui l’alimentent sont présents dans l’espace social, culturel, économique et politique du pays. Dans ces conditions, qu’y-a-t-il lieu de faire pour éviter de tomber dans certains travers qui nous tirent vers le bas ? Une des bonnes réponses possibles nous est donnée par Raoul Follereau qui a bourlingué un peu partout dans le monde en côtoyant de très prés la souffrance humaine sous toutes ses formes. «Les épreuves sont déjà en embuscade sur le chemin de votre destin. Affrontez-les debout. ( …) Rien n’est meilleur pour sécher ses larmes que de fixer une étoile». Ces mots sublimes de Follereau ne sont pas totalement éloignés de cette exhortation estampillée Youssou Ndour : «Yow dal boune la tardél, doxal sa dox.» (Qu’ils ne bloquent pas ton ascension sociale: poursuis inexorablement ta marche vers le progrès). Il a raison! Et je termine par ces mots d’espoir : dans chaque conjoncture où te place le destin, donne-toi les moyens de te placer sur une rampe d’excellence! «Mo koy fajj dé !» (C’est cela qui règle la question).

Par Madi Waké TOURÉ (tmadiwaketoure@gmail.com)

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