Le candidat Macky Sall avait déjà donné une idée claire de quel président il serait, une fois élu.
Ils prétendaient, son camp et lui, avoir visité sept à huit mille (8000) villages et hameaux et parcouru 80 000 kilomètres. Pas seulement. Ils ont dormi avec les villageois et partagé leurs maigres repas. Pendant trois ans quelques mois, ils se sont enquis ‘’consciencieusement’’ des besoins et des préoccupations prioritaires de leurs hôtes. Forts de ces précieuses informations, ils ont pris le temps d’élaborer leur programme de campagne électorale : le fameux ‘’Yoonu yokkute’’. Avec ce programme lourd de promesses alléchantes et d’engagements solennels attractifs, le candidat Macky Sall est admis au second tour puis élu confortablement quatrième Président de la République du Sénégal, au détriment du vieux président-politicien, dont les Sénégalaises et les Sénégalais en avaient vraiment marre des plaies béantes et puantes de sa longue gouvernance meurtrie[1].
Le 2 avril 2012, le tout nouvel élu était donc officiellement installé dans sa fonction de quatrième Président de la République du Sénégal, et ses compatriotes l’attendaient à l’œuvre, pour nombre d’entre eux avec un grand optimisme. N’était-il pas né après les indépendances, comme le souhaitaient beaucoup de Sénégalaises et de Sénégalais ?[2] Dans un peu moins de huit (8) mois, il va boucler son mandat de sept (7) ans. Entre-temps, son ‘’Yoonu yokkuté’’, fruit de trois fois le tour du Sénégal, qui n’est donc pas tombé du ciel, a curieusement cédé la place au ‘’Programme Sénégal émergent’’ (PSE)[3]. Ce choix singulier était déjà le signe de ce qu’allaient devenir ses promesses et engagements. Ils seront pratiquement tous reniés et sans état d’âme. Je ne m’y étendrai pas, les reniements étant suffisamment connus, chantés qu’ils sont par les enfants et même par les oiseaux. Pour ne donner qu’un exemple, le reniement le plus insoutenable, c’est qu’il livre sans état d’âme le pays aux pilleurs de deniers publics, aux corrompus et autres fraudeurs de toutes sortes, qui ne se font naturellement pas prier, sûrs qu’ils sont de l’impunité totale[4]. Je passe sur tous les nombreux autres reniements, même sur ce mandat qui devait passer de sept (7) à cinq (5) ans. En tout cas, en matière de wax waxeet, il dépasse d’un bon cran son vieux prédécesseur et ’’ex-père’’. Et ce n’est pas rien.
Aujourd’hui, après plus de six ans de gouvernance tortueuse, on sent donc la déception, la profonde déception chez nombre de compatriotes qui lui avaient donné avec enthousiasme leurs suffrages. Pour ce qui me concerne, cette déception ne m’a jamais frôlé car je n’attendais rien de lui. Je me suis dit très tôt que celui qui a fréquenté de très près le vieux président-politicien pendant huit ans et quelques mois, exercé à ses côtés de très hautes fonctions, en héritera forcément des tares, celles de son immonde gouvernance qui nous a empesté l’existence pendant douze longues années.
Rappelons-nous que[5], le samedi 30 mai 2008, veille du lancement officiel des Assises nationales au Sénégal, le Président Wade rentre de voyage du Japon. Dès sa descente d’avion, il préside une réunion dans le Salon d’honneur de l’Aéroport international Léopold-Sédar-Senghor, entouré des principaux ténors de son enclos politique. Il commence par remercier tout ce beau monde pour les différentes initiatives prises, afin de contrer la tenue des importantes rencontres citoyennes qu’allait présider le valeureux Pr Amadou Mahtar Mbow. Après avoir copieusement cloué au pilori ce dernier et ses compagnons, il donne la parole à ses courtisans qui rivalisent d’ardeur à faire état des initiatives prises. Quand arrive le tour de Macky Sall, alors Président de l’Assemblée nationale, il invite les Libéraux et leurs alliés à rester sereins et à dépassionner le débat, pour éviter surtout les dérapages et les maladresses de langage. Ce serait faire de la publicité gratuite aux Assises, ajoute-t-il, avant de poursuivre son argumentaire en ces termes : « Notre position officielle est qu’on n’y va pas, donc, selon moi, il faut bannir le mot ‘’Assises’’ de notre vocabulaire. En parler, c’est donner l’impression d’être touché par celles-ci. Il faut éviter de leur donner un impact qu’elles ne sauraient avoir. » Bannir le mot « Assises » de leur vocabulaire, comme si « Assises » était synonyme de peste ! C’est bien Macky Sall, alors au cœur du régime libéral, qui tenait ces propos traduisant sa position par rapport aux Assises nationales, dont en parler seulement devenait un délit passible de la Cour d’Assises[6].
Rappelons encore que – puisqu’avec cet homme il faut toujours rappeler –, éjecté de la confortable Présidence de l’Assemblée nationale en novembre 2008, il crée son parti et rejoint l’opposition. Sept à huit mois après, le 29 mai 2009 exactement, il vient signer, au siège des Assises nationales, ‘’la Charte de gouvernance démocratique ». Dès le lendemain, il déclare ‘’avoir signé avec réserve’’ la Charte, à la grande surprise des membres du Directoire national des Assises comme des parties prenantes qui étaient présentes au moment de la signature. Il fut formellement démenti par qui de droit. Il le sera encore publiquement à l’occasion de deux événements récents. Le 3 juin 2018, Monsieur Mamadou Lamine Loum, ancien Premier Ministre et vice président des Assises nationales, est l’invité de ‘’Grand Jury’’ de la RFM. A l’occasion, l’animateur, M. Mamoudou Ibra Kane, revient sur la fameuse réserve de Macky Sall. M. Loum lui fit cette réponse sans équivoque : « Le Président Macky Sall fait partie des premiers signataires de la ‘’Charte de gouvernance démocratique’’ le 29 mai 2009, soit cinq jours après la restitution des travaux des Assisses nationales, soit bien avant l’immense majorité des parties prenantes, associations et personnalités qui étaient membres des Assises. J’étais présent à la séance de signature[7]. » Afin que nul n’en ignore, M. Loum ajouta, formel : « Le protocole de signature n’ouvre pas droit à une possibilité de réserve. »
Environ une semaine après, le 9 juin 2018, se tenait le dixième anniversaire des Assises nationales. Interrogé en marge de cette commémoration sur la supposée réserve de Macky Sall par rapport à sa signature de la ‘’Charte de gouvernance démocratique’’ desdites assises, le Président Mbow répond d’abord que « toutes les parties prenantes avaient approuvé sans réserve les conclusions des Assises nationales ». Il ajoute que la ‘’Charte de gouvernance démocratique’’, elle aussi, « a été adoptée mot à mot (et que) tous ceux qui (y) ont adhéré l’ont signée sans aucune réserve ».
En marge de la présentation du premier tome de ‘’Conviction républicaine’’, le président-politicien revient sur cette fameuse signature de la ‘’Charte’’, comme si elle le suivait pas à pas. Il précise : « En la signant, j’ai dit au Président Mbow que tout ce que la ‘’charte’’ pose m’agrée. Mais il y a un point sur lequel je dois marquer mon désaccord, c’est la nature du régime politique. Si c’est un régime parlementaire, moi, je n’y crois pas et donc, je ne peux signer un régime parlementaire ». Mais, il avait déjà signé ! Et puis, qui lui a jamais demandé de signer un régime parlementaire ? C’est pourquoi, le Président Mbow l’a immédiatement rectifié en lui précisant nettement que la ‘’Charte de gouvernance démocratique ‘’ « ne pose pas le débat ».
Voilà donc quelqu’un qui émet des réserves sur un document qu’il n’a pas auparavant lu, qui manque donc notoirement de rigueur ! C’était quand même grave pour un futur Président de la République ! En outre, tout le monde savait que cet ‘’ex-fils’’ du vieux président-politicien ne pouvait opter en aucun cas pour un régime parlementaire. Un tel régime suppose le partage du pouvoir. Or, lui, c’est connu, n’est point pour le partage du pouvoir. Il en a donné à suffisance la preuve depuis le 2 avril 2012. Il se plaît dans son statut de super président concentrant tous les pouvoirs, un président buur et bummi, un président NINKI NANKA écrasant tous les autres pouvoirs.
On rappellera aussi que, entre les deux tours, il s’est précipitamment rendu chez le Président Amadou Matar Mbow pour solliciter le soutien des Assises nationales contre son engagement formel à en appliquer toutes les conclusions s’il était élu. Le Président Mbow lui fera comprendre alors qu’il ne pouvait pas prendre seul une telle décision et lui proposa de prendre l’engagement devant le Comité national du Pilotage (CNP) des Assises. Celui-ci est convoqué et le candidat Sall réitère fermement devant ses membres son engagement : s’il est soutenu par les assises nationales et qu’il soit élu, il appliquera lesdites conclusions. Le 25 mars 2012, il est confortablement élu avec 65 % des voix. On connaît la suite : sa gouvernance est tout le contraire des dispositions des conclusions des Assises nationales, tout le contraire des recommandations de la ‘’Charte de gouvernance démocratique’’, à mille lieues du Projet de Constitution de la Commission nationale de Réforme des Institutions (CNRI).
Aujourd’hui, il a le toupet de nous jeter à la figure que « la charte des Assises n’est ni la Bible, ni le Coran, ni la Thora ». Ce n’était pas ce qu’il avait dit devant le Président Mbow, ni devant le Comité national de Pilotage des Assisses entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012. Il n’a jamais cru aux Assises nationales ni à leurs recommandations pertinentes, les observateurs avertis le savaient déjà. Sa ‘Charte’’ ne pouvait donc être, pour lui, « ni la Bible, ni le Coran, ni la Thora ». Sa préoccupation, la seule, c’était de se faire élire, quitte à tromper tout le peuple et il l’a effectivement roulé dans la farine. Il aurait dû, s’il était vraiment honnête, se passer de la mise en place de la CNRI, composée d’éminentes personnalités de divers horizons. Il savait parfaitement qu’il n’appliquerait jamais les recommandations qui allaient lui être proposées. D’ailleurs, dès qu’il les a reçues, il a déclaré, sans aucun respect pour les auteurs, qu’il en prendrait ce qu’il en jugerait bon, laissant d’emblée de côté des thèmes majeurs comme la nécessaire refondation de l’Etat, la neutralité de l’administration, la nomination aux postes stratégique après appels à candidatures, le patriotisme économique, etc. Il a laissé ensuite son conseiller spécial chargé des questions juridiques – devenu entre-temps Garde des Sceaux Ministre de la justice – et les morveux de l’APR traiter de tous les noms d’oiseaux le Président Mbow et les autres membres de la Commission, alors qu’aucun d’entre eux n’avait même pas encore lu le Rapport. C’est le même jour qu’il lui a été remis, que les premières critiques ont fusé.
En France, le Président Emmanuel Macron a commencé, dès qu’il a été officiellement installé dans sa fonction de Président de la Républiques, à mettre en œuvre les réformes qu’il avait promises. Des réformes sensibles et risquées, que ses prédécesseurs s’étaient bien gardés de mettre en œuvre, ou ont abandonnées en chemin, dès les premières escarmouches des organisations syndicales. Ce Président-là en est vraiment un, un pour lequel la parole donnée et les engagements pris ne sont pas du vent. Il ne livre pas son pays aux pillards de deniers publics et son épouse ne le tient pas en laisse. Elle connaît parfaitement le rôle protocolaire que lui confère son statut de Première Dame et s’y tient strictement. Le Président français ne perd pas, non plus, son temps précieux dans des bains de foules, des poses de premières pierres et des inaugurations folkloriques d’infrastructures parfois insignifiantes. Il trouve aussi peu honorable pour sa haute fonction, de faire dégager des maires de deux grandes villes pour y faire élire son frère et son oncle (s’il en a). En particulier, il n’invente pas de vils subterfuges avec la complicité des corps de contrôle de l’Etat et la Justice pour se débarrasser d’adversaires qui pourraient constituer des rivaux sérieux lors de la prochaine élection présidentielle. Lui, comprend que c’est le bilan qui fait la différence et s’emploie à le bonifier de jour en jour, plutôt que de dissoudre son temps précieux dans des manœuvres politiciennes et d’utiliser l’argent du contribuable pour acheter des consciences. Le voudrait-il d’ailleurs, qu’il échouerait lamentablement, car la France est un pays sérieux, une grande Démocratie, avec une opinion forte, vigilante, clairvoyante, qui suit pas à pas et sans concession la mise en œuvre des engagements qu’il avait solennellement pris pendant sa campagne électorale.
Mody Niang
Dakar, le 11 juillet 2018
[1] Des compatriotes avançaient que même un . . . . le battrait, d’où l’idée alors répandue que Macky Sall était un président par défaut.
[2] Jusqu’ici, je n’arrive pas d’ailleurs à comprendre pourquoi cet optimisme béat. La qualité d’un Président de la République dépend de bien d’autres considérations (objectives).
[3] Elaboré à Paris par un certain cabinet, avec pour l’essentiel des documents officiels sénégalais, pour un coût d’un milliard 500 millions à deux milliards de francs CFA.
[4] Ils (elles) sont au moins plusieurs dizaines qui ont fait pire que le Maire de Dakar et sur qui le Procureur de la République et les juges ne lèvent pas le plus petit doigt. Ce n’est pas juste de s’acharner sur le seul Khalifa Ababacar Sall pendant de gros délinquants de la République vaquent tranquillement à leurs occupations.
[5] Avec nous, il convient toujours de rappeler pour ne pas donner raison au vieux président prédateur qui disait de nous avec mépris, que « nous éprouvions de la peine à nous souvenir de notre dîner de la veille et ne croyions qu’à l’argent et aux honneurs ».
[6] C’est un des zélés courtisans du Vieux président qui tenait bien ces menaces.
[7] L’auteur de ce texte y était également en sa qualité de membre du Directoire national.
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