Le mode ralentisseur sénégalais (Mamadou SY Albert)

Les Sénégalais n’en peuvent plus à force de vivre pratiquement une situation d’un pays qui vit des problèmes identiques depuis des décennies. Que des problèmes soient de l’ordre politique, de l’économique ou du social et du culturel, ils ne parviennent encore à trouver des remèdes aux difficultés qui assaillent de partout dans les foyers, dans les lieux de travail et dans la rue. La vie devient désormais importable pour l’écrasante majorité des populations. Ils ont changé des régimes. Ils ont fait la grève pour que la situation des travailleurs, des enseignants, des élèves connaissent un léger mieux-être. Ils n’ont jamais cessé de se parler, de dialoguer entre eux, de communiquer dans les espaces publics et privés. Les maux sont connus. Le coup de balai sauveur se fait désirer par les jeunes et les moins jeunes. Ainsi va le Sénégal de toujours au ralenti, en attendant la tempête passagère.
L’impression d’un Sénégal au ralenti où rien ne bouge réellement se conjugue souvent avec le ressentiment d’un pays à problèmes. Entre le ralenti permanent et l’accumulation des difficultés de la vie de tous les jours, on peine vraiment à dire de manière précise si le premier état du monde ralentisseur est la cause du second état chaotique dans lequel se meuvent les Sénégalais. Il est difficile de trancher entre la cause du ralentissement de l’évolution de la société et la source des problèmes qui pèsent sur le vécu des populations confrontées à de nombreuses difficultés.
Peut-être que les deux phénomènes sociaux et culturels du ralentissement et de l’accroissement des maux de la société sont dialectiquement interdépendants. L’un ne peut exister sans l’autre. Ils s’auto-influencent. Le constat d’un pays au ralenti plombé par des difficultés majeures de plusieurs ordres multisectoriel, est toutefois du domaine du visible au quotidien dans les foyers, dans les lieux de travail, dans les espaces publics et privés.
Cet état de morosité ambiante agit évidemment sur l’état psychologique global de la société : le moteur est  en panne. Les organes ne fonctionnent. La nation ne sait plus où elle va. Plutôt, elle tourne en rond sur elle-même et ses difficultés structurelles. Il est assez courant d’entendre d’ailleurs dire que les Sénégalais sont fatigués. Le pays est f…! C’est de la m…! Ils n’en peuvent plus de supporter ce pays au ralenti confronté à des difficultés sans fin.
Les Sénégalais ont pourtant tout essayé pour sortir de ce cycle du ralentissement et de l’infernale pression des énormes difficultés familiales, communautaires et nationales. Ils sont passés par la démocratie et les urnes. Ils ont changé deux à trois fois de pouvoirs. La grève, ils connaissent. Le dialogue entre les citoyens fait partie des modes de fonctionnement de la vie et de la gestion des affaires publiques nationales et locales. Tous ces leviers pour accélérer la cadence n’ont guère produit, de manière significative, le véritable mieux-être social, culturel et économique attendu. Le pays fatigué retourne ainsi à sa situation de ralenti avec naturellement des risques d’amplification des problèmes.
Comment sortir de cet état oscillant entre l’état ralenti de la société de toujours et l’état de l’accroissement des problèmes de société ? Le repli sur soi constitue une attitude privilégiée que le Sénégalais semble préférer après des espoirs déçus du changement pour mettre fin aux phénomènes ralentisseurs et aux pesanteurs des aléas d’un monde de plus en plus globalisé. Cette posture de retour à soi-même aggrave apparemment le ressentiment d’un pays au ralenti. Certains choisissent l’indifférence totale. Ils ne croient plus au pays. Ni à eux-mêmes, ni aux autres. Encore moins au collectif national.
Enfin, une petite minorité espère un coup de balai. Balayer le Sénégal, le Sénégalais avec. Cette dernière option ne fait pas forcément bouger le pays et ses citoyens recroquevillés sur eux-mêmes et/ ou indifférents. Il faudra peut-être un coup de balai sauveur. Ce coup de rupture avec le sur-place devra être capable de sortir le Sénégalais de l’individualisme, de l’indifférence et de la démission collective et individuelle. L’espoir qu’un jour le changement viendra est permis.

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