Le pouvoir républicain en perte de vitesse (Mamadou SY Albert)

L’accélération de la pression sociale sur le pouvoir républicain a pris apparemment de court, le Président de la République en exercice, Macky Sall et sa majorité. La réaction vive des acteurs de la société civile contre l’augmentation du prix de l’électricité a été le déclencheur d’un mouvement social protestataire. Les travailleurs de la Sde, les syndicats des enseignants, les paysans confrontés à la vente des produits arachidiers et les acteurs politiques de l’opposition radicale exigent du pouvoir républicain, des réponses immédiates à des revendications touchant au respect des libertés, à la protection du pouvoir d’achat des populations, à la défense des intérêts nationaux et socio- professionnels.

Les questions sécuritaires, la menace migratoire, la faim se conjuguent à la montée en puissance du mouvement social revendicatif. Le pouvoir républicain perd le  contrôle de ses nerfs.

Babacar Diop, enseignant de philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop, n’a point sa place en prison. Ce ressentiment des franches de la communauté universitaire sénégalaise est fortement partagé par tous les démocrates du Sénégal. Acteur politique engagé depuis des années dans la défense de la liberté de penser, d’exprimer ses intimes convictions dans le respect des différences identitaires et pour le changement de société, le philosophe devrait aujourd’hui être devant ses étudiants.

Son arrestation, puis son incarcération ne sont ni acceptables ni compréhensibles. Il a exercé un droit légitime citoyen. Il y croit et il l’enseigne au quotidien à travers son comportement républicain et sa forte personnalité dans les espaces universitaires et dans l’échiquier politique. Guy Marius Sagna est un autre acteur de la société civile. Il mène lui aussi, depuis des décennies, une bataille républicaine et citoyenne pour le changement. Ils ont tous les deux manifesté pacifiquement contre une décision éminemment politique prise par le président de la République et son gouvernement, notamment l’augmentation du prix de l’électricité.

Ils ont exercé un droit républicain dans le respect des institutions de la République. En allant devant le Palais présidentiel, ils ont cristallisé et exprimé un ressentiment partagé par une écrasante partie de la société sénégalaise. Les arguments servis pour les arrêter et les conduire en prison, résistent difficilement aux valeurs démocratiques de notre champ politique. C’est faire un mauvais procès à Babacar Diop et Guy Marius Sagna, en faisant croire qu’ils ont manqué de respect au président de la République et à l’ordre républicain.

Ils sont tous les deux des républicains, des citoyens et des hommes respectueux des différences idéologiques et identitaires. Ils sont des symboles d’une démocratie vivante et d’une République au service des citoyens. La réaction vive contre l’augmentation du prix de l’électricité constitue la meilleure réponse à ces arguments propres aux pouvoirs anti-démocratiques africains. Tous les citoyens sénégalais contre l’augmentation du prix de l’électricité s’identifient au philosophe et au citoyen, conscients de ses responsabilités personnelles et collectives.

Ces arrestations arbitraires, voire absurdes, secrètent une chaîne de réactions sociales. Une marche est projetée pour dénoncer l’augmentation du prix de l’électricité. Elle confirmera si elle est autorisée ou non, Babacar Diop et Guy Marius Sagna, dans la justesse de leurs droits légitimes et inaliénables de penser et de manifester contre une décision politique et ses effets sur les conditions de vie des populations.

Dans ce sillage, les travailleurs de la Sde réclament légalement, le droit d’aller en grève contre une décision de l’État. Les employés souhaitent participer au capital et à la gestion de leur entreprise. En opposant la réquisition au droit de faire grève, le pouvoir républicain porte une atteinte grave à une liberté fondamentale du travailleur : celui d’observer la grève.

Pendant que ces travailleurs exigent plus du capital de l’entreprise et mieux dans sa gouvernance, les paysans souffrent de nouveau dans la commercialisation de l’arachide. Au-delà du prix au producteur inférieur à celui du marché international, ce sont les questions récurrentes au cœur de l’organisation d’une filière traditionnelle du Sénégal, qui attestent l’incapacité de l’État postcolonial à trouver les réponses majeures à l’état de désorganisation de la filière arachidière.

Les questions sécuritaires alimentées subitement par la menace diffuse du terrorisme, les agressions, les viols meurtriers et la gestion du phénomène migratoire, se conjuguent à la montée en  puissance de la pression sociale. Le pouvoir républicain est apparemment surpris par l’accélération de ce mouvement social dessinant à l’horizon, un malaise national et de gouvernance des libertés publiques et des affaires publiques.

Les syndicats des enseignants sont déjà tous ou presque en ordre de bataille. La panique étatique se mesure à travers les arrestations à tout vent de marcheurs, des contestataires de l’ordre des décisions gouvernementales, des réquisitions et des menaces à peine voilées contre ceux qui ne partagent pas la politique officielle. La marge de manœuvre du pouvoir républicain risque de se réduire au cours de cette année si le gouvernement persiste dans sa stratégie de gestion des affaires publiques par des méthodes violentes et anti-démocrates.

 

 

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