Bientôt, le gouvernement mis en place par le Président de la République, réélu en février 2019, aura dix mois d’existence. Le bilan de l’équipe gouvernementale est loin d’être satisfaisant. Le dernier séminaire consacré aux questions de gouvernance et conduite des politiques publiques témoignent du faible impact de l’action du chef de l’État et de l’impératif de corrections internes et externes. Le Président de la République, Macky Sall, perd en réalité une première manche. Les raisons de cet échec politique sont à chercher dans la composition pléthorique du cabinet présidentiel et les critères de désignation des ministres de la République à des fonctions ne correspondant guère aux profils et à l’expérience de la gouvernance publique.
Le Sénégal n’a plus de gouvernement. Les membres désignés Ministres de la République ont désormais un et un seul interlocuteur : c’est le chef de l’État. En décidant de supprimer le poste central dans l’organisation du pouvoir politique central et son management, le Président Sall a réduit, volontairement ou non, les membres de son gouvernement à un cabinet sans chef et sans coordonnateur. Des ministres fantômes !
Le Président de la République vient de tenir une série de séminaires et de rencontres au plus sommet de l’État. Toutes ces initiatives participent d’une la volonté de vouloir prendre en charge les préoccupations des Sénégalais.
Force est de constater l’origine notable des difficultés auxquelles le Président de la République et son cabinet se heurtent depuis des mois. Elle résulte fondamentalement de la suppression du poste de Premier ministre. C’est cette fonction cardinale qui a toujours permis à l’État, au Président de la République et ses ministres, ses fonctionnaires, d’avoir un guide officiel de l’action définie par le Président de la République. La Primature jouait la fonction de “Guide” de toutes les Institutions de la République, y compris la fonction présidentielle. Le Premier ministre est le metteur en scène et en musique de cette politique.
En engageant la suppression de ce poste, hautement stratégique dans le fonctionnement de l’État, le Président de la République, Macky Sall, n’a pas mesuré les conséquences organisationnelles et politiques de ce vide naturel qu’il créé de toute pièce. Cette suppression ne peut d’ailleurs se justifier dans le contexte de l’après présidentielle 2019. Un candidat à sa propre succession, réélu avec une marge de manœuvre confortable, a besoin plutôt des hommes et des femmes capables de constituer une équipe gouvernementale.
L’erreur de la suppression d’un poste politique et administratif, si prestigieux pour les politiques et les cadres de l’administration publique et privée, occulte difficilement l’absence de cohérence politique à l’occasion de la formation de l’équipe gouvernementale, pour ne pas dire le cabinet présidentiel. On a exclu des pans entiers de l’équipe du premier mandat présidentiel. Certains ministres ont été repositionnés à des postes de responsabilité. Parmi les nouveaux, on sent une absence totale en matière de gouvernance des affaires publiques. Le président a voulu renouveler sans vraiment réussir son coup politique.
Le président de la République a fait le choix de la récompense, de la promotion des compétences techniques, le potentiel des régions et de la sanction. Ce cabinet présidentiel est, par conséquent, pléthorique et hétérogène : il n’y a pas, à proprement parler, de dominante politique, technique, professionnelle et managériale. Le résultat le plus visible de cette carence gouvernementale se mesure à l’absence d’un gouvernement. On ne sent pas une autorité ministérielle capable de parler au nom du chef de l’État, du gouvernement, des intérêts du Sénégal. Nos ministres sont désormais des missionnaires rivés dans les cahiers de charges. Ils sont en tournée politique.
La messe publique est dictée en termes d’inefficacité de l’action gouvernementale en matière d’environnement, d’évacuation des eaux usées et des eaux de pluies, la lutte contre la route meurtrière, le banditisme, l’insécurité routière… Les Sénégalais attendent plus des réalisations que des promesses politiciennes.
Quand le président perd une manche, il faut savoir le signifier. C’est à lui et à lui seul que revient la responsabilité de décider de tourner la page. Les questions qui dessinent à l’horizon du second mandat présidentiel constituent des interrogations majeures. C’est l’avenir de l’école, de l’Université, de l’agriculture, de la formation et la bonne gouvernance des ressources nationales, et la stabilité des institutions de la République. Ces enjeux politiques exigent que le président de la République se dote d’une équipe à la hauteur des enjeux politiques et d’un chef d’équipe suffisamment averti de l’exercice du pouvoir.