La suppression récente du Poste de Premier ministre met assurément le Président de la République, MackySall, au centre d’une actualité politique mouvementée. Les contrats pétroliers et gaziers, les enquêtes pour faire la lumière sur l’affaire Pétro Tim, les conclusions du dialogue politique et le destinataire du rapport du dialogue politique, interpellent fortement le chef de l’État. La responsabilité du maître du jeu prend désormais le dessus sur celle du gouvernement et des institutions républicaines. Un président fusible arrive.
Le Président de la République et son frère AliouSall ont pris la parole dès les premiers jours de la diffusion de l’enquête de la chaîne britannique Bbc. À pas de charge, ils ont tenté tous les deux de lever les équivoques d’une enquête, orientée à dessein, dans leur entendement.
Ce premier round médiatique et politique, n’a point fait baisser la tension sceptique. Elle est palpable à l’échelle de toute la société. Puis, les membres du gouvernement, les responsables politiques de la majorité présidentielle entrent en scène. La majorité présidentielle monte au front pour défendre vaille que vaille le chef de l’exécutif et son frère incriminé à travers l’enquête de la journaliste. Ils exigent tous ou presque, le silence total aux adversaires politiques et aux acteurs de la société civile préoccupés par une affaire au cœur de l’État et du fonctionnement de la République. La première manifestation de cette société sera d’ailleurs rudement réprimée par les forces de l’ordre et de la sécurité.
Les adversaires déclarés et autres mauvais esprits curieux, sont quasi hissés au rang de fauteurs de troubles à l’ordre public, voire des ennemis du Président, de la République et de la stabilité du Sénégal. Ni la sortie médiatique du Président de la République, les déclarations gouvernementales, ni les sorties médiatiques de la majorité présidentielle ne parviennent réellement à réduire au silence ceux qui sont choqués par les révélations fausses ou vraies de Bbc. Ils réclament simplement la lumière, le droit de manifester et le devoir de défendre l’intérêt national.
L’ouverture d’une information judiciaire ne réussit point à calmer certains esprits radicaux qui mettent le Président de la République devant ses responsabilités personnelles et étatiques. Le Président de la République, la clé des Institutions de la République se transforme ainsi progressivement au fil de l’ouverture de fronts se multipliant en un fusible du jeu politique et de la République.
Plus de bouclier ou de Premier ministre ! Plus de porte- parole du Président de la République ! Le Président de la République est seul, au début et à la fin des controverses publiques au sujet de la gouvernance publique et des relations familiales.
Le doute n’est plus permis au regard de ce qui se dessine à l’horizon. La majorité sent, du reste, le vent souffler sur le territoire national et à l’étranger. Le Président se fragilise. Certains responsables de la majorité sont plus que jamais conscients que le Président de la République est en réalité le cœur de toutes les critiques des contrats pétroliers et gaziers et de la gouvernance des affaires publiques.
Le front politique bouillonne lui aussi. Le dialogue national est boycotté par les libéraux, les patriotiques et de certains franges de la société. Ces acteurs demeurent très sceptiques quant à la volonté sincère de créer les conditions de l’avènement de consensus politiques significatifs entre le pouvoir et ses adversaires.
Ce conflit manifeste interroge fondamentalement la relation personnelle du chef de l’État avec ses adversaires politiques avérés. La désignation d’une personnalité neutre pour diriger le dialogue national et politique, n’a point fait bouger les lignes de cette mésentente. Elle est la source d’une adversité entretenue par des rivalités dépassant largement le cadre politique traditionnel. Que dire de la loi sur le parrainage ? Elle est à la base d’une adversité souvent aveugle et personnelle.
La réaction du ministère de l’Intérieur et de certains responsables de la mouvance présidentielle dès l’annonce de la recommandation des observateurs de l’Union européenne n’augure rien de positif. Elle laisse plutôt penser que la majorité n’est pas prête pour mener sereinement une réflexion approfondie sur les manquements de la présidentielle de février 2019. Ils sont alimentés par la mise en œuvre de la nouvelle loi électorale et l’impasse politique en matière d’élections.
La majorité ne semble pas envisager la suspension de la loi du parrainage pour les prochaines élections locales ou une annulation d’une loi électorale tant controversée. La suppression du Poste de Premier ministre n’a pas suffisamment intégré les conséquences de ce vide institutionnel mettant le Président de la République au centre des polémiques. Le Président de la République devenu fusible au même titre qu’un Premier ministre, pourrait subir alors toutes les attaques frontales de son opposition, de la société civile et de l’opinion publique nationale.
Cette nouvelle posture souhaitée, à tort ou à raison, par le chef de l’État, peut secréter des risques énormes d’un affaiblissement certain de la fonction présidentielle et l’image du chef des institutions républicaines. Entre les lignes de la controverse des contrats pétroliers et gaziers, de la gouvernance économique, de l’organisation des élections, la responsabilité personnelle du chef de l’État est engagée.
Mamadou SY Albert