Le scandale de la retraite meurtrière (Mamadou SY Albert)

Le travailleur sénégalais, encore en activité, ne peut nullement imaginer ce qui l’attend au cours de sa retraite. Beaucoup découvriront une pension de misère insoupçonnée. C’est probablement un des scandales – économiques, sociaux, et culturels, et financiers – les moins connus par l’opinion publique nationale et internationale.

La misère meurtrière des retraités sénégalais n’est, en réalité, que la face cachée d’une question sociale mal posée et mal traitée par les partenaires sociaux que sont l’État, les syndicats et les partenaires techniques et financiers du Sénégal. La misère des retraités sénégalais est à la dimension du traitement scandaleux des pensions de retraite. La première réalité fait l’objet, depuis quelques années, de sorties médiatiques des travailleurs admis à faire valoir leurs droits à la retraite. Ils ne cessent de dénoncer les conditions lamentables dans lesquelles ils se meuvent à l’étroit.

La pension de retraite ne peut, de nos jours, satisfaire aucune charge sociale significative du retraité : location, restauration, éducation des enfants, soins de santé et besoins personnels. Des franges importantes de ces retraités sont contraintes de tendre la main au quotidien aux proches pour survivre. C’est le sort de l’écrasante majorité des anciens travailleurs de la fonction publique et du secteur privé.

La pension de retraite équivaut pratiquement à une bourse sociale. L’ancien  travailleur qui a consacré toute sa vie à son travail, se retrouve ainsi dans une situation de dépendance économique avec laquelle il a rompue dès sa tendre jeunesse. À plus soixante ans, de nombreux retraités renouent, malgré eux, avec   la dépendance. La logique du travail aura voulu pourtant que l’ancien travailleur puisse personnellement subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, en raison des services rendus à sa société. Le refus de subir ce drame social programmé, explique que les jeunes retraités se reconvertissent de plus en plus, dans d’autres activités professionnelles.

Cette face visible de la misère et de la résistance des retraités, masque difficilement une autre réalité moins connue de l’opinion publique nationale et internationale. L’État, les organismes de prévoyance sociale et les syndicats, sont quasi dépassés par la prise en charge effective des retraités. En dépit des augmentations des pensions de retraite au cours de ces dernières années de la seconde alternance, la retraite reste une question sociale mal posée et mal traitée. On se focalise à tort sur les augmentations dérisoires et la prévoyance en agonie. La retraite est loin de faire l’objet d’un traitement à la hauteur des attentes des retraités et des travailleurs. Ces derniers exigent, ni plus ni moins que des pensions de retraite dignes du rang de l’ancien travailleur. Il a ses droits et ses devoirs.

L’augmentation des pensions des retraites a révélé toutes ses limites objectives. Elles sont insuffisantes, voire médiocres, au regard de la faiblesse du pouvoir d’achat des pensions de retraite et du renchérissement du coût de la vie. Une pension de misère est une atteinte grave à la dignité du travailleur retraité.

L’accroissement du nombre des retraités sénégalais constitue une autre source réelle d’inquiétude des retraités. Les organismes de prévoyance sociale, notamment l’Institut de prévoyance maladie (Ipres) et le Fonds national de retraite (Fnr), ne se portent guère mieux aux plans financier et économique. Ils sont encore et toujours déficitaires. Cette tendance lourde du nombre croissant des retraités aura naturellement des effets significatifs sur les conditions de vie déjà insupportables des retraités. La crainte d’une faillite des organismes de prévoyance sociale n’est point à exclure à l’horizon.

Au-delà des mécanismes de réajustement épisodique des pensions de retraite, en fonction de l’évolution du coût de la vie, force est de relever la dimension scandaleuse du traitement des retraites. La retraite n’est pas calculée en fonction du dernier salaire de l’ancien travailleur. Encore moins en fonction de l’expérience professionnelle, des statuts et des contributions au développement de l’État, du pays et de la société. Il est calculé de manière arbitraire et absurde, en fonction de paramètres peu pertinents.

Ce qui prévaut dans le calcul de la pension de retraire reste le nombre des années de service et le nombre de points acquis par les retraités. C’est du moins la logique de calcul de base de la pension de retraite dans le secteur privé. Dans la fonction publique, les années de carrière et le statut de l’ancien retraité constituent des critères déterminants pour calculer les pensions de retraite.

Dans ces deux cas de figure de la retraite publique ou privée, le résultat de ce scandale politique et financier, à la base du calcul de la base de la retraite, se mesure aux faibles pensions de la retraite misérable des anciens travailleurs. Pendant ce temps d’une misère de la retraite voulue et entretenue politiquement par l’État, le patronat et les syndicats des travailleurs, les administrateurs des  organismes de prévoyance sociale vivent mieux que les retraités qui se sont sacrifiés. Ils ont cotisé pour faire vivre d’autres.

 

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