La politique, cet art de mener la bataille des idées, des idéaux et de gouverner est l’expression d’une volonté exprimée par les gouvernants ou par les adversaires d’un régime politique. Elle associe l’intention à travers une ambition claire et précise et le désir réel d’améliorer, de changer l’état de la situation sociale, économique et culturelle dans laquelle se trouvent des populations. Par opposition à cette approche de la politique comprise dans le sens de la bonne gouvernance de la Cité, sa vision déclinée dans le court, moyen et long terme, la politique politicienne consiste à détourner consciemment ou inconsciemment les citoyens des réalités pressantes d’un pays à transformer et la recherche de solutions urgentes et pérennes aux préoccupations légitimes et cruciales des citoyens. Le Sénégal est présentement à un tournant dominé très fortement par la politique politicienne. Le pouvoir et une frange de son opposition jouent chacun sa partition politicienne.
Le réveil des citoyens Sénégalais risque d’être brutal. Ils ont salué le processus de réconciliation entre le Président de la République en exercice, Macky Sall et son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade, la libération de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall. Ce nouveau pas franchi par le chef de l’État et les adversaires irréductibles de la majorité présidentielle, participent de l’assainissement humain des relations heurtées entre le pouvoir et son opposition tout au long de l’exercice du premier mandat présidentiel.
Le souffle du vent de la politique politicienne ne trompe guère. La réconciliation entre le maître et son élève, la sortie de prison de Khalifa Ababacar Sall, sont au mieux que des facteurs humains de décrispation sociale du jeu politique. Après la décrispation, il y a par conséquent, une phase de réflexion approfondie au sujet des causes des tensions qui ont provoqué la crise de confiance entre le pouvoir et ses adversaires, les violences récurrentes frappant les marches pacifiques des contestataires et les emprisonnements cycliques des adversaires du régime. La politique politicienne consiste justement à faire croire consciemment que les retrouvailles et la libération effacent de manière magique les divergences de fonds et les défaillances de la gouvernance publique.
En dépit du climat social et politique apaisé, les sources véritables des contentieux politiques entre le chef de l’État et ses adversaires de l’opposition demeurent quasi identiques. La suspicion est plus que jamais au centre de manœuvres plus politiciennes. La loi du parrainage, le code électoral, l’organisation des scrutins par le Ministère de l’Intérieur, constituent des sujets de controverses. La gouvernance des affaires publiques, singulièrement, des ressources du pétrole et du gaz est loin de faire l’objet d’un consensus politique national. Ces questions de gouvernance politique et économique se combinent naturellement à d’autres questions récurrentes touchant à la séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, à la nécessaire fin du cumul des fonctions de président de la République et chef de parti, sans oublier la lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics. Ces questions politiques sont incontournables dans un débat politique démocratique.
La réconciliation entre les frères ennemis libéraux, la libération du socialiste et des acteurs de la société civile politique, devraient ouvrir un débat à propos des divergences entre le président de la République, sa majorité et ses adversaires politiques depuis son avènement au pouvoir. L’absence d’une volonté politique partagée est à l’origine des divergences persistantes et du boycott du dialogue politique et du dialogue national par le Parti démocratique sénégalais et le Pastef.
Aucun geste politique actuel ne laisse croire que le pouvoir et son opposition sont décidés à affronter les causes de ces nombreux conflits politiques et à envisager un nouveau cap de la démocratie et de la gouvernance des affaires publiques. La volonté politique, commune et indispensable aux dépassements des égoïsmes partisans, des suspicions et des états d’âme crypto-personnels, est au cœur d’un véritable dialogue politique ouvert, démocratique et dynamique.
À défaut de cette ferme volonté, il sera difficile d’envisager une sortie de la crise de confiance entre le pouvoir et son opposition. Le report des élections locales ne peut occulter l’ampleur des divergences entre le pouvoir et son opposition et les enjeux d’un débat serein à propos de la gouvernance des affaires publiques.
La politique politicienne est malheureusement en train de prendre le dessus sur la volonté politique de prendre en charge des questions récurrentes majeures. Les questions politiques susceptibles de gêner la majorité présidentielle sont quasi évacuées du débat politique national. Les Sénégalais pourraient se rendre à l’évidence d’une manœuvre politicienne : les problèmes politiques fondamentaux restent en l’état au cours du deuxième mandat présidentiel. Pendant ce temps, le mal économique et social du pays va ronger davantage les populations les plus démunies du Sénégal et sa jeunesse désemparée.