La crise de confiance entre le pouvoir et son opposition ne souffre plus de doute. Les citoyens subissent pendant ce temps, les effets des aléas d’une conjoncture résultante de la crise socio-économique sans précédent que vit le pays. L’élite politique se perd progressivement entre les mailles des filets politiciens et l’abandon de sa responsabilité historique.
Le déficit de confiance entre une majorité politique exerçant le pouvoir et ses adversaires n’est point une nouveauté au Sénégal. Le pays en a connu des séquences multiformes sous l’exercice des anciens Présidents de la République : Senghor, Diouf et Wade. Les crises de confiance ont même atteint, à des moments de la vie politique, des seuils critiques de rupture consommée.
Ce qui passe sous le règne de la seconde alternance est probablement inscrit dans la continuité de cette histoire de déficit de confiance politique à la sénégalaise.
Les Assises nationales de l’opposition au régime libéral de l’ancien Président de la République, Abdoulaye Wade, constitue un repère encore frais dans la mémoire. Les acteurs politiques et de la société civile ont cristallisé ce conflit ouvert, par l’organisation d’une réflexion inclusive au sujet de la refondation de la République et d’une gouvernance politique et économique portée par une charte de gouvernance démocratique. L’élite politique aura joué sa fonction critique au cours de ces assises.
Elle a su intelligemment construire une réponse à la crise de confiance, jeté les bases d’une alternance démocratique et un projet de société plus en adéquation aux aspirations citoyennes. Cet effort de l’élite dans la recherche de solutions aux questions d’intérêt national et de sortie de crise de confiance a été salutaire pour toute la classe politique.
La seconde alternance n’a su ou voulu intégrer les Conclusions de ces Assises nationales. Tout au long du premier mandat du Président de la République, Macky Sall, l’ombre de ces Conclusions ont plané sur la trajectoire mouvementée du Sénégal.
La crise de confiance entre la majorité actuelle et ses adversaires ne relève guère de l’imaginaire. Elle se mesure au rejet de la Constitution et celui de la loi sur le parrainage. Le Sénégal est plus que jamais divisé en deux camps.
Les pesanteurs sociales et culturelles de la crise persistante constituent une réalité profonde au cœur de la société sénégalaise. La pauvreté gagne du terrain dans les villes et à la campagne. L’insécurité, l’insalubrité, la perte de crédibilité du système éducatif, des systèmes de santé et de protection sociale des couches vulnérables demeurent des questions majeures. Que dire de la menace intégriste, de la dislocation du tissu sociofamilial et communautaire.
Les citoyens sénégalais avaient espéré que le dialogue national et le dialogue politique amorcés par le maître du jeu, allaient enfin réunir le pouvoir et son opposition autour de l’essentiel, en l’occurrence, les préoccupations des citoyens et une gouvernance consensuelle de l’État et des Collectivités locales.
L’espoir d’un sursaut des esprits, des cœurs, des rancunes et des incivilités est trop maigre. Ainsi va le Sénégal des crises de confiance récurrentes ! Évidemment, l’élite politique a une responsabilité historique au regard de l’aggravation de la crise de confiance grandissante entre le pouvoir et son opposition. Elle peut et doit la prendre en âme et conscience. Elle a aussi le choix de renoncer à sa fonction sociale. Elle n’a plus d’ailleurs confiance en elle-même. Elle est devenue prisonnière du jeu politicien et des intérêts de groupes privés.
Mamadou SY Albert