Les fondements d’un dialogue confus (Mamadou SY Albert)

En décidant de mener le dialogue entre le pouvoir, son opposition et les acteurs de la société civile, le Président de la République a jeté les bases d’un dialogue confus.
Les frontières entre le dialogue national et le dialogue politique se révèleront étroites. On passe de l’une à l’autre et inversement.
Plus d’un mois après le lancement de la journée du dialogue en mai dernier, ni le dialogue national, ni le dialogue politique ne semblent véritablement démarrer. Les acteurs sont encore à la recherche des Termes de références et d’une démarche inclusive de la mise en œuvre des résultats des futurs  travaux.
La démarche présidentielle qui a consisté à mener séparément le dialogue politique du dialogue national, constitue probablement, l’origine de la grave confusion politique, entre ce qui relève du dialogue national et ce qui relève du dialogue politique.
Le Président de la République a établi une frontière entre ces deux questions étroitement liées. Dans l’entendement de la majorité présidentielle, le processus électoral, l’organisation des élections transparentes et libres seront traités par le dialogue politique. C’est l’affaire des politiciens.
Par contre, le dialogue national se focaliserait sur des préoccupations d’intérêt national, non partisan, politiquement s’entend. C’est l’affaire de tous et de chaque citoyen.
Le Chef de l’État a jeté ainsi les bases politiques d’un enlisement programmé à la fois du dialogue national que du dialogue politique. Les frontières entre le dialogue national et le dialogue politique sont difficiles à délimiter et à établir.
En quoi d’ailleurs, les questions traitées par un dialogue politique ne seraient pas l’objet de  réflexion et de propositions d’un dialogue national incluant tous les acteurs du débat public, y compris les professionnels attitrés de la politique ?
Le dialogue national est, dans son essence, un espace approprié et privilégié pour l’expression de la souveraineté d’un peuple.
La politique comprise dans le sens d’une gouvernance de la Cité,  n’a de sens et de portée sociale et culturelle que si elle est réfléchie, décidée et assumée par tous les acteurs, unis exclusivement par l’intérêt national.
Cet espace national, non partisan par définition, est suffisamment représentatif de toutes les composantes sociologiques d’une nation. Il est aussi un cadre de l’expression démocratique libre des aspirations des populations et des acteurs politiques.
Ce que le dialogue national décide en âme et en conscience dans toute sa pleine et entière souveraineté, engage précisément l’État, les acteurs politiques exerçant le pouvoir ou dans l’opposition
Les termes du dialogue national et du dialogue politique, tels que déclinés par le Président de la République, ne permettent pas réellement aux acteurs politiques de mesurer l’importance du dialogue national. Il est au cœur des dynamiques et des processus de reconstruction de l’État, de la République, des valeurs républicaines.
C’est ce dialogue national qui est mieux habilité par sa représentativité, sa légitimité et  sa souveraineté à construire des consensus politiques nationaux engageant tous les acteurs de la société et de la République.
Les faiblesses du dialogue politique en cours ne trompent guère sur les risques d’un échec ou de consensus fragiles sans lendemain entre des acteurs préoccupés par la préservation du pouvoir ou sa conquête démocratique.
En dépit de deux alternances politiques de régime, le dialogue politique connaît d’ailleurs un malaise institutionnel persistant qu’un dialogue national sera capable de diagnostiquer, de traiter et de dépasser.
Le Président de la République est encore loin d’être au Sénégal, une institution au-dessus de la mêlée partisane et des clivages politiciens nourris par des groupes d’intérêts interchangeables.
Le ministre de l’Intérieur, une pièce maîtresse d’un État démocratique et organisé, demeure la pomme de discorde entre la majorité actuelle et ses adversaires réclamant une autorité chargée exclusivement des élections.
La loi du parrainage reste au centre des divergences majeures de l’espace public. Le dialogue politique pourrait, dans ce contexte de clivages prononcés et d’une démarche isolant les questions politiques du dialogue national, aboutir difficilement à un accord global sur la démocratie électorale, ses mécanismes de fonctionnement et son organisation.
Au mieux, le Président de la République en exercice, aura le mérite d’avoir organisé séparément, un dialogue national et un dialogue politique. Au pire, le dialogue national et le dialogue politique produiront une confusion d’intérêt national.

Mamadou SY Albert

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