Les freins de l’entrée sénégalaise dans l’ère numérique (Mamadou SY Albert)

La Pandémie du covid- 19 replace très fortement les Nouvelles technologies de l’information et de la communication au cœur du fonctionnement de la gouvernance politique, des activités de production des biens et services et des modes de vie. Le gouvernement, les ministères, les acteurs économiques, sociaux et les citoyens sont tous, ou presque, à l’heure du travail à distance et du numérique.

Les activités fondamentales, à savoir, produire des biens et des services, communiquer passent  désormais par les outils secrétés par la Révolution des technologies et des sciences en l’occurrence, l’ordinateur, le portable, les fibres optiques, le satellite…. La société sénégalaise peu préparée à son entrée dans le vaste champ du travail ou de l’éducation à distance entre à pas forcés dans la civilisation et la culture du numérique. Un basculement civilisationnel très peu en adéquation avec le retard culturel, technique et scientifique du Sénégal. Les freins de l’entrée du Sénégal dans le nouveau monde virtuel de la technologie et des sciences cristallisent une absence de volonté politique, des pesanteurs, des mentalités remontant à l’âge du travail manuel et de la civilisation orale.

L’entrée dans l’ère de la Civilisation numérique, des technologies et des sciences est une question majeure de gouvernance des États et des sociétés contemporaines depuis des décennies et des décennies. Certains pays, notamment occidentaux, ont réussi le passage à une véritable révolution scientifique et technique. L’organisation de nombreux États de ces pays, de la production des biens et des services publics et privés se sont soumis à une véritable reconstruction des modèles de production et de société. Ces pays vivent de nos jours au rythme du numérique et de la technologie.

D’autres pays par contre sont encore restés dans un processus complexe de transition au numérique relativement plus long, voire chaotique. Les pays africains sont dans cette dynamique inachevée du passage de la gouvernance bureaucratique et administrative traditionnelle à la gouvernance numérique. La crise sanitaire et économique actuelle met ainsi en exergue des décalages notoires entre les pays qui ont intégré le numérique et les Ntic dans les modes de travail, de production à distance et le fonctionnement de la société d’un côté, et  de l’autre, les pays encore embourbés dans les méandres d’une transition associant des modes de travail et de production mixtes.

L’éducation nationale mène, à ce titre, une expérience inédite à travers la volonté ministérielle d’assurer la continuité pédagogique pendant cette période de crise

Les enseignements pédagogiques à distance sont assurés progressivement par le corps enseignant à travers plusieurs supports de communication : le canal de la télévision, des radios communautaires et par l’internet. Pendant ce moment de la continuité pédagogique, de nombreux ministères publics ont mis en place des dispositifs permettant aux cadres de travailler à distance. Les entreprises les plus significatives de l’économie nationale sont également à l’heure du travail à distance. L’essentiel de l’activité du pouvoir public et des secteurs formels se fait pendant la crise à distance. Ce basculement brusque de l’activité gouvernementale, de la production des biens, des services, de la communication sociale met en relief le retard culturel et scientifique du Sénégal.

Les blocages du Sénégal relèvent fondamentalement de la gouvernance politique, des pesanteurs culturelles et sociales. Les pouvoirs publics ne parviennent pas à élaborer et à mettre en œuvre un programme national multisectoriel pour entrer définitivement dans l’ère numérique en dépit du potentiel technique, scientifique et humain du pays dans le domaine des Nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Le retard culturel, technique et scientifique du Sénégal est manifeste au regard de l’absence d’une politique de formation des administratifs, des enseignants et des travailleurs. Ce retard dans la formation touche pratiquement tous les métiers. En dépit de l’usage de l’ordinateur et du portable au Sénégal, le travailleur sénégalais souffre d’un déficit de formation technique qualifiante dans les nouvelles technologies, singulièrement dans le domaine du travail ou de l’éducation à distance. Le Sénégal n’a pas pris en charge cette formation spécifique indispensable à l’entrée dans l’ère du numérique. Elle exige naturellement des moyens financiers et de l’innovation. Sans une taille critique en ressources humaines et une vision du développement capable de faire basculer le pays essentiel dans la civilisation numérique, il est illusoire de penser  à un système éducatif à distance ou à un basculement de l’administration et de la production dans la civilisation numérique.

L’écrasante majorité des travailleurs sont à l’âge de la présence physique au travail manuel et du papier. Aucune formation des travailleurs n’est réellement assurée par la puissance publique et par les entreprises. Ce retard culturel, technique et scientifique se conjugue évidemment à l’ampleur de l’analphabétisme demeurant le blocage culturel de l’entrée de la société sénégalaise dans la civilisation numérique. Après la Pandémie, les travailleurs sénégalais et les citoyens retourneront assurément aux vieilles habitudes du travail présentiel, de la bureaucratie administrative et de la belle parole magique.

 

 

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