Le Président de la République en exercice, Macky Sall, a initié le dialogue politique et le dialogue national. En décidant de tenir ces deux rencontres de manière séparée, le chef de l’État a probablement voulu distinguer, voire isoler, les acteurs politiques des autres composantes de la nation sénégalaise. La démarche présidentielle est prisonnière, consciemment ou non, des clivages politiciens traditionnels. Ces conflits ont fini par polluer le jeu politique et les relations entre le pouvoir et son opposition. La majorité subit présentement les conséquences des incohérences de la démarche présidentielle. L’échec du dialogue national se dessine ainsi à l’horizon.
La démarche présidentielle consistant à organiser le dialogue national, d’un côté et de l’autre, le dialogue politique, n’est point sans arrière-pensée politique. C’est un réflexe naturel de gouvernance au Sénégal. Le pouvoir étatique a du mal à composer avec le discours critique de son action et de sa gouvernance par ses adversaires tels que supposés à tort ou à raison. On peut soupçonner le président de la République, initiateur des deux dialogues d’avoir procédé à des calculs politiques en séparent ce qui relève du national et du politique.
Tous les pouvoirs politiques qui se succèdent ont pratiquement nourri un ressentiment identique à chaque fois qu’il est question de dialogue national sur la gouvernance des affaires publiques de la majorité présidentielle du moment. Ils suspectent toujours la présence des adversaires à la table des négociations. Ils sont capables de déranger au plus haut sommet l’État, à ces confrontations.
Cet état d’esprit de méfiance de l’opposant a prévalu au moment des Assises de l’opposition sous le règne du Président de la République, Me Abdoulaye Wade. Ce dernier a invité les citoyens sénégalais à boycotter ces rencontres organisées par ses adversaires, en dépit d’ailleurs de la bonne volonté du président des Assises de placer ces rencontres sous le sceau de l’unité nationale et de la recherche de consensus nationaux pour la reconstruction du Sénégal et le développement. L’esprit suspicieux de la majorité actuelle a des liens très étroits avec la démarche du président de la République en exercice tentant de confiner les acteurs politiques acteurs au débat politique. La majorité a ainsi décidé de tenir à côté de ce dialogue politique, un autre dialogue national ouvert et réservé à toutes les composantes socio-professionnelles, à la société civile, aux hommes et femmes politiques du pouvoir et de l’opposition sénégalaise. La volonté politique présidentielle de sortir le dialogue national des griffes des politiques, des clivages partisans est paradoxalement prisonnière du jeu des clivages politiciens et de l’esprit suspicieux du gouvernant. On crée ainsi un faux débat entre le dialogue national et le dialogue politique.
Qu’est ce qui peut relever du dialogue national sans être politique ? Quel sujet serait exclusivement politique sans lien avec l’intérêt national des compatriotes ? Il suffit simplement de prendre l’exemple de l’augmentation du prix de l’électricité pour se faire une idée des liens dialectiques entre une question d’intérêt national et une question d’ordre politique. L’électricité est une question nationale par excellence par son intérêt national. Elle interpelle tous les citoyens. On peut prendre un autre exemple de l’ordre de l’organisation démocratique des élections. Qu’est-ce qui est plus politique ou nationale que la participation libre des électeurs et le respect de la souveraineté du peuple ?
Les questions soumises au dialogue national sont fondamentalement des problématiques politiques. Celles qui touchent au fonctionnement de la démocratie pluraliste, de la gouvernance démocratique et des affaires publiques, sont à la fois nationales et politiques. En enfermant le dialogue (national- politique) dans des logiques politiciennes, la majorité politique ne se doutait guère que ce procédé allait mener à l’impasse. Elle est en train de subir présentement les effets des incohérences de sa démarche politique. La mission du président du Comité de pilotage du dialogue national, Famara Ibrahima Sagna est aussi politique, que la mission du président du dialogue politique, Mamadou Niang. C’est un faux débat que de vouloir opposer le dialogue national au dialogue politique. Les Conclusions des formats devraient engagées le chef de l’État, le pouvoir, son opposition et toutes les couches de la Nation sénégalaise.
Les deux hommes devraient se parler politiquement en sortant du piège de la séparation artificielle d’un dialogue éclaté qui risque d’être contre-productif. Cette frontière imaginaire séparant le national du politique ne peut qu’accentuer les clivages politiciens et isoler davantage les acteurs politiques, singulièrement ceux se réclamant de l’opposition. L’impasse de débat au sujet de la conduite et des articulations entre le dialogue national et du dialogue politique pourrait produire l’échec des dialogues si les deux responsables du dialogue national et du dialogue politique ne parviennent à surmonter les non-dits de la démarche présidentielle.