Les préludes d’une impasse politique (Mamadou SY Albert)

Le Président de la République a été réélu en février 2019. Il dispose de son équipe gouvernementale pour engager la mise en œuvre de ses intentions politiques déclinées durant la campagne électorale. Le chef de l’État dispose également d’une majorité parlementaire confortable pour faire voter les lois et faire fonctionner correctement les institutions de la République. Il a le soutien indéfectible d’une forte coalition politique victorieuse aux élections depuis son accession au pouvoir suprême. Le maître du jeu fait face, paradoxalement, à une pressante demande politique, sociale et économique. Cette demande exige des solutions en urgence, dans le court, sur le moyen et long terme. Les préludes d’une impasse politique s’accumulent et se dessinent progressivement à l’horizon du second mandat présidentiel.

Le Président-candidat à sa propre succession et sa majorité n’ont guère voulu entendre, durant l’exercice du pouvoir étatique du premier mandat, satisfaire la demande politique de l’opposition. Cette dernière a marché. Elle a protesté sous des formes variées. Elle a réclamé des mois et des mois des concertations politiques au sujet du processus électoral, de la loi électorale, de l’organisation et le contrôle du scrutin par une autorité indépendante du pouvoir et de l’opposition. Plus de démocratie, plus de transparence. C’est sa fonction naturelle.

La réponse de la majorité à la critique récurrente de ses adversaires est presque demeurée invariablement identique. Le pouvoir a fait voter la Constitution par référendum et la loi sur le parrainage par l’Assemblée nationale. Deux candidats-Présidents potentiels seront mis en prison. D’autres candidats-Présidents seront écartés par la loi électorale. Le pouvoir a imposé sa puissance de frappe politique et électorale.

C’est ce rapport de force qui a prévalu depuis quelques années entre la majorité et l’opposition. La société civile a été traitée de tous les noms politiques à chaque fois qu’elle a émis des réserves, des doutes et des critiques dans la marche de la gouvernance des affaires publiques. Ce climat social et politique a failli faire basculer le Sénégal dans la violence électorale et politique dès la proclamation des résultats électoraux de la dernière présidentielle. La messe républicaine était dès lors dite, politiquement ; dès la reconduction du candidat de la majorité républicaine à la tête du Sénégal.

Le Président de la République reconduit a fixé un nouveau cap en choisissant de satisfaire tardivement la demande politique de son opposition. Le temps politique est ouvert. C’est l’ère du dialogue politique et national. Cette initiative se combine à la réconciliation entre le Président en exercice et son Prédécesseur. Ces jalons de décrispation devraient naturellement placer le deuxième mandat dans une dynamique de revitalisation de la démocratie pluraliste et de la mise en œuvre de l’ambition du chef de l’État par le gouvernement et sa majorité parlementaire et politique. Tel ne semble être le scénario.

Bien au contraire ! L’inaction de l’équipe gouvernementale se mesure à l’insatisfaction grandissante des préoccupations des populations rurales et urbaines. Après les inondations, les déguerpissements des acteurs du commerce informel, ce sont les enseignants, les paysans, les communautés rurales, qui se plaignent des conditions de vie, du traitement de leurs doléances et des promesses électorales non respectées. Chaque segment de la société a ses préoccupations légitimes.

La  phase 2  du Plan Sénégal émergent annoncée ne rassure point les opérateurs privés nationaux laissés en rade par le marché public et le capital international. Les partenaires techniques et financiers ont désormais les yeux rivés sur l’état des finances publiques du Sénégal, les capacités de son administration à respecter dans le futur ses engagements internationaux, singulièrement la dette externe.

Les urgences sociales, les questions de gouvernance politique et économique et l’état de la démocratie électorale s’enchevêtrent. L’impasse est au cœur de cet enchevêtrement de questions explosives au plan social, politique et économique. La majorité n’a pas de réponse à ces interpellations massives du peuple et des acteurs politiques. L’absence d’un chef de gouvernement accentue ou aggrave l’inaction et l’inefficacité gouvernementale. Le vent du troisième mandat présidentiel vient par-dessus tout semer la panique dans les rangs de la majorité. Pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, des acteurs politiques au pouvoir choisissent de se taire publiquement, à propos d’une charte fondamentale, de l’après d’un Président de la République et l’avenir de la gouvernance publique.

Les questions délicates et graves ayant trait à l’homosexualité, à la franc- maçonnerie et à la drogue se transformant en une véritable menace pour la santé de la jeunesse et le terrorisme, corsent davantage le mandat présidentiel rendu difficile et complexe. La deuxième alternance doit se rendre à l’évidence : L’impasse politique est réelle. Elle peut être toutefois une opportunité. Elle peut mener aussi au chaos politique. Tout sera dans l’intelligence des réalités complexes, la prise de conscience des dangers menaçant le Sénégal et les  capacités à traiter des questions de fond de la société dans un esprit responsable, démocratique et républicain.

 

 

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