Les risques politiques de la fuite en avant de la majorité présidentielle (Mamadou SY Albert)

La majorité républicaine est désormais en ordre de bataille pour le troisième mandat présidentiel. Le palais présidentiel, l’Alliance pour la République et la coalition Benno bokk yakaar soutenant l’action du président de la République en exercice, sont plus que jamais sur le pied de guerre.

Les adversaires de cette orientation quasi irréductible seront bannis des rangs sous des formes très variées : limogeages, mise en quarantaine, surveillance renforcée et interdiction de fréquentation de certains milieux politiques nationaux et étrangers. Les responsables occupant des fonctions politiques et administratives, les parlementaires et les responsables politiques sceptiques ou totalement acquis au respect de la Constitution seront pourchassés, indexés, puis mis hors d’état de nuire par et pour la validation de la candidature du président de la République, Macky Sall en février 2024. Une véritable fuite en avant des responsabilités politiques se dessine à l’horizon de cette stratégie de préservation du pouvoir par la majorité présidentielle.

Le président de l’Alliance pour la République avait invité les responsables du parti présidentiel et de la coalition Benno bokk yakaar soutenant son action à ne pas discuter du troisième mandat présidentiel. Ce n’était point ni l’heure, ni le moment. Le non-respect de cette instruction ou directive présidentielle avait valu à certains responsables républicains le limogeage de fonctions administratives et politiques.

Apparemment, la sanction avait réussi à apaiser le climat politique entre les partisans irréductibles du troisième mandat et ses adversaires. Paradoxalement, ce sont de plus en plus des responsables politiques parmi les plus proches du président de la République et de l’Alliance pour la République qui alimentent le débat interdit par le chef de la majorité présidentielle. Le secrétaire général de la présidence de la République, Mahammad Boun Abdalah Dione a relancé la question du troisième mandat.

La complicité entre cette forte personnalité politique de l’État et le président de la République en exercice ne souffre plus de doute. L’ancien Premier ministre est le véritable porte-parole de cette stratégie de la préservation du pouvoir républicain. On comprend aisément que le débat que le président de l’Alliance pour la République voulait éviter sous peine de sanction n’était qu’une parade politicienne à l’adresse des responsables et alliés peu favorables à cette option.

Au-delà de ce paradoxe entretenu, sciemment, pour écarter tout discours susceptible de provoquer des remous dans les rangs de la majorité, la majorité politique est véritablement sur un pied de guerre. Cette guerre sera à la fois interne et externe. Tous les ministres, parlementaires et responsables occupant des fonctions administratives et politiques ne partageant pas la ligne tracée par le maître du jeu risquent d’être des bannis. Certains sont déjà jetés en pâture. Ils seront dénoncés par des bases déchaînées contre des responsables que certains qualifient déjà de traîtres. D’autres qui pendraient le risque d’afficher ouvertement des positions divergentes de l’option du palais présidentiel risquent simplement d’être limogés du gouvernement ou de leurs fonctions administratives et politiques. La guerre à l’extérieur aura des cibles privilégiées dans les rangs de la mouvance présidentielle. Les adversaires irréductibles du troisième mandat présidentiel seront surveillés comme de l’huile sur le feu.

À la moindre alerte sociale d’ampleur nationale, ces activistes risquent la prison. La fuite en avant de la majorité aura des conséquences énormes sur la stabilité du pouvoir. On imagine, les répercussions des conflits internes à l’Alliance pour la République et dans les rangs de la mouvance présidentielle sur le fonctionnement de ces leviers et sur le fonctionnement de l’État et de l’administration publique centrale et locale. Les élections locales et les législatives pourraient être comprises par l’implosion de l’Apr et du Benno bokk yakaar. Le report des Locales à une date imprécise pour le moment est une opportunité politique pour les coupler aux législatives. La conséquence sur la gouvernance des affaires publiques va affecter sans aucun doute l’état de l’économie du Sénégal. L’enlisement politique en perspective va se conjuguer à une situation sociale et économique encore plus incertaine. La fuite en avant aura également des conséquences importantes sur la démocratie sénégalaise. Cette dernière sera prisonnière de la stratégie de la préservation du pouvoir par la majorité présidentielle.

 

 

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