Les Socialistes à l’épreuve de la reconstruction et du pouvoir (Mamadou SY Albert)

La soudaine disparition du Secrétaire général du Parti socialiste, Ousmane Tanor Dieng, met désormais la direction actuelle des Socialistes devant des épreuves politiques complexes. Les responsables de ce parti sont peu ou prou, préparés à la relève des affaires et à la conduite des destinées d’une organisation historique participant depuis 2012 à la gouvernance de l’État et des Collectivités territoriales. Ils devront relever de nombreux défis.
La succession du principal responsable politique du Parti socialiste au cours des dernières années est désormais ouverte. Elle ne relève guère de l’équation de l’intérim passager. Contrairement à ce que certains responsables voudraient faire croire, la direction du Parti socialiste est plutôt devant une épreuve politique majeure de son histoire.
Ousmane Tanor Dieng est resté le chef d’orchestre des Socialistes, son maître du jeu et l’un des acteurs principaux de la stratégie socialiste du gouverner ensemble avec la coalition Benno bokk yakaar dans le soutien au Président de la République, Macky Sall, réélu en février 2019.
Il est resté également, l’incarnation du lien ombilical entre le Parti socialiste sénégalais et l’Internationale socialiste et de nombreux États à la tête desquels se trouvaient des Socialistes. La succession du Secrétaire général du Ps est, par conséquent, une question politique inscrite dans la trajectoire du débat récurrent au sujet de la continuité ou la rupture avec cette ligne directrice tracée et mise en œuvre par l’ancien Secrétaire général du Parti socialiste.
Les partisans et fidèles du disparu existent. Ils sont majoritaires à l’état actuel du rapport de force entre les Tanoristes et les adversaires déclarés ou non. Le courant qui porte son héritage va inscrire naturellement, l’avenir du Ps dans la dynamique de cette continuité historique impulsée par son leader.
Par contre, des franges significatives de la direction socialiste pourraient inviter à une réévaluation plus approfondie des orientations socialistes au cours de son évolution depuis l’avènement de la première alternance à nos jours. L’expérience et la gestion de l’ancien Secrétaire général sera passée dans ce cas de figure, à la loupe et aux cribles de la critique.
Cet exercice d’introspection interne et externe aura évidemment des liens avec des questionnements délicats, notamment, la personnalisation du Parti socialiste, ses manquements, ses faiblesses sous la conduite de l’ancien président du Haut conseil des collectivités territoriales. Le traitement peu – ou anti – démocratique des divergences internes rythmées par les départs des partisans de Khalifa Ababacar Sall, d’Aïssata Tall Sall, des animateurs de la jeunesse socialiste et de certains cadres, serait le plat de résistance de ce menu corrosif.
Les lignes de fracture et de démarcation entre la continuité de l’œuvre du refondateur en chef et la rupture pour la reconstruction d’une nouvelle formation socialiste, new look, plus démocratique, pourraient se cristalliser autour du gouverner ensemble avec le Président de la République en exercice et sa majorité politique et à travers la retrouvaille indispensable des obédiences socialistes.
L’alliance stratégique avec la majorité présidentielle ne sera point une question mineure de l’avenir du Parti socialiste. Elle pourrait être la source des  divergences virtuelles, voire de l’éclatement potentiel du Parti socialiste. Le choix entre ces options divergentes sera délicat.
Il faudra opter entre la préservation des privilèges du pouvoir étatique, notamment les postes ministériels, les fonctions parlementaires, la présence et le contrôle du Haut conseil des collectivités territoriales, l’accès à des fonctions de Directeurs généraux et de présidents de conseil d’administration et la reconquête du pouvoir. Cette quête légitime de revenir au pouvoir passera nécessairement par la séparation programmée avec la majorité présidentielle ou une négociation audacieuse au sommet, entre l’Alliance pour la République et le Parti socialiste.
Ce scénario d’une alternance en douceur du pouvoir entre républicains et socialistes est possible au regard du poids politique du Ps dans le gouverner ensemble, de la confiance réciproque dans la gestion de l’État et des collectivités territoriales. Toutefois, ce schéma est peu probable. Ces différentes options politiques et stratégies pour le retour à l’exercice du pouvoir, sont devant la direction du Parti socialiste. Elles auront des conséquences inéluctables sur le futur incertain du Parti socialiste.
L’unité de la famille socialiste n’en reste pas pour autant, une question fondamentale pour cette direction sommée d’organiser également un congrès pour choisir son chef et sa feuille de route. Les partisans d’Ousmane Tanor Dieng, accepteront difficilement de passer l’éponge sur les contentieux, de  tendre la main à l’ancien maire de Dakar dans un contexte miné par des conflits de succession. Plusieurs facteurs politiques, psychologiques et moraux militent en faveur d’une séparation quasi définitive entre ces camps rivaux. Les partisans de Tanor pourraient difficilement aller dans la perspective de ses retrouvailles.
À moins que les deux pôles rivaux de cette retrouvaille improbable, ne s’accordent au moins, quant à la nécessité de créer un cadre unitaire socialiste. Ce dispositif organisationnel fédérateur pourrait, alors servir de cadre de pacification des relations heurtées.
Il pourrait aussi permettre de vider des contentieux politiques et judiciaires, des frustrations et de mener la réflexion sur l’histoire mouvementée du Parti socialiste, ses expériences, sa gouvernance interne et son avenir. La réussite de ce pari ambitieux, dépendra des capacités de dépassement individuel et collectif des militants socialistes, des fractions du Ps et des autres composantes de la famille socialiste, en errance entre les allées du Palais présidentiel et les boulevards de l’opposition républicaine en reconstruction.

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