Le président de la République en exercice fait face, depuis son accession à la tête du Sénégal en mars 2012, à une opposition désunie dans sa démarche stratégique autour de l’essentiel de son combat politique : conquérir le pouvoir national et/ou local. La réalisation de cet objectif devrait passer nécessairement par des élections libres, démocratiques et transparentes. Paradoxalement, en dépit de cette volonté commune partagée de conquête du pouvoir par les nombreux adversaires de la majorité présidentielle et de son chef, les adversaires du pouvoir républicain n’ont pas réellement réussi à inquiéter le président de l’Alliance pour la République et le Benno bokk yakaar, à l’occasion d’une élection locale ou de la dernière Présidentielle. L’état de désorganisation de l’opposition sénégalaise semble être l’origine majeure de la faiblesse et des défaites cumulées des adversaires du pouvoir républicain.
Une opposition politique ne se mesure, ni par le nombre croissant des adversaires du pouvoir, ni par la multitude des formations politiques se réclamant de la mouvance de l’opposition. Depuis sept ans, les rangs de la majorité présidentielle n’ont cessé de connaître des départs élargissant le camp de l’opposition sénégalaise. Ils sont des anciens militants et responsables de l’Alliance pour la République. Ils sont des partis alliés ayant participé à l’avènement de la seconde alternance survenue en mars 2012. Ils sont des acteurs de la société civile désemparés ou outrés par la répétition des pratiques de mal gouvernance politique et économique.
Tous ces acteurs se réclament de la mouvance officielle de l’opposition au régime républicain. Ce nombre croissant des partisans du changement de régime ne parvient pas à traduire son poids comptable dans les urnes. Les élections locales, les législatives se suivent et se ressemblent par les résultats électoraux toujours insuffisants pour le changement effectif de la gouvernance locale et la gouvernance du pays. Le pouvoir républicain conserve son pouvoir d’influence électorale en dépit des départs grossissant le nombre des mécontents du pouvoir et de la tendance à la baisse des résultats électoraux de la mouvance présidentielle dans certaines régions en rébellion ouverte, notamment à Thiès, Ziguinchor, Saint-Louis, dans certains départements de la région dakaroise et à l’étranger.
Cette tendance à la baisse aurait pu être plus significative si les adversaires du pouvoir républicain avaient su apporter intelligemment des réponses politiques à la hauteur de l’unité de l’opposition et de l’objectif qu’ils ont en commun, notamment conquérir le pouvoir. Tel n’est point le cas. L’opposition reste encore faible par ses résultats électoraux. Les explications de l’incapacité de l’opposition à renverser la tendance victorieuse de la majorité présidentielle ne sont guère simples. Plusieurs facteurs explicatifs se conjuguent. La réussite de la stratégie de préservation du pouvoir du président de la République en exercice constitue une première explication.
Le maintien de l’unité de la coalition Benno bokk yakaar, la déstabilisation de l’opposition par l’exil du candidat du Parti démocratique sénégalais, l’emprisonnement de l’ancien maire de Dakar et la marginalisation de certains acteurs de la société civile composent les éléments d’une stratégie politique de préservation de l’influence électorale. Le pouvoir a su se donner les moyens financiers, politiques et organisationnels pour réaliser son ambition à toutes les épreuves électorales. Ce succès dans les capacités de préservation du pouvoir ne saurait occulter la faiblesse de l’opposition sénégalaise sous la seconde alternance. Le régime est fort parce que son opposition est dans un état de désorganisation défiant toute réussite à des compétitions sous le contrôle de son adversaire.
À ce titre, les adversaires du régime n’ont gagné aucune bataille politique significative en matière de renforcement de la démocratie pluraliste ou en matière électorale. L’absence d’une stratégie politique commune semble être à l’origine de la faiblesse structurelle de l’opposition. Face à un pouvoir républicain soutenu par deux partis majeurs de l’espace public expérimentés dans les domaines de la gestion des processus électoraux et de la communication de masse, les adversaires du régime ont souffert et souffrent encore de l’absence de cohésion et d’une offre alternative crédible susceptible de mobiliser tous les opposants et des franges importantes des électeurs. L’unité organique et l’alternative consensuelle constituent deux leviers indispensables à la victoire à une élection locale ou nationale. Ce déficit unitaire et de propositions réfléchies en termes de projet commun alternatif au projet de société de la majorité explique, les victoires du pouvoir aux Locales, aux Législatives et à la Présidentielle. Sans l’unité la plus large au niveau local et au niveau national et une offre politique programmatique commune à des élections locales ou nationales, l’opposition ne peut réellement modifier le rapport de force que lui oppose la majorité présidentielle unie autour d’un leader consensuel. Le Sénégal est désormais à l’heure électorale des grands blocs politiques. Le pire dans la désorganisation de l’opposition, réside certainement dans le fait que l’opposition n’a pas réellement de chef politique et un parti dominant par son influence et ses capacités à fédérer les initiatives nationales et locales. Chaque chef de parti se transforme de fait en un chef autoproclamé de l’opposition et un présidentiable potentiel ou un maire en miniature. La désorganisation mène rarement au pouvoir.