Le projet de loi portant modification du Code des communications électroniques adopté par le Gouvernement du Sénégal en Conseil des ministres du 6 juin 2018, et devant être voté à l’Assemblée nationale à la rentrée, fait l’objet d’une levée de bouclier des acteurs de l’écosystème numérique au Sénégal qui sont d’avis que «l’aboutissement d’une telle mesure porterait un sérieux coup à l’économie numérique du pays et pourrait remettre en cause des avancées significatives de la vitrine démocratique que se veut le Sénégal». 16 organisations sénégalaises et internationales, dont Sos Consommateurs, Africtivistes, la Raddho, l’association des professionnels de la presse en ligne (Appel), Article 19, ou encore l’association sénégalaise des utilisateurs des technologies de l’information et de la communication (Assutic) tirent la sonnette d’alarme. Elles invitent, dans le même ordre d’idées, les parlementaires à ne pas voter le code en l’état, car elles estiment que le dernier alinéa de l’article 27 dudit code présente des dispositions attentatoires aux libertés individuelles.
«Dispositions liberticides, censure, internet à double vitesse…»
Spécialiste des technologies de l’information et directeur Afrique d’Access Partnership, Abdou Khadre Lô rappelle que le dernier paragraphe de l’article 27 du code dispose : «l’autorité de régulation peut autoriser ou imposer toute mesure de gestion du trafic qu’elle juge utile pour, notamment, préserver la concurrence dans le secteur des communications électroniques et veiller au traitement équitable des services similaires». Commentant cet alinéa qu’ils jugent liberticide, ses camarades et lui sont convaincus que cette disposition du nouveau code des communications électroniques met en péril la neutralité du net et donne ainsi à l’Artp et aux opérateurs le pouvoir de bloquer, ralentir, filtrer l’accès aux «Over the top» (Ott) que sont whatsapp, facebook messenger, skype… pour préserver les intérêts des opérateurs de téléphonie mobile au détriment des intérêts des utilisateurs. Martelant qu’il s’agit d’une disposition qui peut aussi entraîner un internet à deux vitesses, un pour les riches et un autre pour les pauvres dans un pays où la facture numérique est déjà béante, ils indiquent que cet article 27 du projet de loi portant Code des télécommunications électroniques constitue donc un danger pour le développement de l’économie numérique et la jeunesse qui s’active dans les médias en ligne et les réseaux sociaux. Au demeurant, les initiateurs de la levée de bouclier contre le nouveau code des communications électroniques en veulent pour preuve des cas patents qui se sont déroulés dans d’autres pays africains. «L’Ouganda a instauré une taxe au citoyen avant qu’il ne puisse utiliser les Ott. La Tanzanie exige que chaque blogueur de payer 900 dollars par an pour avoir le droit de s’exprimer. Enfin dernièrement l’Egypte a pris la décision radicale de considérer tout activiste suivi par 5000 personnes comme un média. Le Bénin a décidé cette semaine de mettre une taxe sur les réseaux sociaux» ajoute la même source qui indique que le Sénégal ne saurait emprunter le même chemin et essayer d’étouffer internet, la créativité et la liberté des populations.