Le procès qui oppose Ameth Ousmane Badji, titulaire d’un verger dans le village de Bounkiling Diola et l’Agence nationale d’insertion et de développement agricole (ANIDA) est programmé demain 21 février 20223. Seneweb vous retrace les péripéties de ce litige foncier qui oppose un particulier et une Agence nationale.
Un litige foncier oppose Ameth Ousmane Badji, attributaire d’un verger de 15 hectares dans le village de Bounkiling Diola, situé dans la commune de Bambali (département de Sédhiou) et l’Agence nationale d’insertion et de développement agricole (ANIDA).
Pour rappel, c’est suite à la délibération N° 006/Cr/BBLI, du conseil rural de Bambali en date 11 mai 2011 approuvée par le sous-préfet de Djirédji, le 27 Mai 2011, que le nommé, Ameth Ousmane Badji a été attributaire d’un verger d’une surface de 10 hectares dans ce village fondé par son grand-père, Sinkou Badji. Pour sécuriser le terrain, qui abritait la tombe de son grand-père, Ameth Ousmane Badji avait fini d’exécuter tous les travaux d’aménagements nécessaires et y avait planté 600 pieds d’anacardiers.
A sa grande surprise, les mêmes terres ont été occupées par l’Agence nationale d’insertion et de développement agricole (ANIDA) « sans aucun acte de désaffectation préalable” par le maire de Bambali. “Pire, ladite agence, en dessouchant les 600 pieds d’anacardiers, a profané la tombe de mon grand-père, fondateur du village de Bounkiling Diola », déplore Ameth Ousmane Badji. Celui-ci de poursuivre : « En aménageant le verger à son profit, ANIDA m’a causé un lourd préjudice économique suite aux innombrables dégâts matériels et économiques constatés dans le verger”.
La lettre adressée au gouverneur
Par ailleurs, la victime a adressé une lettre au gouverneur de région, le 23 juin 2021. Dans la missive, Ameth Ousmane Badji informe l’autorité administrative des préjudices subis du fait de l’attribution de son champ de 600 pieds d’anacardiers à Anida. « Le gouverneur a attendu la veille du procès, initialement prévu le 19 janvier 2023, pour me demander les papiers justificatifs. J’ai refusé estimant qu’il n’avait pas pris la chose au sérieux jusqu’au dernier moment », fustige Ameth Ousmane Badji. Il accuse le gouverneur Pape Demba Diallo d’être le seul responsable de cette situation actuelle car il aurait dû jouer le rôle de médiateur.
Mais pour le chef de l’exécutif régional, « il faut que les gens arrêtent d’utiliser la presse pour des fins personnelles ». « Cette tombe évoquée est une manière de corser le problème. S’il y avait une tombe dans le verger, le chef de village l’aurait su et l’aurait signalé à ANIDA. Mais je précise que les gens ne doivent pas privilégier les intérêts crypto-personnels au détriment de l’intérêt général. On ne peut pas garder les terres sous prétexte qu’elles appartiennent aux grands-parents. On n’investit pas et personne n’y investit. D’ailleurs c’est la raison pour laquelle Sédhiou est classée parmi les régions les plus pauvres », a répondu le gouverneur. Il a tout de même reconnu que l’ANIDA n’a pas exploité les terres qu’on lui avait affectées en premier lieu. “C’est ainsi que le projet a été déplacé pour qu’il puisse mieux profiter à la population”, a ajouté Papa Demba Diallo, le Gouverneur de région soulignant que le dernier mot revient à la Justice.
Pourtant, le chef du village de Bounkiling Diola, Gnokoly Badji, avait demandé aux responsables d’Anida de s’en ouvrir au propriétaire du verger avant toute action. Dans un procès-verbal d’huissier, en date du 3 janvier 2023, ce dernier explique que « lorsque les responsables du projet Anida sont venus (les) voir, ils ont dit, qu’ils veulent implanter un projet qui sera bénéfique pour le village. Je leur ai fait savoir que le site sur lequel ils veulent implanter le projet appartient à Monsieur Ousmane Badji, parce que ce sont les terres de son grand père, qui est d’ailleurs le fondateur de ce village”. J’ai réitéré les mêmes propos devant toutes les autorités. D’ailleurs des terres ont été affectées au projet Anida au fond du village, un peu plus loin. C’est après qu’ils sont venus me voir pour échanger leur site avec celui d’Ousmane Badji. Je leur ai dit d’aller discuter avec le propriétaire, M. Ousmane Badji. Ils ne sont plus revenus et se sont implantés sur le terrain de leur propre gré », peut-on lire sur procès-verbal d’huissier.
Controverse
Interpellés sur ce litige foncier, des membres du conseil municipal, notamment Cheikhou Ibrahima Sano, président de la commission domaniale de 2014 à 2021 et Nikou Ficou, 2ème adjoint au maire, de 2014 à 2021, expliquent que les terres exploitées par PACERSEN/ANIDA ne correspondent pas aux terres qui leur ont été affectées par la délibération. Le premier cité a déclaré le 23 novembre 2022, dans un document officiel : « Je ne me souviens pas avoir assisté à une réunion du Conseil municipal ayant délibéré sur une attribution pour le compte de Anida durant notre magistère ». Le second, de même, a avoué le 22 décembre 2022 : « Effectivement, j’ai signé un extrait de délibération portant affectation des terres du domaine national au profit de ANIDA d’une contenance de 15 hectares en 2020. Mais les terres de cette délibération se trouvent à Bounkiling Diola mais au fond vers le village de Sinkounding. Les terres occupées et exploitées par ANIDA actuellement, ne correspondent pas aux terres qui leur ont été affectées par la délibération que j’ai signée ».
Mamadou Bachir Diouf, consultant du projet en ce temps-là, explique ce qui s’est réellement passé .« A la demande de la collectivité, je suis allé sur le terrain pour dresser, en présence du maire, Mamadou Ndiaye, un procès-verbal de reconnaissance. Mais le premier site qu’on nous avait proposé était en profondeur, soit 5 km de la route Sédhiou/Bambali. Nous avons demandé un autre site. C’est ainsi que les jeunes du village nous ont proposé un autre site plus accessible. Nous avons obtenu un acte de délibération signé par le maire et nous avons obtenu des Eaux et Forêts et Chasse une autorisation de défrichage du site qui était dans un état sauvage. L’objectif de ce projet était de dynamiser la vie communautaire en permettant aux jeunes et aux femmes de travailler », a dit Mamadou Bachir Diouf pour défendre Anida.
Procès demain 21 février
Pour Ameth Ousmane Badj, ces propos de Mamadou Bachir sont faux. « Le procès-verbal qu’il détient indique qu’il y a 27 conseillers présents et 19 absents. Or, sur la feuille de présence, seuls 16 personnes ont signé », a souligné le plaignant. Le chef de village a démenti ANIDA. ANIDA s’est rabattue sur les jeunes du village et sur le frère du chef de village. Interpellé sur la question, Insa Badji, le frère du chef du village explique que c’est lui qui a montré aux responsables d’ANIDA les terres que la mairie leur avait octroyées. Mais ces derniers avaient rejeté l’offre, évoquant l’enclavement de la zone. « Comment ont-ils fait pour occuper les 15 hectares de Ousmane Badji, je n’en ai aucune idée puisqu’après j’étais malade et je suis allé à Ziguinchor me soigner. Avant mon retour, ils avaient déjà occupé les terres » a-t-il confié.
Les jeunes aussi ont battu en brèche les accusations de Mamadou Bachir Diouf. Famo Sané, le président des jeunes du village non seulement dit n’être pas informé de la manière dont ANIDA a obtenu ses terres mais se déclare même une victime collatérale puisque son champ lui a été arraché. Considérant que tout n’est que du forcing et du chantage, Ameth Ousmane Badji a porté l’affaire devant les tribunaux. Après un premier renvoi le 19 janvier dernier, le procès est reprogrammé demain 21 février 2023.