Yewwi askan wi a remporté avec des avances confortables les locales à Dakar, Thiès, Kaolack, Diourbel et Ziguinchor. Il s’agit d’une grosse claque pour Benno bokk yakaar. Mais la coalition au pouvoir peut se targuer de rester majoritaire à l’échelle nationale. Elle peut aussi se féliciter de la bonne tenue des élections et de l’esprit de fair-play dont elle a fait montre face à la défaite.
Le Président Macky Sall a beau chercher à la relativiser, la défaite de ses troupes aux locales à Dakar, Thiès, Ziguinchor, Diourbel et Kaolack reste un sévère camouflet. Le chef de l’Etat n’a peut-être pas tort de dire qu’«on ne peut pas perdre là où on n’a jamais gagné». En effet ces villes tombées dans l’escarcelle de Yewwi askan wi, dimanche 23 janvier, ont toujours été contrôlées par l’opposition depuis son élection en 2012. N’empêche la confirmation de cette tendance constitue pour Benno bokk yakaar un cuisant échec. Une lame de fond qui mérite de la part du pouvoir une analyse froide et lucide.
Farba Ngom semble l’avoir compris. Le responsable de l’Alliance pour la République (APR) à Matam, reconduit maire d’Agnam avec un score à la soviétique, invite ses camarades battus, à revoir leur copie. A reconsidérer leurs rapports avec les populations. Faire la fine bouche ne sert pas à grand-chose. La Majorité gagnerait à bien décrypter le message issu des locales. Elle doit procéder à une courageuse introspection pour espérer mieux aborder les échéances futures. Choisir la voie du déni équivaudrait à prendre le risque de s’enfoncer dans les travers qui ont perdu la plupart de ses candidats. Et les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets.
Fair-play républicain
Mais tout n’est pas sombre dans ces élections pour le pouvoir. Loin de là. Benno a remporté 37 des 46 départements qui étaient en jeu (voir cartographie). En plus, la Majorité peut se féliciter de la bonne tenue des élections et de s’être montrée globalement fair-play, digne, dans la défaite (pour les localités perdues).
Malgré les suspicions de fraude et quelques couacs le jour du vote, le scrutin du 23 janvier ne souffre aucune contestation majeure. «On a donné les résultats et chacun sait ce qu’il a. Le Sénégal a dépassé l’ère de la fraude sur les élections, a clamé le chef de l’Etat. On a aussi félicité les gens de l’opposition dans les zones où elle a gagné. C’est ça la démocratie.»
En effet dès le lendemain du scrutin, alors que les tendances défavorables pleuvaient, Benno a publié un communiqué pour féliciter les candidats de Yewwi askan wi dont la victoire était quasi-certaine. Tout s’est passé dans l’esprit d’une élégance républicaine qui fait loi depuis le coup de fil d’Abdou Diouf, en 2000, pour reconnaître sa défaite et féliciter Abdoulaye Wade, le vainqueur de la présidentielle. Un geste que ce dernier a réédité avec Macky Sall lorsqu’il l’a battu à son tour en 2012.
En perpétuant cette tradition, le camp du pouvoir décrispe le champ politique et sort grandi de ces locales, même s’il n’a pas remporté les principales grandes villes. De quoi considérer le verre à moitié plein sans passer pour un mauvais joueur.