L’Ordre des priorités nationales de l’éducation et de la formation post covid-19 à l’ordre du jour (Mamadou SY Albert)

 

La crise sanitaire et économique a frappé particulièrement le système éducatif de base et l’Enseignement supérieur. Tout est à l’arrêt une semaine avant les vacances traditionnelles des fêtes de Pâques. Tous les regards sont désormais braqués, après quelques semaines de congés forcés, sur le 4 mai prochain. Les élèves et les étudiants pourraient reprendre les chemins de l’école et des universités publiques et privées à cette échéance.

Tout dépendra probablement de l’état de la situation sanitaire du Sénégal dans sa lutte contre la propagation du covid-19. Quelle que soit la date de la reprise des cours à la mi-mai ou plus tard, le calendrier de l’année scolaire et universitaire 2020 sera amputé au moins de plus d’un mois. Le quantum horaire ne sera ainsi pas respecté. Au-delà de ce déficit quantitatif de la charge des enseignements, le Sénégal devrait engager une introspection profonde de son système éducatif de la base au sommet.

La réorientation de l’éducation à la lumière des effets multiformes de la crise actuelle semble indispensable pour trouver une meilleure adéquation entre le système éducatif global et sa société, singulièrement dans le domaine de la santé, de la recherche et du développement réel de l’économie endogène. Dans ces conditions, la date du 4 mai 2020 cristallise tous les espoirs d’une reprise -tant attendue par les communautés scolaires et universitaires – des chemins de l’école et des Universités publiques et privées. Il faudra certainement patienter. La situation réelle de la santé publique aura le dernier mot quant à la levée ou le maintien de la fermeture des classes et des amphithéâtres. Le calendrier scolaire et universitaire, et celui des examens, sera sans nul doute fortement affecté par la réduction du quantum horaire, en raison du temps perdu.

Le gouvernement, les autorités administratives et pédagogiques devront rivaliser dans la gestion du reliquat d’une année éducative fortement amputée de quelques semaines. Apparemment, le péril ne menace pas la demeure du système éducatif puisque le pays a connu des expériences plus douloureuses dans le passé en raison de la longueur des mouvements sociaux alimentés, soit par les syndicats des enseignants, soit par le mouvement associatif des étudiants. Il a fallu sauver fréquemment l’année par des sessions de rattrapages accélérées, par l’organisation des examens de fin d’année et concours dans des conditions exceptionnelles. La situation de l’année en cours n’est point comparable à ces années noires du système éducatif.

Au-delà de la gestion des urgences futures, à savoir, l’organisation des examens, des modalités pédagogiques de l’achèvement du dernier trimestre dès la reprise des enseignements, les pouvoirs publics devraient également engager une introspection profonde de l’éducation de la base au sommet à la lumière des enseignements provisoires de l’impact de la crise sanitaire et économique sur l’éducation, sur la formation professionnelle et technique et la recherche scientifique et technique. Un programme de résilience à la hauteur des besoins nationaux est devenu une exigence de salubrité publique. Dans ce sillage d’une révision des orientations, la crise révèle des inadéquations fortes entre la formation professionnelle et technique délivrée par l’école et l’Université et les besoins réels de l’économie nationale.

L’école et l’Université sont gravement désarticulées avec l’environnement social, culturel et économique. L’ordre des priorités nationales doit se reconstruire autour de l’éducation, de la formation, l’emploi et le développement économique et social des potentialités endogènes etc. Quatre priorités fondamentales sans lesquelles point de sortie de crise. Le système éducatif reste le moteur de tout progrès scientifique, technique et de la croissance économique.

C’est probablement un des enseignements majeurs de cette crise sanitaire et économique. Le système sanitaire, le système éducatif et le tissu économique demeurent trop fragiles, en raison de la crise des orientations stratégiques et de la faiblesse quantitative et qualitative des ressources humaines.

Le Sénégal souffre ainsi, dans sa stratégie, de ressources humaines et techniques qualifiées suffisantes dans des secteurs moteurs de son développement. Dans le domaine de la santé, il est manifeste que le pays souffre d’un déficit notoire en tout – femmes, infirmiers et en personnels techniques supérieurs. La recherche n’est point à l’abri de cette souffrance nationale technique endémique du système éducatif et universitaire en ressources humaines qualifiées dans la recherche scientifique et technique. La situation est quasi identique dans tous les secteurs fondamentaux du développement à la base et de la Petite et moyenne entreprise.

La faiblesse de nos opérateurs économiques réside au même titre que les autres secteurs dans les carences de la formation qualifiante et dans les capacités de production très limitées pour résister à la concurrence internationale de plus en plus exigeante par ces normes de qualité et son modèle organisationnel mondialisé. Réorienter l’école et les Universités constitue une exigence majeure pour sortir de la crise sanitaire et économique. Le Sénégal ne peut plus fonctionner avec un modèle éducatif et de formation en rupture avec les besoins des sociétés contemporaines en profondes mutations.

La réorientation est toutefois une question éminemment politique. Sans une volonté politique de rupture avec les héritages du modèle postcolonial, partagée entre les pouvoirs publics, les enseignants et les acteurs majeurs de la société, il est illusoire de croire à un ordre alternatif attractif. Le coronavirus aura au moins le mérite d’avoir révélé des carences des stratégies de développement et la nécessité de repenser le modèle de développement, singulièrement le modèle éducatif, en fonction des besoins réels des populations.

 

 

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