Le gouverner ensemble a prévalu tout au long du premier mandat présidentiel. La conquête du second mandat, la victoire aux différentes élections des législatives et locales étaient au prix de l’unité de toutes les forces politiques et sociales soutenant l’action du Président de la République, Macky Sall, candidat à sa propre succession.
L’amorce du deuxième mandat ouvre nouvelle page politique. Le Benno bokk yakaar aura-t-il les capacités de maintenir son unité organisationnelle et politique ? Certains signes laissent croire que la mouvance présidentielle se meurt progressivement. La victoire du président de la République sortant est incontestablement l’œuvre politique d’une forte mobilisation du Benno bokk yakaar.
L’élection présidentielle de février 2019 confirme à cet effet l’hégémonie de la mouvance de la majorité présidentielle. Paradoxalement, la reconduction du chef de l’État à la tête du pays se traduit progressivement par une absence notable de sa coalition des espaces politiques et médiatiques. La suppression du poste de Premier ministre, la controverse au sujet de la gouvernance du pétrole sous le règne du président en exercice, les questions sociales résultant des inondations, des accidents de la route, les atteintes aux libertés publiques et aux libertés individuelles, constituent des décisions majeures du président de la République, réélu par sa coalition.
Le silence du Benno bokk yakaar est plus en plus en plus manifeste. Évidemment, on pourrait rétorquer que le Benno bokk yakaar n’est point absent. Ce cadre publie des communiqués épisodiques. Ces responsables accordent des interviews aux médias nationaux. Certains militants publient des articles de presse. Cet argument ne résiste pas à la réalité. Ce sont les membres de l’Alliance pour la République qui ont eux-mêmes constaté l’absence d’une protection rapprochée du président de la République par ses partisans et des alliés. Face à cette situation, certains ont créé des mouvements pour défendre le chef de l’État.
Au-delà de ce mécanisme classique de soutien à un président de la République en exercice au Sénégal, c’est la posture du Benno bokk yakaar dans l’échiquier politique qui est l’enjeu de l’absence de la coalition présidentielle. L’irruption du débat de la succession du président de la République au cœur de l’État, du parti présidentiel, a naturellement un effet inattendu sur l’unité du Benno bokk yakaar. Il ne fait l’ombre d’un doute que la guerre de la succession entre les frères républicains intéresse au premier chef, tous responsables de la coalition présidentielle. La disparition du Secrétaire général du Parti socialiste, feu Ousmane Tanor Dieng, et celle du fondateur du Pit, feu Amath Dansokho, laissent un grand vide dans le camp présidentiel.
Le président de la République perd des conseillers avertis en matière de gouvernance partagée. Ils ont été parmi les acteurs et les artisans du gouverner ensemble et de l’unité du Benno bokk yakaar. Le mode de gouvernance fast- track ne facilité guère la posture des alliés du président de la République affectés par la mort de deux acteurs – clés du gouverner ensemble. En décidant de supprimer le poste de Premier ministre et de reprendre en main personnellement, la coordination de l’action gouvernance et la relation directe avec les populations, le président de la République place le Benno bokk yakaar dans une posture politique peu enviable de souteneur de son action dans le meilleur des cas.
Le Benno bokk yakaar peine aujourd’hui à défendre un président qui définit la politique, la met en œuvre et contrôle l’action gouvernance. Le Benno bokk yakaar réduit à son expression la plus simple, se meurt en réalité au fil de l’exercice du second mandat présidentiel. Il pourrait être un danger pour le président de la République si jamais la majorité présidentielle s’autosaisit politiquement la question de la succession et la gouvernance publique post- Macky Sall. On imagine l’effet que ce débat aura sur l’unité du Benno bokk yakaar. Le Président de la République Macky Sall reste politique. Il a besoin de préserver la majorité présidentielle pour les élections locales, les législatives et la prochaine présidentielle. La recomposition de la coalition présidentielle n’est point à exclure. Ce serait la meilleure manière intelligente d’enterrer le Benno bokk yakaar.