L’ancien président Macky Sall s’est exprimé pour la première fois depuis la publication du rapport accablant de la Cour des comptes sur la gestion des finances publiques durant son second mandat (2019-2024). Dans un entretien exclusif accordé à Jeune Afrique, il a fermement rejeté les accusations de dérive financière, qualifiant le rapport de « procédé politique » et dénonçant une cabale orchestrée par ses détracteurs.
Le 12 février, la Cour des comptes a rendu public un rapport révélant que la dette publique du Sénégal avait été minorée d’environ 25 % dans les comptes officiels. Selon ce document, la dette publique atteignait près de 100 % du produit intérieur brut (PIB) fin 2023 et devrait s’élever à 110 % du PIB d’ici fin 2024. Ces conclusions ont conduit l’agence de notation Moody’s à dégrader la note souveraine du Sénégal de deux crans, soulignant des « indicateurs budgétaires nettement plus défavorables ».
Interrogé par Jeune Afrique, Macky Sall a vivement contesté les allégations de la Cour des comptes et du Premier ministre Ousmane Sonko, qui accuse son prédécesseur d’avoir mis en place des « stratagèmes pour détourner en masse des deniers publics ». « Je m’inscris totalement en faux contre ces allégations de falsifications, a-t-il déclaré. C’est un procédé politique. Nous avons toujours travaillé en toute transparence avec l’ensemble des partenaires. Chaque année, la Cour des comptes a certifié les comptes financiers de l’État du Sénégal. C’est trop facile de revenir après et de dire que tout cela était faux. Tout cela est ridicule. »
L’ancien chef de l’État a également critiqué la méthodologie du rapport, affirmant qu’aucun membre de son gouvernement n’avait été consulté ou interrogé. « J’ai été informé du niveau d’endettement en même temps que tout le monde, par la bouche du Premier ministre. À aucun moment, on ne nous a demandé notre version des faits », a-t-il déploré.
Le rapport de la Cour des comptes met en lumière des pratiques opaques, notamment concernant la dette bancaire intérieure. Macky Sall a rejeté ces accusations, expliquant que certaines opérations de trésorerie courante, comme les emprunts relais auprès des banques locales, sont monnaie courante. « Par exemple, lorsque l’Agence française de développement, la Banque islamique de développement ou la Banque africaine de développement nous prête de l’argent pour financer le TER, nous sommes obligés de demander des crédits relais aux banques locales que nous remboursons une fois le décaissement reçu. Ce sont des opérations normales que gère quotidiennement le ministère des Finances. Le gouvernement n’est en rien impliqué dans ces sujets. La Cour des comptes mélange tout », a-t-il expliqué.
Concernant la dette extérieure, le fondateur de l’APR a insisté sur son caractère transparent : « La dette extérieure ne peut être minorée. C’est de la dette multilatérale ou bilatérale. Il est impossible de la dissimuler car les transactions transitent par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). »
Face aux menaces de poursuites judiciaires annoncées par l’exécutif, dirigé par le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko, Macky Sall affiche une sérénité déconcertante. « Je n’ai peur de rien, a-t-il affirmé. Ils peuvent poursuivre s’ils veulent. J’ai choisi de vivre au Maroc comme mes prédécesseurs ont choisi librement d’aller en France. Rien ne m’empêche d’aller au Sénégal et je n’exclus pas d’y retourner. »
L’ancien président a également défendu son bilan, rappelant qu’il a « laissé un pays en paix » et qu’il aurait pu briguer un troisième mandat. « Le troisième mandat serait passé, mais j’ai choisi la voie de la démocratie, a-t-il souligné. J’ai proposé une loi d’amnistie qui a permis à ceux qui étaient en prison de sortir. Nous sommes allés aux élections de manière apaisée. Ils ont gagné. Ils n’ont qu’à travailler au lieu de critiquer ce qui a été fait ces douze dernières années. »