Mamadou-Seck-Bâtonnier au Diomaye Faye : ” Les sénégalais attendent de vous que le pouvoir politique soit le vecteur et le garant d’une justice indépendante…”

Le Président de la République Bassirou Diomaye Faye a présidé ce jeudi sa première rentrée solennelle des Cours et Tribunaux. Pour son baptême de feu, le chef de l’Etat a proposé, en ce début d’année judiciaire, un thème ô combien «intéressant», de l’avis du Bâtonnier. Il s’agit de : «Droit de grève et préservation de l’ordre public.» Cependant, même s’il a longuement exposé sur ce thème, Me Mamadou Seck a tout aussi donné son avis sur la crédibilité de la justice.

A l’endroit du Président de la République, le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Sénégal dira : «Je fais partie de ceux qui pensent que la justice est à la fois une vertu et une administration et qu’elle ne peut être crédible sans une politique cohérente de bonnes pratiques fondées sur ses principes et ses règles. La crédibiliser c’est, d’abord, une volonté politique qui consacrera une conscience effective des gouvernants à refuser toute immixtion dans le rendu de la justice et à créer les conditions adéquates à l’égalité de tous les sénégalais devant la loi. »

 

 

 

Ne voulant pas s’arrêter en si bon chemin, Me Mamadou Seck n’a jamais perdu son sens de la vérité : «il ne faut pas s’y méprendre, la justice est dans l’État mais subit l’Etat quand ce dernier n’a pas comme crédo de tout faire pour participer à asseoir et préserver son indépendance et créer les conditions matérielles de son exercice. » Félicitant son Excellence d’avoir bien voulu initié les Assises de la Justice dès son accession à la magistrature suprême en mars dernier, Me Mamadou Seck rappelle cependant que dans leurs interventions, les participants aux Assises ont tous déploré que dans diverses situations, la justice a été ébranlée par l’Etat et le pouvoir politique. « Ils ont mis en exergue une soif inextinguible de justice », insiste-t-il. A ce titre, le bâtonnier poursuit : « La perception de la réalité étant aussi importante, voire parfois plus importante, que la réalité elle-même, le chantier de la justice est à l’image de la mission de justice, sa perfection est souhaitable et sa prise en charge, nécessaire.»

 

 

Monsieur le Président, poursuit Me Mamadou Seck, «en vous élisant, les sénégalais attendent de vous que le pouvoir politique soit le vecteur et le garant d’une justice indépendante, rendue exclusivement au nom du peuple et dans le respect des lois qu’ils ont choisis. » Selon lui, « crédibiliser la justice, c’est, ensuite, replacer ses acteurs (avocats, magistrats…) dans leurs véritables rôles avec comme base la conscience effective de la vertu de justice, de l’éthique professionnelle et du haut niveau d’excellence morale.»

 

 

Ces principes, ajoutera le bâtonnier,  devraient guider tous critères d’appréciation, d’évaluation ou de sanction de l’œuvre individuelle de justice à l’aune de la mission collective de justice. Se voulant plus explicite, il indique : « je répète encore une fois ici qu’il doit être rappelé aux acteurs de la justice que les plans de carrières, les relations politiques, les relations sociales, les rapports douteux entre eux, l’incompétence ou l’absence de conscience professionnelle, la corruption, ne doivent pas résister, un instant, au respect des exigences du serment prêté, pour une bonne qualité de la justice, la protection des intérêts de la société et celle de la démocratie. » Car, à ses yeux, « les acteurs doivent, aussi, rompre avec une sorte de culture collective tendant à observer une attitude plutôt pudique à l’égard des comportements individuels inadaptés, déviants ou non conformes aux règles car l’institution judiciaire pâtit dans son ensemble de la mauvaise image que certains acteurs donnent de la justice.»

Ainsi, Me Mamadou Seck a plaidé pour la mise en place d’un système de contrôle et de sanctions des divers manquements perpétrés à tous les niveaux. « Il doit être de mise pour enrayer un sentiment d’impunité des acteurs de la justice », encourage-t-il, estimant que « le sentiment d’injustice naît du constat de l’impunité dont jouissent certains et qui peut être dû à la pudeur, à l’entre-soi ou au corporatisme par lesquels nos corps respectifs ‘‘oublient’’ de sanctionner leurs membres, parfois à juste titre mais aussi, malheureusement et souvent, envers et contre les règles, les principes, les valeurs. »

C’est pourquoi, le bâtonnier juge nécessaire, aujourd’hui, de mettre en place au sein des juridictions un espace cathartique pour anticiper et prendre en charge les problèmes et, pour certains, mettre un terme à leur récurrence. Pour lui, « les acteurs doivent impérativement avoir un cadre pour compléter leurs missions habituelles dans tous les domaines, sans écarter les sujets les plus sensibles, par une interaction constructive, permettant ainsi de mettre en œuvre les mesures à prendre à la suite de ces Assises sur la justice. »

Actunet.net avec  Amadou DIA