Manque d’eau, insécurité… : Le mal-vivre des habitants de Tivaouane Peulh

À Tivaouane Peulh, une commune du département de Rufisque, les populations restent confrontées à de nombreuses difficultés qui ont pour noms accès à l’eau, absence d’assainissement, insécurité. Mais ce mal-vivre est accentué par les vols, agressions et délinquances.

Avec son corps maigrichon enveloppé dans un jogging (vêtement de sport), Bineta trimballe, avec beaucoup de peine, un bidon de 20 litres. Entre le robinet d’à côté où elle vient de prendre l’eau et sa maison, cette mère de famille est obligée de s’arrêter par moment. « Ce n’est pas facile hein ! », dit-elle haletante, tout en esquivant un sourire. Quand les enfants sont à l’école, elle est obligée d’aller chercher les deux bidons d’eau puisés la nuit. À Missirah, l’un des 52 quartiers de la commune de Tivaouane Peulh (département de Rufisque), l’eau reste une denrée rare que les femmes doivent rechercher quotidiennement, hors de leur concession. Seules quelques maisons disposent de leur propre robinet. Dieynaba Thiam fait partie de ces privilégiés. D’ailleurs, elle utilise deux robinets dont l’un, installé à la porte de la maison, est destiné à la vente d’eau et l’autre servant à sa propre consommation. Les voisins qui n’ont pas encore de robinet sont obligés de se rapprocher d’elle pour disposer du liquide précieux. « La plupart des familles viennent déposer leur bidon ici, avec l’espoir de disposer du liquide précieux le lendemain », explique-t-elle.

Tous les jours, cette dernière est obligée de se lever entre 1h et 2h du matin pour remplir bassines, bidons ou tout autre récipient. « Je suis sur pied jusqu’à 5h du matin, heure de fermeture des robinets », soutient la bonne dame. Mais Dieynaba vit le même calvaire que Mamadou Badji, lui aussi propriétaire de robinet.

À « Keur Badji », comme on surnomme son domicile, dans le quartier, chaque jour, ce sont des dizaines voire des centaines de bidons d’eau remplis qu’on entasse pêle-mêle. « Chaque nuit, c’est moi-même qui remplis les bidons aussi nombreux qu’ils puissent être », confie ce bonhomme. Les propriétaires des différents bidons passent les récupérer au petit matin, en les mettant dans des charrettes ou sur des brouettes pour espérer boire de l’eau potable.

Modou, un charretier trouvé en train de charger les bidons, doit les acheminer, au plus vite, à un des propriétaires. « Chaque matin, je viens prendre les bidons pour les déposer dans une maison d’à côté. Je suis rémunéré après la course », fait savoir le jeune homme.

Seulement, même s’il est fastidieux de se procurer de l’eau de robinet, Missirah fait partie des quartiers privilégiés. Car, beaucoup d’autres localités à Tivaouane peulh sont sevrées du liquide précieux. Ibou Bâ, délégué de quartier à Léona, déplore l’absence de branchements sociaux qui rend leur quotidien pratiquement difficile. « Il n’y a pas de robinet ici, on n’a que des puits, alors que le tuyau de Sen’Eau est à 12 mètres de chez moi, mais quand j’ai demandé un branchement dans le réseau, on m’a remis une facture de 800.000 FCfa. C’est impensable de payer une telle somme », fait savoir le responsable. La solution ici, c’est de se rabattre sur l’eau de puits. Ibou Bâ nous montre d’ailleurs comment, à partir de sa maison, il a raccordé une pompe sur un puits situé non loin de là pour espérer avoir de l’eau pouvant servir au linge, au lavage et au nettoyage de la maison.

Son homologue Saliou Ka du quartier Sant Yallah est un peu dépassé par la situation et ne s’en cache pas. « On avait promis à chaque quartier trois bornes fontaines, mais jusqu’à présent, on n’a rien vu. Cela nous met en mal avec le quartier », se désole le délégué de quartier. Mais celles qui pâtissent le plus de cette situation restent les femmes. Car, elles sont souvent obligées de se lever tôt le matin pour chercher l’eau des puits. La vendeuse de poisson, Adama Fall, estime que la recherche de l’eau dans ces quartiers angoisse ses congénères, obligées, selon elle, de préparer les enfants pour l’école avant de s’occuper des repas à préparer. « Cette situation dure depuis longtemps et l’on ne sait pas à quand une solution à cette problématique de l’eau sera trouvée », soutient la bonne dame.

La voirie urbaine fait aussi défaut

Dans les quartiers de Tivaouane Peulh, la non-disponibilité de l’eau n’est pas que l’unique problème auquel les populations sont confrontées. Si la plupart des habitants se sont installés depuis quelques années ici, la démographie n’a pas été accompagnée par un système d’assainissement adéquat. Qu’on soit à Baol, à Keur Baye Fall Niang ou au quartier Lamine Sow, aucun réseau d’assainissement n’a pas encore vu le jour dans ces localités. La rue est devenue un déversoir des eaux usées. « Après les travaux ménagers et la cuisine, les femmes n’ont que la rue pour se débarrasser des eaux usées et cela rejaillit sur nous », regrette Ibou Bâ, le délégué de quartier de Léona. Mais, selon lui, le seul avantage dont ils disposent ici, c’est que le sable « dior » aspire très vite les eaux et empêche aussi les inondations.

En plus d’un réseau d’assainissement inexistant, la voirie urbaine fait aussi défaut. Tivaouane Peulh manque terriblement de routes. À part quelques nouvelles cités bien assainies comme la Cité Apix, il n’existe qu’une seule route goudronnée : celle qui va du rond-point jouxtant le champ d’Abdoulaye Wade et qui mène aux cités Namora et Socabeg, etc. Empruntée par les minibus « Tata », les taxis-clandos, les particuliers et les charrettes, cette route se caractérise par son étroitesse. Ce qui favorise des embouteillages monstres et parfois des empoignades entre chauffeurs. « C’est n’importe quoi ici, chacun pense qu’il a la priorité sur l’autre. Certains font part d’une indiscipline notoire », note Oumar, un habitué des lieux. Quitter la route goudronnée pour se rendre aux quartiers intérieurs est encore une épreuve pénible à faire quotidiennement.

Outre la marche à pied, le seul moyen de déplacement ici restent les charrettes. Ces dernières qui ont pignon sur rue aux alentours de la grande mosquée restent incontournables. « Seules les charrettes font la navette ici, avec tous les risques que cela comporte », note Saliou Kâ, qui se rappelle l’accident qui a occasionné, récemment, la mort d’un vieux du quartier. « C’est en sortant de chez lui pour rallier la route goudronnée que le vieux Keita a été heurté par une charrette. Il est ensuite décédé d’une hémorragie interne », confie le délégué de quartier.

Seulement, outre le convoyage des habitants, ces charrettes sont le seul moyen pour acheminer les marchandises et les matériaux de construction dans ces quartiers de Tivaouane Peulh. Les rares véhicules qui s’aventurent ici restent les camions bene qui tombent souvent en panne. Pour les charretiers, ces camionneurs sont à l’origine du mauvais état de la route. « Chaque fois qu’ils passent ici, il devient impossible pour les chevaux de courir normalement », lance avec dégout, Modou, un des nombreux charretiers du coin.


AGRESSIONS, VOLS, DÉLINQUANCE…..

Les populations partagent leurs inquiétudes

Ce n’est plus un secret pour personne à Tivaouane Peulh. Voleurs, délinquants et agresseurs ont pignon sur rue dans la localité. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un cas d’agression ne soit rapporté dans un des quartiers de la commune. Parfois, c’est une série d’agressions qui est notée. Les commerçantes, qui se lèvent tôt le matin pour aller au marché, en sont les principales victimes. « On est obligées de se lever entre 4h et 5h du matin, mais souvent on tombe nez à nez avec les malfaiteurs. Beaucoup d’entre nous ont été victimes d’agression ; la dernière à en souffrir est Coumba Wade, une amie », rapporte Adama Fall, vendeuse de poisson au quartier Sant Yallah. Selon elle, Coumba qui a eu la malchance de tomber sur deux jeunes garçons, tôt le matin, a été délestée de 40.000 FCfa qu’elle portait sur elle pour faire ses achats au marché. Ce jour-là, la bonne dame est retournée chez elle bredouille. Le phénomène est tellement accru à Tivaouane Peulh que même des agressions en plein jour sont souvent notées. Adama Fall signale qu’une de ses clientes a vu son portable arraché par deux jeunes garçons alors qu’elle se trouvait devant sa maison. « Quand elle a essayé de récupérer le portable, l’un des garçons lui a lacéré la main », renseigne Adama.

Saliou Kâ du quartier Sant Yallah estime qu’à Tivaouane, les populations « cohabitent » avec les délinquants. « Tout le monde les connaît ici. Il y a même un coin qu’on surnomme Colombie où tous ceux que vous trouverez là-bas sont des malfaiteurs », explique le délégué de quartier. Selon lui, même parmi les charretiers, beaucoup sont soupçonnés de s’en prendre aux biens des populations. « L’insécurité est grandissante ici et cela nous empêche de dormir du sommeil du juste », regrette Alassane Bâ, le président des jeunes de Sant Yallah. Ce tailleur de profession et ses amis ont d’ailleurs créé un comité de vigilance pour en « découdre » avec les malfaiteurs. « On a, pour le moment, une trentaine de personnes qui adhèrent à l’initiative, mais il nous faut formaliser cela et avoir une autorisation », renseigne Alassane.

Toute cette insécurité est aussi favorisée par le manque d’éclairage public noté dans plusieurs quartiers. Ce qui constitue un terrain favorable pour les agresseurs. « Cette lampe que vous voyez là, c’est moi-même qui ai fait les démarches auprès de la Senelec pour qu’elle soit allumée. Auparavant, seul le poteau avait été installé dans l’attente d’une lampe », souligne Ibou Bâ de Léona. Il regrette aussi que les gendarmes affectés à Tivaouane Peulh ne disposent pas d’un effectif nécessaire pour renverser la situation. À la place d’un poste de gendarmerie, lui et beaucoup d’autres personnes veulent une réelle brigade pour mettre hors d’état de nuire les nombreux délinquants.

SANTÉ

La galère des parturientesEn cette mi-journée, l’enceinte du poste de santé de Tivaouane Peulh est pleine à craquer. Assis, pour la plupart, sur les bancs en dur aux carreaux blancs, les patients attendent leur tour pour voir le soignant. Auparavant, il faut s’acquitter d’un ticket de consultation qu’un agent est chargé de délivrer. « Mon enfant respire difficilement la nuit, c’est pourquoi je suis venue ce matin pour m’en ouvrir au médecin », indique Absa, une jeune mère de famille dont l’enfant court de gauche à droite dans la cour.

Lamine Bodian, assistant en santé qui fait les consultations ce matin, signale que pas moins de 2.500 malades viennent se faire consulter chaque mois dans la structure. « On reçoit toutes sortes de malades, mais souvent on réfère dans les structures proches telles que Youssou Mbargane, l’hôpital Guédj ou encore l’hôpital de Pikine », fait-il savoir. Seulement, depuis quelque temps, l’ambulance qui transfère les malades est tombée en panne. « Nous vivons une situation difficile en ce moment. Il nous arrive parfois, entre 19h et 00h, de faire quatre évacuations entre la maternité et le poste », explique Lamine. Sa collègue sage-femme, Amina Ndiaye, en train, elle aussi, de consulter les femmes dans la maternité, signale qu’une ambulance reste « un besoin criant » pour faire face aux cas compliqués.

L’autre problème auquel cette sage-femme fait face est relatif  aux accouchements à domicile qui sont une réalité à Tivaouane Peulh. « Les accouchements à domicile existent toujours ici. Parce qu’en novembre 2020, nous en avons enregistré 4, en décembre 8 et en janvier 2021, 8 femmes ont accouché dans les maisons », explique la sage-femme. Même si ce phénomène est en passe d’être oublié en milieu urbain, elle renseigne que cela est souvent dû à l’absence de routes dans la commune. « En plus, même l’ambulance ne peut accéder à certains quartiers », confie Amina Ndiaye.

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