Par El Hassane SALL
L’attribution des marchés de denrées de première nécessité aux couches vulnérables ainsi que sa distribution aux ayants-droit engendre une polémique qui est loin de s’estomper. Une situation regrettable et évitable eu égard à la gravité de l’heure. Mais cela, les autorités en charge du pays semblent l’ignorer, car ils sont plus dans des calculs politiciens que dans une réelle volonté d’assister les populations.
Pour eux, dans tout acte qu’ils posent, cela doit générer des dividendes politiques. Parce que le pouvoir avait un moyen plus commode de venir en aide aux populations démunies, non seulement en dépensant moins, mais aussi en évitant toute cette suspicion qui remet en selle la mal-gouvernance qui semble collée à la peau de l’actuel régime. Pourquoi le pouvoir n’a-t-il pas jugé utile de recenser les ayants-droit et leur envoyer leur dû par les moyens de paiement qui sont partout présents sur le territoire ? Ou encore, confier le paiement à La Poste par exemple, comme c’est le cas pour les bourses de sécurité familiale et en Tunisie ?
Mais non, il a préféré bomber le torse et se montrer en âme charitable avec l’argent du contribuable. Pourtant, envoyer l’argent aux bénéficiaires était plus commode en ce sens qu’il aurait permis d’économiser de l’argent, mais aussi, donner le choix aux ayants-droit de se payer les vivres de leur choix. Malheureusement, il semble que ces marchés octroyés “En veux-tu ? En voilà !” cachent une volonté de se faire des sous sur le dos du peuple. Car tout le monde sait que nombre de pays actuellement frappés par cette pandémie aident plus et mieux leurs populations sans avoir besoin de trimballer du riz ou autres produits. Ils se contentent seulement de remettre l’argent aux ayants-droit, à charge pour eux d’aller chercher les provisions dont ils ont besoin. Donc, pourquoi cette obstination à vouloir acheter et acheminer des denrées aux populations alors qu’il y avait une solution moins onéreuse et plus pratique ? Y aurait-il des retombées attendues ? En tout cas, depuis quelques jours, des informations relayées par les médias font état d’une nébuleuse qui entoure les coûts du transport des denrées alimentaires, les quantités de produits achetés, les prix d’achat des produits et les bénéficiaires des marchés octroyés.
Ces forts soupçons de corruption commencent à semer le doute dans l’esprit de nombre de Sénégalais qui se passeraient volontiers d’une telle polémique, vu l’urgence de l’heure. Car au moment où la guerre sanitaire est loin d’être remportée, cette sombre affaire est malvenue et risque, si l’on y prend garde, d’avoir des répercussions fâcheuses sur l’union sacrée qui devrait aujourd’hui être de mise. Actuellement, ils sont nombreux à crier au scandale : Alioune Tine, Birahim Seck, Seydi Gassama, Moustapha Tall, Gora Khouma, et tant d’autres, qui flairent des relents de corruption. Et comme si cela ne suffisait pas, certains doutent déjà de la transparence du processus et une politisation de la répartition de ces denrées au détriment des vrais bénéficiaires dans certaines localités. À Thiès, par exemple, révèlent nos confrères de Sud, le maire de la ville, Talla Sylla alerte déjà. Des pontes politiques jettent déjà leur dévolu sur les vivres. Et, parallèlement, à Bignona, la population doute de la transparence et soupçonne des manigances politiques.
Pour dire que les élites dirigeantes ont cette fâcheuse manie de tout vouloir politiser et profitent de toutes les situations pour faire passer leurs intérêts immédiats devant l’intérêt général. En tout cas, il est temps qu’elles fassent preuve de générosité et d’empathie en pensant aux milliers de Sénégalais démunis qui, aujourd’hui, éprouvent d’énormes difficultés pour prendre en charge leurs familles. Ce qui est le plus regrettable dans cette situation est le fait que le Président Sall ait confié cette affaire à Mansour Faye alors qu’il aurait pu, comme nous vivons une situation exceptionnelle, la confier à une autorité indépendante. Ou à défaut, lui adjoindre un comité composé de toutes les sensibilités pour contrôler cette manne financière.
Comme c’est une affaire de gros sous, il aurait pu tirer toutes les leçons de l’affaire Petrotim dans laquelle son frère Aliou Sall avait été accusé d’avoir perçu des pots de vin. Et actuellement, c’est le beau-frère qui est soupçonné d’avoir plongé la main dans le riz. Mais bon, il semble que sous nos cieux, quand c’est juteux, c’est la famille d’abord… Toujours la famille, la famille encore et encore la famille régente.