Me Amadou Aly Kane, avocat : « La fortune de Habré ne peut pas suffire pour désintéresser les victimes »

L’affaire Habré remise au goût du jour après sa mort en détention à Dakar. Reconnu coupable de crimes de guerre et contre l’humanité, l’ancien président du Tchad Hissène Habré laisse sur leur faim, ses victimes qui réclament une indemnisation depuis sa condamnation à la prison à perpétuité, en 2016. Sollicité par Seneweb, l’avocat défenseur des droits de l’homme Me Amadou Kane revient sur les enjeux de cette affaire notamment au plan civil. L’avocat s’est également prononcé sur les tiraillements entre les épouses Habré au sujet du lieu de l’enterrement.

Peut-il y avoir extinction de l’affaire Habré après sa mort ?

Me Amadou Aly Kane : En ce qui concerne la condamnation de Habré, elle comporte deux volets à savoir. Il y a un volet pénal avec sa condamnation à la prison à perpétuité, et un volet civil avec sa condamnation à payer aux victimes le pactole de 82 milliards 290 millions et poussière de FCFA. Avec sa mort, le volet pénal prend fin car la condamnation ne peut plus s’exécuter. Par contre, s’agissant du volet civil, il est clair que la fortune de Habré ne peut pas suffire pour désintéresser les victimes. Par ailleurs, avec son décès, lui-même ne peut plus être exécuté sur le plan pécuniaire. Il faudra nécessairement installer sa famille dans la procédure judiciaire dans la mesure où son patrimoine (actif et passif) se transmet à ses héritiers. Il faudra donc parvenir à un jugement d’hérédité définitif qui va identifier les héritiers. Et il n’y a pas de délai impératif pour le faire.

A quoi doivent s’attendre les victimes ?

En dernière analyse, la solution idoine pour les victimes serait de passer par le fonds de réparation institué par le statut des chambres africaines extraordinaires ; fonds qui a été mis en place et installé au Tchad. Ce fonds doit être financé par l’U.A, les contributions de ses États membres, celles des partenaires internationaux, des organisations intergouvernementales, des ONG de droits de l’homme et des bonnes volontés. Il était prévu que le fonds devait organiser une conférence des donateurs pour alimenter sa cagnotte. Malheureusement, le Tchad a d’autres soucis que d’organiser ce type de raout.

Que penser de son enterrement au Sénégal comme le souhaite son épouse ?

S’agissant enfin, du lieu de l’enterrement du Président Habré, le gouvernement sénégalais doit s’impliquer à titre humanitaire, en tant qu’Etat d’accueil et lieu du décès du dirigeant tchadien. Même s’il ne peut le faire officiellement pour ne pas gêner l’Etat Tchadien, il devrait s’impliquer via les chefs religieux et coutumiers. Habré avait deux épouses tchadiennes. L’une souhaite son enterrement au Sénégal tandis que l’autre ne s’est pas encore prononcée ouvertement.

Il est de notoriété publique qu’une partie de la famille a pris la nationalité et le passeport diplomatique sénégalais.

Ce qu’une autre partie aurait décliné. Les choses peuvent être faciles pour la détermination de son lieu d’enterrement. Comme elles peuvent ne pas l’être. D’où l’utilité pour le Sénégal à travers ses leaders religieux et autres de se tenir aux côtés de la famille Habré, en ces heures difficiles pour elle.

Habré a été accueilli pendant près de trente ans au Sénégal et a été adopté par de grands sénégalais. Notamment de prestigieux guides religieux et coutumiers. Beaucoup parmi eux n’étant plus de ce monde. Mais un fait demeure, la famille Habré doit garder en mémoire, le soutien jamais démenti du peuple sénégalais profond, à travers ses leaders religieux et coutumiers.

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