Me El Amath Thiam, juriste : «En cas de détournement de deniers publics, dès que la somme atteint 250 000 F CFA, le mandat de dépôt est…»

Le rapport de la Cour des Comptes a mis à nu les irrégularités dans la gestion des fonds Force-Covid-19. Depuis, l’ouverture de toutes les informations judiciaires demandées par les enquêteurs est exigée. Car, pour beaucoup d’observateurs, ce sont des détournements de deniers publics ou escroquerie portant sur l’argent public. Juriste consultant, spécialiste du contentieux des affaires, Me El Amath Thiam définit les contours de cette infraction. Rappelant ainsi que  «si les infractions déjà révélées par le procureur sont retenues, à savoir, entre autres, détournement de deniers publics, la loi dit clairement qu’au-delà des 250 000 F CFA, le mandat de dépôt est systématique».
 
Pourquoi le délit de détournement de deniers publics ?
Le détournement de fonds publics est l’opération illégale qui consiste à utiliser des sommes ou des biens appartenant à la collectivité à des fins autres que le bien public. Ces biens frauduleusement détournés ou soustraits portent, le plus souvent, sur l’argent public. Cela peut être des pièces, titres de paiement, valeurs mobilières, actes contenant ou opérant obligation ou décharge, effets mobiliers, denrées, œuvres d’art ou objets quelconques au préjudice de l’État, d’une collectivité publique, d’un établissement public, d’une société nationale, d’une société d’économie mixte soumise de plein droit au contrôle de l’État, etc.
 
Qui peut détourner de l’argent public ?
Il peut s’agir de tout agent civil ou militaire de l’État ou d’une collectivité publique, qu’il soit ou non comptable public, d’une personne revêtue d’un mandat public, d’un dépositaire public ou d’un officier public ou ministériel, d’un dirigeant ou d’un agent de toute nature des établissements publics, des sociétés nationales, etc.
Quels sont les délais pour poursuivre l’auteur de détournement ?
En matière de délit, la prescription de l’action publique est de trois années révolues. Toutefois, en matière de détournement de deniers publics, la prescription est de sept années, à compter du jour où le fait délictueux a été commis.
Pouvez-vous nous parler des sanctions prévues par loi ?
S’il s’agit des agents cités supra reconnus coupables, ils encourent une peine d’emprisonnement de 5 à 10 ans pour les personnes revêtues d’un mandat public, que l’agent soit civil ou militaire. S’il s’agit d’un simple particulier, il encourt une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans pour surfacturation, faux et usage de faux en écritures de commerce et faux en documents administratifs. Il sera toujours prononcé contre le condamné une amende de 20 000 à 5 000 000 F CFA. La confiscation de tous les biens du condamné sera obligatoirement prononcée dans les conditions prévues aux articles 30 à 32 du Code pénal, lorsque les sommes ou objets détournés ou soustraits n’auront pas été remboursés ou restitués en totalité au moment du jugement.
 
La transaction ou la médiation pénale est-elle possible ? (Art. 32 Code de procédure pénale – CPP)
 
En principe, le procureur de la République peut, préalablement à la décision sur l’action publique, et avec l’accord des parties, soumettre l’affaire à la médiation pénale, s’il apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la partie civile, mettre fin au trouble résultant de l’infraction et contribuer au reclassement de l’auteur (loi n°99-88 du 3 sept 1999). C’est une cause d’extinction de l’action publique.
Pour le délit de détournement de l’argent public, à l’égard des prévenus reconnus coupables des faits punis par les articles 152 à 154, l’application des circonstances atténuantes sera subordonnée à la restitution ou au remboursement, avant jugement, du tiers (1/3) au moins de la valeur détournée ou soustraite. Le bénéfice du sursis ne pourra être accordé qu’en cas de restitution ou de remboursement avant jugement des trois-quarts au moins de ladite valeur. La demande ou proposition de libération conditionnelle ne sera recevable qu’après restitution ou remboursement de l’intégralité de ladite valeur.
Le professeur de finances publiques, M. Diokhané, disait qu’«il existe un principe de séparation entre l’ordonnateur et le payeur. Il y a une incompatibilité entre les fonctions d’ordonnateur et les fonctions de comptable. Celui qui a la décision de dépenser ne peut pas être celui qui paye». 
Il est à signaler qu’en cas de détournement de deniers publics, dès que la somme atteint 250 000 F CFA, le mandat de dépôt est automatique, sur réquisitoire motivé du parquet.

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