La reprise des chemins de l’École et de l’Université hante tous les esprits, des élèves aux étudiants, en passant par les enseignants et les parents. La pression sociale monte progressivement, au fil des “vacances” se prolongeant, entretenant le doute à propos d’un risque de perdre l’année scolaire en cours.
Le gouvernement est certainement conscient de cette pression grandissante de la famille de l’éducation, à quelques trois mois de la fin traditionnelle du déroulement normal des enseignements semestriels, en juillet. Les Ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, de la recherche et l’innovation tentent de contenir cette montée en puissance de l’envie de certaines composantes des communautés éducatives de voir les établissements scolaires et universitaires rouvrir leurs portes avant qu’il ne soit trop tard.
Le gouvernement devra toutefois faire preuve de prudence, au regard des risques insoupçonnés d’une reprise massive dans le contexte actuel de l’expansion grandissante de la pandémie ; tant à Dakar qu’à l’intérieur des régions du pays. Il faut absolument éviter de sacrifier la vie de la jeunesse scolaire et estudiantine sénégalaise à l’impérieuse nécessité de reprendre les activités scolaires et universitaires.
Certes, la crainte d’une année perdue est légitime chez tout apprenant, privé dès lors de son éducation, de ses amis d’enfance et de son cadre de vie naturel. L’école est aussi indispensable à l’enfant que la cellule familiale. Ces structures éducatives de base se complètent merveilleusement au Sénégal. Le risque de perdre une année est toujours une source d’inquiétude et d’angoisse dans le milieu scolaire et universitaire. Élèves et étudiants redoutent, en raison de la prolongation de la fermeture des établissements publics et privés, que l’année en cours – déjà fortement amputée de plusieurs semaines – ne soit nulle. C’est le pire des cas de figure que le covid-19 pourrait produire dans le système éducatif du Sénégal, effet. Mais il faudra composer avec, dans la ligne de mire d’une aggravation subite du taux de propagation et de létalité de la pandémie. C’est une hypothèse d’école, mais aussi un sérieux risque potentiel.
Les Ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement Supérieur, de la recherche et de l’innovation tentent naturellement de rassurer les apprenants, les enseignants et les parents. Les ministres s’acquittent difficilement de leur tâche dans un contexte d’incertitudes et de risques. D’autant que la peur d’une année blanche – ou invalide – et les assurances de l’autorité administrative et politique sont de l’ordre normal du fonctionnement de l’École et de l’Université, dans une situation sanitaire de crise.
Face à ce trou noir, les pouvoirs publics n’ont malheureusement aucune maîtrise scientifique des évolutions de la pandémie au cours des trois à quatre prochaines semaines. Ce qui appelle à plus de prudence et de rigueur dans la gestion de la crise sanitaire corrélée à la reprise des cours. Si la tendance de l’évolution actuelle de la pandémie du covid-19 à Dakar et à l’intérieur du pays laisse penser que la situation sera encore plus pressante – pour le corps médical et pour tous les acteurs de la société sénégalaise aspirant à reprendre pleinement le travail, les Sénégalais n’en redoutent – à juste titre – que l’accroissement du nombre des personnes infectées et la paralysie du système sanitaire tout entier. Le facteur déterminant de la reprise des enseignements à l’École et à l’Université doit donc être mesuré en fonction de l’état réel de la santé globale obtenu au Sénégal, grâce à la maîtrise des chaînes de transmission nationale et régionale, et des capacités des établissements publics et privés à faire respecter la sécurité et l’hygiène. La volonté gouvernementale, ainsi inscrite dans la dynamique de la préservation du climat de sécurité et de tranquillité, relèverait tout naturellement d’une compétence régalienne étatique. À ce moment, les ministres sont dans leurs habits.
Il serait, toutefois, irresponsable que les pouvoirs publics subissent la pression sociale et psychologique de certaines franges de la population scolaire et universitaire, exigeant la reprise à tout prix avant une date fatidique qui défierait toute garantie de sécurité des élèves, des étudiants et des enseignants. Les risques d’une reprise des chemins de l’École et de l’Université, dans le contexte de dégradation de la situation sanitaire, sont énormes. Ces sont des millions d’enfants qui se rendront à l’École par le transport public ou à pied. Les regroupements de masse dans les salles de classes, des amphithéâtres et les espaces sociaux et culturels seront des moments propices à la transmission inter-scolaire et inter-universitaire de la maladie. L’administration sénégalaise ne pourrait pas assurer la sécurité et la santé des élèves et des étudiants. Même le respect des gestes «barrières» pourrait volet en état en une journée.
On peut naturellement imaginer les effets d’un grand retour des élèves et des étudiants confinés à l’intérieur des régions et à Dakar. Ce retour sera un moment potentiel de propagation et d’explosion de la transmission du virus dans le milieu scolaire et universitaire. La réalité sanitaire ne milite guère en faveur d’une reprise massive des élèves et des étudiants dans l’immédiat. Mieux vaut pas…
Mamadou SY Albert