Modou Dagne Fada : «La campagne arachidière n’est pas perdue»

Malgré un début de campagne arachidière timide pour ne pas dire timoré, d’heureuses perspectives de croissance pourraient s’offrir à la Sonacos à travers une diversification de ses prestations, son autonomisation future en énergie, ou encore, une restructuration de la gestion à laquelle son directeur général Modou Diagne Fada dit veiller… au grain près. Entretien.

 

Par Mohamed NDJIM

 

La présente campagne arachidière est fructueuse pour les agriculteurs, mais difficile pour les huiliers qui peinent à faire face à l’offre d’achat chinoise. L’avenir de la Sonacos est-il en jeu ?

 

La campagne est difficile à l’heure actuelle pour la Sonacos, mais elle n’est pas perdue pour autant. Nous venons de démarrer. Nous venons de boucler le premier mois de la campagne. L’argent est disponible. Aujourd’hui, nous payons presque comptant les opérateurs qui ont décidé de nous livrer leurs graines, ce qui est une première. L’argent a précédé la récolte. On s’est levé très tôt, on a mobilisé un financement d’à-peu près 30 milliards Cfa pour pouvoir dérouler notre mission, pour pouvoir collecter convenablement les graines. On a aussi très tôt préparé les équipements de réception dans tous les sites de la Sonacos. Cette année, nous avons innové en nous rapprochant des producteurs, en nous rapprochant des paysans en érigeant des centres de réception intermédiaires à Kaffrine, à Tambacounda et à Kolda. Donc, tout ce qui devrait être fait par la Sonacos a été fait. Un prix plancher de 210 francs a été fixé, des opérateurs ont été agréés, c’était à eux de nous amener les graines ; et si tel n’est pas le cas, ce n’est pas la faute de la Sonacos. Mais, tout compte fait, on peut penser que le discours du chef de l’État tenu le 31 décembre face à la presse nationale est un discours rassurant pour la Sonacos, rassurant aussi pour les travailleurs de la Sonacos qui s’inquiétaient un peu de la rareté de la matière première qu’est l’arachide pour une industrie oléagineuse comme la Sonacos. Les huiliers rencontrent quelques difficultés. Nous, notre matière première c’est l’arachide. Si nous n’avons pas la matière première nous n’allons pas pouvoir tourner. Si nous ne tournons pas, des emplois peuvent être amenés à être menacés. Mais le président de la République a clairement fait comprendre que les travailleurs de la Sonacos n’ont pas à s’inquiéter. Il gère les intérêts de tout monde et il fera de sorte que tous les acteurs de la filière y trouvent leur compte. Ce que moi je demande en tout cas aux travailleurs de la Sonacos qui expriment leur inquiétude, c’est de se calmer, c’est de considérer qu’ils ont été entendus par le président de la République et de lui faire confiance.

 

Peut-on s’attendre à une nouvelle privatisation de la Sonacos ?

 

La Sonacos, c’est vrai, rencontre des difficultés, rencontre des problèmes. Nous avons hérité d’une société dont les indicateurs étaient au rouge, étaient négatifs. Nous avons hérité d’une société endettée, d’une société qui avait des contentieux avec plusieurs partenaires, avec plusieurs fournisseurs. Nous avons aussi hérité d’une société qui était en défaut de paiement vis-à-vis de l’Itfc, une filiale de la Banque islamique de développement. Bien cette société-là, quand on la prenait en main, était dans une situation plus ou moins difficile, même si je reconnais que depuis la reprise, depuis la renationalisation par l’État du Sénégal en 2016 beaucoup de progrès ont été accomplis. Maintenant, il reste clair que des problèmes demeuraient, mais certains de ces problèmes ont aujourd’hui trouvé solution. Aujourd’hui, la Sonacos n’est plus en défaut de paiement. Nous payons régulièrement les échéances que nous devons à la Banque islamique de développement. Nous avons négocié et trouvé des consensus avec nos partenaires, les banquiers, les fournisseurs qui nous ont permis d’apaiser la situation, qui nous ont permis aussi d’envisager un avenir prometteur, une coopération prometteuse entre la Sonacos et ses différents partenaires. Nous avons réussi à améliorer notre trésorerie, nous avons réussi aussi à déstocker les graines, les stocks d’huile pour pouvoir faire face à certaines dépenses et penser à des investissements pour 2020, notamment les travaux de fin de campagne qu’on appelle les Tfc qui ne sont pas réalisés depuis très longtemps. Nous entendons les faire en 2020, et ces travaux de fin de campagne devraient nous permettre de redémarrer des ateliers qui étaient fermés depuis très longtemps. C’est le cas de la vinaigrerie et de la javellerie à Diourbel, de l’usine de bétail Setuna à Diourbel ; c’est l’extraction et la détoxification à Kaolack et à Ziguinchor ; c’est l’autonomisation en énergie aussi de l’usine de Lindiane… Autant de perspectives qui sont devant nous et que nous allons réaliser sur fonds propres. Je crois que la privatisation, on ne doit l’envisager que quand on aura fini de rendre la fille qui est la Sonacos, plus belle ; à partir de ce moment, il sera très facile de lui trouver un conjoint. Pour le moment, je crois que nous sommes dans cette phase de restructuration, de restructuration technique, mais aussi, de restructuration financière. Le conseil d’administration vient de se réunir et a acté la recapitalisation de la société ; ça c’est un acte extrêmement fort. Aujourd’hui, la société est recapitalisée ; aujourd’hui, les comptes de la société sont assainis, et aujourd’hui, la société est devenue banquable et est en mesure d’emprunter de l’argent ; ce qui me semble être une très bonne chose. Malheureusement, il y a la timidité de la campagne qui peut ralentir cet envol ; mais en tout état de cause nous sommes sûrs que nous aurons le président de la République, Macky Sall, derrière nous ; son gouvernement aussi sera derrière nous pour nous soutenir, soutenir la Sonacos, soutenir les travailleurs de la Sonacos pour qu’on puisse  aller de l’avant.

 

Ce début d’année est marqué par une hausse des coûts de l’électricité dont la Sonacos, ès qualité d’industrie, est grosse consommatrice. Est-ce que cela ne risque pas de se répercuter sur les consommateurs avec une hausse du prix de l’huile ?

 

J’ai parlé tout à l’heure de l’énergie pour la Sonacos. Il fut un moment où nous étions connectés au réseau de la Senelec. Nous sommes en train de prendre des mesures pour nous déconnecter du réseau de la Senelec, pour produire nous même à partir des coques d’arachide notre propre énergie. Bien entendu, pour soulager la Senelec, mais aussi, pour soulager la trésorerie de la Sonacos. Et nous pensons que c’est un bon axe aussi, dans le cadre de la rationalisation des dépenses internes à la société. Ceci dit, la réduction de la subvention sur le coût de l’électricité est pour moi un acte nécessaire, un acte économique pour pouvoir  redistribuer les fonds qui étaient alloués à cette subvention, les répartir à nouveau, les redéployer vers d’autres couches de la population.

 

Comment appréciez-vous les propos de Moustapha Cissé Lô pour qui, il y a une iniquité, des magouilles, dans la distribution des semences ?

 

Je précise que la Sonacos ne distribue pas les semences. La Sonacos ne distribue pas les intrants, les engrais et autres ; la Sonacos ne distribue pas aussi le matériel agricole ; cela relève de la responsabilité du ministère de l’Agriculture. Je n’ai aucun commentaire à faire sur ce qu’il a dit, sauf de soutenir la position du gouvernement qui entend apporter des réformes dans l’attribution des quotas, dans la distribution donc des semences. Et je crois que c’est une excellente chose pour que tout un chacun y voie plus clair.

 

Le comité de pilotage du dialogue national vient d’être installé. Que peut-on attendre de ce processus ?

 

Le dialogue c’est une bonne chose. Il faut féliciter le chef de l’État pour avoir initié ce dialogue national. Il n’était pas obligé de le faire parce qu’il a gagné et bien gagné l’élection présidentielle. Mais il a compris que toutes les forces vives de la nation devraient être associées au travail de construction nationale. Il sait qu’il va avancer beaucoup plus rapidement, s’il y a une paix sociale, s’il y a une concorde entre les principales forces vives de la nation. Cela ne peut pas se faire dans le cadre de la médisance, de polémiques stériles… Ce qui est important à retenir, il a dit et a répété, qu’en cas de consensus forts autour de certaines questions politiques, électorales, sociales, il est prêt à mettre en œuvre les conclusions. Souhaitons tout simplement que les trois mois qui sont impartis au Comité national de pilotage puissent leur permettre de s’entendre sur l’essentiel, et l’essentiel, c’est comment faire pour développer le Sénégal, pour accélérer la construction du pays, pour que le rendez-vous de 2035, qui est le rendez-vous de l’émergence ne soit pas raté par le Sénégal ?

 

Quid de votre avenir politique ?

 

Mon avenir politique est d’abord entre les mains de Dieu, mon avenir politique est entre les mains des Sénégalais qui nous écoutent, mon avenir politique est entre les mains des militants de Ldr/Yessal. Je suis dans une coalition qui s’appelle la grande majorité présidentielle, ou bien qui s’appelle Benno bokk yakaar. Nous sommes des alliés avec d’autres formations politiques, avec d’autres hommes politiques, aujourd’hui nous sommes ensemble autour du Président Macky Sall. Je crois que nous devons garder le plus longtemps possible cette posture d’unité entre les membres de la grande majorité présidentielle. Je crois que c’est cela l’intérêt du Sénégal, c’est ça aussi l’intérêt de la coalition. Le moment venu, nous pourrons nous asseoir autour d’une table, échanger, discuter et prendre la meilleure décision pour pouvoir aborder l’élection présidentielle de 2024. Je crois que ce n’est pas le moment, aujourd’hui, d’évoquer ces questions-là ; ce n’est pas le moment, aujourd’hui, de parler d’élection, de mandat, parce qu’encore une fois, le Président Macky Sall vient d’être réélu il y a de cela quelques mois. Et comme il l’a dit lui-même, s’il se mettait dès à présent à définir la posture qu’il va adopter en 2024, cela va mettre le pays en danger, et nous pensons que tel ne devrait pas être le cas. Nous sommes en Afrique, nous sommes au Sénégal et il faudrait véritablement que tout le monde se le tienne pour dit : les discussions autour de l’école, autour de la santé, autour des questions économiques, autour de la propreté de nos villes, autour de l’agriculture, autour de l’arachide, ces discussions-là sont 10.000 fois plus importantes que des discussions politiciennes, des discussions électoralistes, des discussions qui ne font prévaloir que des ambitions crypto personnelles. Les Sénégalais n’ont pas besoin de cela.

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