Moussa Tine : «On a raté beaucoup trop de tournants»

Par Mohamed NDJIM

 

Du 23 juin 2011, dont découle l’élection de Macky Sall, au 23 juin 2020 célébré une année après sa réélection, le Sénégal a enregistré, du point de vue de Moussa Tine, un grand bond en mal gouvernance. Il y a, dit-il, un recul démocratique. «On a les mêmes débats qui reviennent, les questions de fichier électoral, de troisième mandat, l’indépendance de la justice, l’équilibre dans le traitement de l’information à la Rts, la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République, l’indépendance dans la justice, le manque de transparence dans la gestion budgétaire. C’est le même débat que nous avons, même du point de vue économique», assure Moussa Tine face à Pape Alé sur Sen Tv, ce mercredi.

Se projetant en 2024, il pose des exigences de transparence électorale. «Macky Sall croit au pouvoir de la force. Le pouvoir judiciaire, le pouvoir financier, le pouvoir économique… Il est redoutable en politique, car il se bat sans principes. Il s’en fiche. Il sait se battre. Ce n’est pas à son honneur (…). La seule chose qu’on demande c’est que la justice ne soit pas instrumentalisée pour éliminer des candidats. C’est tout ce qu’on demande pour une bonne application de la loi, parce qu’aujourd’hui la loi est en sa faveur. Il peut se présenter à toutes les élections qu’il veut. Personne ne peut l’en empêcher. Du point de vue de la légalité, de la loi, aujourd’hui il a le pouvoir et il a le droit d’être candidat s’il le veut», prévient Moussa Tine.

Selon lui, la revendication qui sous tendait le 23 juin est ratée. «On a raté beaucoup trop de tournants. C’est ce que montrent les images des femmes brutalisées par la police à Gadaye, les interdictions de manifester, les détentions arbitraires. Le commissaire Sadio interpelé, Abdou Karim Guèye en prison, au même moment on libère des proches du pouvoir qui ont maille à partir avec la justice. On a voulu construire un Sénégal neuf, c’était ça l’idée des Assises nationales ; on voulait travailler pour plus d’indépendance au niveau de la justice ; on voulait rééquilibrer la sphère institutionnelle», rappelle Moussa Tine.

À ses yeux, le nœud du problème réside dans l’indépendance de la justice et le leadership politique. «Tous les scandales dont on parle ne devraient pas être de mise. La faute à la classe politique d’abord. Beaucoup de ceux qui avaient porté la lutte ont trahi la cause. Il y en a qui sont restés debout, mais la plupart de ceux qui assuraient le leadership ont soit baissé les bras ou ont été neutralisés. Pour construire un État de droit les politiciens doivent arrêter leurs calculs d’épiciers. Il faut que, de plus en plus, ils inscrivent leur action sur des principes, des idéaux partagés. Il faut réformer la justice de telle sorte que personne ne puisse plus l’instrumentaliser. On a l’impression que les juges n’existent même pas, on pense qu’il n’y a qu’une seule volonté qui vaille : c’est la volonté du président de la République», juge Tine.

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