Omerta sur le 3ème mandat : Le pouvoir prépare-t-il un coup fourré ?

Pourquoi le pouvoir tient il tant à ce que le débat autour du 3ème mandat fasse l’objet d’une omerta ? Un coup fourré serait-il en gestation ? Cette question appelle des réponses nécessaires, et rien ne peut justifier le tir groupé, suivi de la défenestration de Sory Kaba dont le seul tort aura été de dire clairement ce que beaucoup tentent de teinter, sachant ce que tout le monde sait déjà : que le Président Macky Sall est à son deuxième et dernier mandat.

«Notre Constitution oblige le président de la République à ne pouvoir faire que deux mandats. Ce qui est clair, il est dans le dernier mandat et la Constitution lui interdit de faire un 3ème mandat». Mais, aussi incompréhensible et inexplicable que cela puisse paraître, ces propos lui ont valu d’être limogé par le Président Macky Sall, qui s’était prononcé lui-même sur l’éventualité d’un troisième mandat, lors de la visite au Sénégal de son homologue Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso, le 13 octobre 2017. En effet, interpellé sur ce sujet qui fâche, le Président Sall avait déclaré que la question a déjà été tranchée par la Constitution qui stipule que : «Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs».

Pourquoi diantre les apéristes, avec un Yakham Mbaye à leur tête, ont-ils tiré à boulets rouges sur leur frère de parti ? Yakham Mbaye trouve «inélégante» la sortie de Sory Kaba, directeur des Sénégalais de l’extérieur, qui aurait outrepassé les recommandations du président de la République en violant le droit de réserve pour parler du troisième mandat – ou pas – du chef de l’État. Pour Yakham Mbaye, «c’est de l’indiscipline et une atteinte à l’autorité du président de la République». En tout cas, cette sortie des proches du Président Sall, suivie du limogeage de Sory Kaba, entraîne moult suspicions et interrogations.

Yakham Mbaye et les jeunes de l’Apr qui s’adonnent au lynchage médiatique de Sory Kaba tentent-ils de nous persuader que Macky Sall a bien droit à un troisième mandat après qu’il se soit lui-même opposé à la même velléité de Wade dans cette direction ? Cela paraîtrait bien dommage de sa part, pour ne pas dire regrettable et déplorable à la fois pour ceux qui l’ont réélu. Surtout que ce débat resurgit à un moment où Alpha Condé vit la même désagréable situation alors que le Président Sall a encore le temps de tout mettre en œuvre pour l’éviter cas personnel ; d’autant que la tentative de Wade de briguer un troisième mandat avait endeuillé le Sénégal et failli le plonger dans le chaos.

Maintenant, si les affidés de Macky Sall sont assez grisés par les effluves enivrants du pouvoir, au point de vouloir pousser leur mentor à emprunter cette dangereuse voie sans issue, qu’ils sachent qu’ils vont droit dans le mur. Les Sénégalais ont assez de problèmes comme ça à y faire face pour qu’on cherche à en lui rajouter. Malheureusement, si le pouvoir fait aujourd’hui dans le clair-obscur, c’est justement parce que l’hypothèse de l’éventualité d’un 3ème mandat – qu’il feint de rejeter pour le moment – est en réalité, juridiquement défendable. Le Président Sall voudrait-il attendre au dernier moment pour mettre les populations devant le fait accompli, comme ce fut le cas concernant la réduction de son mandat de 7 à 5 ans ou la suppression du poste de Premier ministre ? En tout cas, avec ces politiciens de tout acabit, dire que tout est possible n’est pas faux, d’autant qu’ils le disent eux-mêmes : «En politique, il ne faut jamais dire jamais».

Comme le faisait remarquer le juge Ibrahima Hamidou Dème, dans une tribune intitulée : «La Constitution piégée pour un troisième mandat…», parue dans les colonnes d’un quotidien le 26 mars 2019, en déclarant : «(…) En effet, la question n’est pas de savoir si les Sénégalais accepteront ou non, le moment venu, une troisième candidature ; mais c’est surtout de sortir pour une fois de l’impasse de la politique politicienne avec un président qui ne pensera plus, dès le début de son mandat, à vaincre ses adversaires et remporter la prochaine élection». Il en déduit qu’«il reste évident que si l’éventualité d’une troisième candidature n’est pas définitivement écartée, le prochain quinquennat sera encore miné par la mal gouvernance, l’instrumentalisation de la justice, le clientélisme, l’accaparement des médias de service public, la gabegie etc.».

Dans le même sillage, le président du mouvement ‘Ensemble’ de s’interroger : «Comment alors mettre fin aux incertitudes ?». De l’avis du juge Dème, «pour mettre définitivement un terme au débat, le président de la République à qui appartient seul cette prérogative, doit dès à présent saisir le Conseil constitutionnel pour avis sur cette question. Si le Conseil constitutionnel est d’avis que l’actuel président ne peut pas se représenter pour un troisième mandat, le débat sera définitivement clos. Si en revanche, il est d’avis contraire, il faudra trouver au plus vite une solution politique, pour que tout le monde soit convaincu que les manœuvres politiciennes ne pourront pas remettre en cause la sacralité conférée par les Sénégalais à la clause limitative des mandats à deux».

Mais, dans l’état actuel des choses, Macky Sall qui devrait jouer le rôle d’arbitre, étant donné qu’il n’est plus candidat à sa succession, semble n’être pas dans de telles dispositions, car caressant, in petto, le secret désir de revêtir le maillot pour jouer les prolongations.

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