Du viol et du sang mêlés, parfois, de sensationnel. C’est ce menu aux ingrédients « tragiques » qui est grassement proposé par la presse nationale ces derniers jours. Ces informations semblent indiquer une recrudescence de la criminalité dans la société sénégalaise. Face à ce phénomène, des voix s’élèvent et des solutions émergent ou refont surface. Parmi ces propositions, le rétablissement de la peine de mort et la castration chimique, notamment pour les violeurs, reviennent très souvent. Outre ces solutions radicales, le mal ne serait-il pas plus profond ?
Le mardi 3 mai, le quotidien « le Soleil » annonçait la mort d’une femme âgée d’une soixantaine d’années à Tivaouane Peulh. La sexagénaire a été retrouvée dans sa maison, les mains attachées dans le dos et les jambes écartées. Les résultats de l’autopsie ont révélé que la dame aurait été violée à plusieurs reprises avant de mourir par asphyxie à la suite d’un étranglement. Pour l’heure, les forces de l’ordre n’ont pas encore mis la main sur le/les criminel(s). Ce samedi à Khombole, un autre drame s’est produit. Un « Jakartaman » a poignardé à mort, l’un de ses collègues. Ce dernier a rendu l’âme sur son lit d’hôpital.
Ces meurtres ne sont que des échantillons de la pléthore de cas recensés ces derniers temps. Comme un malheur ne vient jamais seul, la courbe de cas de viol semble aussi s’accroitre. A l’image de cette série de viols collectifs à Rufisque révélée par « Les échos » du 30 mars. Sous la menace d’un couteau, trois hommes ont piégé des femmes et les ont entraînées dans un endroit isolé pour effectuer leurs basses besognes. Parmi les victimes se trouvait une policière. Une fois au courant de ces faits, les collègues de cette dernière ont lancé une opération la nuit même afin de retrouver les individus. Ou cette autre affaire de viol qui défraie la chronique aux HLM. Un couple aurait violé, à tour de rôle, une adolescente de 15 ans. Des faits qui ne laissent pas la population indifférente qui souhaite l’application pour les criminels de châtiments s’appuyant « fortement » sur la loi du talion.
Rétablissement de la peine de mort : Une pétition bientôt lancée
Au regard de ces crimes, notamment des meurtres, l’Union nationale des indépendants du Sénégal (UNIS) n’a pas voulu rester les bras croisés. A travers un communiqué parvenu à Seneweb le 6 mai, l’association outrée de « l’aggravation criminelle », a décidé de lancer dans les prochains jours une campagne pour la peine de mort avec l’ouverture d’une pétition. « Il faut aussi défendre la vie par la peine de mort. La peine de mort, certes, n’est pas une solution définitive à la criminalité, mais, elle est le message le plus fort et la ligne de défense la plus robuste que nous pouvons ériger contre les criminels qui DECIDENT de tuer sans droit », dit le communiqué signé du Président de l’UNIS Amadou Gueye. « Nous devons dire haut et fort que quiconque décide de tuer sera lui-même tué, martèle-t-il sur la note. Quiconque aura prémédité, organisé, commis volontairement et sans droit un meurtre deviendra lui aussi passible de la peine capitale, en juste rétribution ». Se projetant, l’association anticipe déjà des futures oppositions des défenseurs de droit de l’homme et des institutions. Pour contrer cela, elle compte sur l’appui des citoyens : « L’UNIS estime que l’écrasante majorité des sénégalais est pour la peine de mort. Cette voix majoritaire doit se faire entendre. C’est cela la démocratie. Vox populi Vox Dei ».
Lutte contre le viol : Aminata Mbengue milite pour la castration
Une peine de mort peut en cacher une autre. Là où pour lutter contre les homicides, l’exécution du criminel est préconisée par certains, contre les violeurs, une autre forme d’exécution est souhaitée : la castration. Encore appelée « la peine de mort hormonale » cette méthode existe de 2 manières. La première et la plus connue est la castration chirurgicale. Elle consiste à retirer les testicules dans le but de supprimer toute production d’hormones. Cette opération est irréversible. Ce qui n’est pas le cas pour l’autre castration dite chimique. C’est un traitement médical qui vise à réduire la production de testostérone, par la prise de médicaments. Le traitement vise à réduire les pulsions sexuelles de l’individu.
Ces sanctions radicales ne sont pas du goût de tous ; à l’exemple, logiquement, des défenseurs des droits de l’homme. Contacté par Seneweb, Alassane Seck, président de la Ligue Sénégalaise des droits de l’homme (LSDH) s’oppose à de telles peines : « Ce sont des solutions abominables, impensables, inacceptables. Je pense que les gens sont submergés par l’émotion à cause des meurtres qu’il y a eu ici et là. Mais comparé à notre population de 17 millions d’habitants, ce n’est pas forcément alarmant. On peut se désoler mais de là à évoquer un retour de la peine de mort ou instaurer la castration, ce sont des choses que l’on ne peut pas imaginer ». Même position par rapport à la castration : « C’est non seulement inhumain et inacceptable dans un Etat de droit d’en arriver là. On ne peut pas imaginer que l’Etat du Sénégal puisse reculer dans l’histoire de la gouvernance. Que ce soit la castration ou la peine de mort, ce sont des solutions que l’on ne peut pas envisager. »
A la source des maux
La criminalité galopante est aujourd’hui un phénomène au vu des cas récurrents recensés dans la société. Pour tenter de comprendre cette tendance ascendante, nous avons contacté le sociologue Mamadou Wane. L’homme pointe du doigt un autre phénomène, qui est lui aussi en constante croissance : « La grande majorité des sénégalais se trouve dans la précarité. Et cette précarité est accompagnée d’une angoisse. Et l’angoisse vous fragilise. C’est-à-dire, qu’il y a des pans entiers, des amortisseurs socio-culturels qui commencent à se dégrader ». Comme on le dit l’adage « l’argent est le nerf de la guerre », dans le cas de la criminalité, il semble en être la principale cause.
L’autre point évoqué, qui découle de la précarité, est l’éclatement de la superstructure sociale sénégalaise. « C’est le résultat d’un long processus de transformation de notre société qui est enclenché depuis plus de 40 ans. Il y a eu l’impact des politiques d’ajustement structurelles qui ont été intentées au cours des années 1980 et qui à l’époque avait forcé les familles à quitter les maisons, révèle Abdoulaye Cissé. Les femmes aussi ont été impactées par ces politiques. Elles, qui étaient les gardiennes des valeurs et surveillaient les enfants tout en les éduquant, sont obligées de sortir pour trouver de l’emploi pour seconder, suppléer l’homme par rapport aux dépenses familiales ». Un changement de paradigme qui aurait entraîné une ribambelle de conséquences, particulièrement chez les enfants qui en arriveraient à s’éduquer par eux-mêmes.
Un retour aux fondamentaux à travers la sensibilisation
« Ce qu’il y a lieu de faire, c’est de miser plutôt sur la sensibilisation et sur le retour aux valeurs. Cela ne peut se faire que dans les deux instances de socialisation à savoir la famille et l’école. L’école doit jouer sa double vocation, instructive et éducative », préconise Abdoulaye Cissé. Un avis corroboré par Mamadou Wane qui estime que les établissements scolaires doivent pleinement jouer leur rôle dans cette lutte : « L’école doit être un projet, l’école doit véhiculer des messages. L’élève ne doit pas seulement apprendre des notions issues de programmes scolaires. L’école se doit de véhiculer aussi des valeurs sociales ».
Comme énoncé tantôt, la précarité est la source principale de cette recrudescence de la criminalité et pour Alassane Seck, il faut l’endiguer avec des politiques de développement sociales claires. « Il faut trouver de l’emploi aux jeunes. Si les futures productions de gaz et de pétrole sont bien gérées en les réinvestissant dans l’agriculture et l’élevage, cela peut considérablement faire régresser la pauvreté », dit-il.
Responsabilités partagées face à un phénomène qui prend de l’épaisseur, l’engagement de toutes les parties prenantes de la société est souhaité pour en venir à bout.