Débarrassé de l’hypothèque Macky Sall, qui pense déjà à ses délices de Marrakech, le nouveau chef de l’opposition sénégalaise a tout un vaste chantier à déblayer s’il veut conquérir enfin le fauteuil présidentiel dans 5 ans. Il lui faudra d’abord se débarrasser des scories que lui aura laissées le chef de l’Etat sortant dont il a compris qu’il n’a jamais souhaité sa victoire. Et refonder autour de sa personne, avec ses alliés de Benno, un véritable parti d’opposition, uni pour reconquérir le pouvoir.
Les résultats provisoires de l’élection présidentielle du 24 mars, tels que publiés hier par la Cour d’appel de Dakar, révèlent que Amadou Ba, le candidat de la Coalition Benno bokk yaakaar (Bby), a obtenu 1 million 605 mille 86 voix, soit 35, 79% des suffrages exprimés ce jour-là. Ce qui le place en seconde position des candidats. Si l’on se fie à la logique qui avait été appliquée en 2019, quand Macky Sall avait gagné haut la main devant 4 autres candidats, Idrissa Seck, qui avait obtenu un peu plus de 22% en s’étant classé second, Amadou Ba devrait revendiquer le statut et les privilèges de chef de l’opposition. Si du moins, il s’en sent l’envie et la disposition.
Il faut dire que M. Ba, comme Bassirou Diomaye Faye, a été un candidat délégué. Ils ont tous les deux été portés par un mouvement dont ils ne sont pas les dirigeants. Une fois élu, BDF a eu l’intelligence de rendre tous les mandats qu’il détenait dans son mouvement politique, et devient donc plus libre pour mener la politique qu’il entend conduire à la tête de l’Etat.
Pour Amadou Ba, les choses ne devraient pas être plus compliquées. Nous avons ici un candidat qui, dès sa désignation, a été contesté par des caciques de son parti. Il se dit même que le leader-même, qui avait porté sa candidature, ne cachait plus l’animosité qu’il portait à son égard et souhaitait secrètement sa défaite. Les choses en ont été au point où ce sont les leaders des partis alliés, membres de la Coalition Bby qui ont pesé de tout leur poids pour que Macky Sall ne lâche pas son poulain en rase campagne. Mais il l’a fait du bout des lèvres, en sachant que Amadou Ba allait connaître son Waterloo. Toutefois, si sa défaite a plusieurs causes, les perspectives d’avenir de Amadou Ba sont entre ses propres mains.
La première option pour lui, serait de faire une Opa sur la Coalition Benno. Ses plus de 35%, qui font de lui le chef de l’opposition, le placent ipso facto comme le leader de son mouvement. Et puisque Macky Sall est sur le départ, tous ses lieutenants, qui se dressaient contre l’ancien Premier ministre, n’auront plus de moyens pour s’opposer à sa mainmise. Une emprise qui sera d’ailleurs favorisée par des personnes comme Aminata Mbengue Ndiaye, Moustapha Niasse ou Abdoulaye Saydou Sow, entre autres. Toutes ces personnes ont une revanche à prendre, et auront à cœur de constituer une opposition forte et déterminée, qui va se positionner en alternative à Pastef. Faute de quoi, Barthélemy Dias va repositionner Taxawu autour de lui, pour se préparer à la Présidentielle de 2029. Les opposants dans l’Apr n’auront qu’à se taire ou partir.
S’il est gêné de porter l’héritage de l’Apr, Amadou Ba pourra se débarrasser de ce nom, et le laisser aux héritiers de Macky Sall. Ces derniers auront d’ailleurs d’eux-mêmes, du mal à se regrouper derrière un leader incontestable, maintenant que leur chef leur aura tourné le dos. L’Apr n’a jamais été un parti structuré, mais plutôt une machine électorale, façonnée pour l’intérêt et les ambitions d’un seul individu. Maintenant qu’il n’en a plus besoin, il leur laissera la coquille qu’ils auront du mal à remplir. Et ce n’est pas au candidat choisi malgré eux qu’ils vont demander de leur servir de guide.
Par contre, tous ceux qui lui auront été fidèles dans les durs moments de cette campagne assez particulière, pourraient l’aider, avec l’appui des partis alliés, à constituer le noyau du plus grand parti de l’opposition, qui pourra devenir une force de proposition face à Pastef. Si vraiment Amadou Ba s’en sent l’étoffe. On sait qu’il peut être déterminé s’il est convaincu du but. L’autre solution serait pour lui, de se contenter de profiter des énormes richesses qui lui sont prêtées, et de s’éloigner de la politique. Ce ne serait pas bête non plus.
AVEC LE QUOTIDIEN