Les Sénégalais se sont rendus aux urnes, hier dimanche 24 mars 2024. La victoire de Bassirou Diomaye Faye au premier tour est l’une des surprises de ce scrutin. Mais elle n’est pas la seule, puisque la chute libre de Khalifa Sall, ténor de l’opposition, est aussi l’une des surprises les plus inattendues.
En effet, il était déjà clair que Bassirou Diomaye Faye et Amadou Ba seraient en tête. Cependant, Khalifa Sall était vu comme l’outsider, le faiseur de roi, en cas de second tour.
Or, il n’en est rien à la lumière des résultats sortis des urnes. Taxawu Sénégal a enregistré des résultats médiocres. Khalifa Sall est loin derrière les deux premiers. Dans certaines localités, il s’est fait devancer par des candidats comme Anta Babacar Ngom ou Pape Djibril Fall que l’on considérait comme des figurants de la présidentielle. C’est à peine si Khalifa Sall, vieux routier de la politique, a fait mieux que les novices.
Dès lors, se pose une question : comment expliquer cette dégringolade de Taxawu Sénégal. Il faudra sans doute y aller par hypothèses. La première est que cette formation que l’on nomme Taxawu Sénégal est en réalité plus un Taxawu Dakar, son premier nom. Le mouvement est plus un fait politique dans la capitale qu’un vrai parti structuré à l’intérieur du pays.
Dans la capitale, on peut citer Barthélémy Dias, Cheikh Guèye, Babacar Mbengue, ou Madiop Diop comme des ténors. Mais dans les régions, il est difficile de désigner un responsable de Taxawu connu à l’échelle nationale. En clair, Taxawu n’a pas de leader à l’intérieur du pays, ce n’est pas un parti à proprement parler.
C’est ce qui fait d’ailleurs que Khalifa Sall se retrouve au coude-à-coude ou même derrière les candidats indépendants, donc sans machine électorale. De ce point du vue, il y a un gros travail à faire.
L’autre hypothèse est la probable perte du fief. Jusqu’ici, Dakar restait le bastion électoral de Khalifa Sall et Cie. Ils ont su résister face aux assauts répétés du pouvoir, surtout aux locales de 2014.
Seulement, le phénomène Sonko ne se limite pas à Ziguinchor, il est fortement présent à Dakar. Ousmane Sonko reste très populaire dans la capitale. Et les résultats sortis des urnes semblent indiquer qu’il a presque fini d’arracher Dakar des mains de Khalifa Sall.
Aux locales déjà, il se disait que Barthélémy Dias doit son élection comme maire de Dakar, en grande partie, à Pastef.
Et c’est là qu’il faut avancer l’autre hypothèse, à savoir une sanction contre Khalifa Sall pour avoir participé au premier dialogue qui a permis à Macky Sall d’éliminer Ousmane Sonko tout en réhabilitant l’ancien maire de Dakar.
Son fameux ‘’naa bokk rekk’’ (l’essentiel pour moi est de participer) pour lequel il a été raillé et surtout vertement attaqué par les partisans de Sonko qui l’avaient vécu comme une trahison.
A cela, on peut aussi ajouter les attaques de Barthélémy Dias contre Sonko. A un moment donné, quand Sonko était en prison, le maire de Dakar et son camp semblaient convaincus que les dès sont pipés pour Sonko et Pastef.
Ils croyaient s’être servis d’eux pour se positionner pour ensuite laisser Macky Sall s’occuper d’eux. Taxawu taxait alors Pastef de novice en politique. Barthélémy Dias s’enorgueillissait d’avoir démarré la politique bien avant la naissance de Pastef.
Il commençait même à taxer ses ex-alliés de faire dans la terreur médiatique. C’était donc une rupture conçue par une partie de l’opinion comme étant de la trahison vis-à-vis de Sonko et Cie.
Tous ces éléments réunis sont de nature à expliquer la grande désillusion de Khalifa Sall et de son mouvement. Pendant des années, l’ancien maire de Dakar a été sur une pente ascendante avant d’être freiné par Macky Sall.
Aujourd’hui, à 68 ans, avec le score qu’il a enregistré, il est difficile de croire qu’il pourra rebondir, même si il ne faut jamais dire jamais en politique.