Si rien n’est fait pour gérer avec efficacité les problèmes de nature conjoncturelle et structurelle que connaît la Société africaine de raffinage (Sar), le Sénégal risque de perdre une certaine souveraineté dans la gestion et le raffinage des hydrocarbures. Avec le retrait signalé de Khadim Bâ de Locafrique, qui détenait jusque-là 36% de l’actionnariat de la Sar, il reste et demeure évident que Total, multinationale française, est en embuscade pour tout rafler. Et si on lui préparait le marché… ?
En prenant la décision de démissionner du Conseil d’administration de la Société africaine de raffinage, Khadim Bâ de Locafrique, s’en va en laissant derrière une possibilité qui pourrait ne pas trop arranger le Sénégal : la perte de notre souveraineté dans la gestion des hydrocarbures. En effet, l’administrateur de la Sar va retirer tout simplement et tout bonnement sa ligne de crédit de 250 millions d’euros que son groupe avait mis à la disposition de la Sar pour pouvoir assurer les importations de pétrole brut. En termes plus clairs, il va annuler sa caution estimée à 130 milliards Cfa par le retrait de celui qui détenait 34% de l’actionnariat de ladite compagnie.
Mais, il existe un risque qui pourrait amener le Sénégal à s’ouvrir à une multinationale française qui cherchait depuis plusieurs années à contrôler la Sar. Il s’agit de Total, avec toutes les conséquences que cela peut engendrer dans la marche économique du Sénégal. Il faut le rappeler, en 2006, le Sénégal avait un taux de croissance de 2,6%. Quelques parts, cela pourrait mieux s’expliquer par le fait que Total possédait, à l’époque, l’actionnariat majoritaire de la Sar aux côtés de Shell et Mobil Oil. À l’époque, ces entreprises avaient refusé de livrer à la Société nationale d’électricité (Senelec) du fuel, prétextant que l’État du Sénégal ne pourrait pas leur payer les pertes subies à cause de l’augmentation sur le marché international du prix du baril, comme le rappelle l’économiste Mansour Samb.
Conséquence directe, la Senelec avait subi un déficit de production de plus de 150 mégawatts. Connu pour ses prises de décision “guerrières”, le Président Abdoulaye Wade avait renationalisé la Sar en ramenant Total à 10% dans l’actionnariat et donner au groupe Bin Laden une barre de 34%.
Veut-on frayer un chemin pour total ?
Il faut signaler que réduit à une représentation de 10% des actions, Total n’a jamais abandonné le combat pour redevenir maître absolu de la Sar. Car, cette société a pu – après l’épisode Wade – se procurer 20% de l’actionnariat avec 34% pour Locafrique et 46% pour l’État du Sénégal. Et avec la démission de Khadim Bâ, l’on pourrait effectivement soupçonner des stratégies de Trust afin de permettre à Total de s’adjuger la majorité des actions. «Total majoritairement à la Sar, est un danger pour notre politique de souveraineté énergétique, car n’oublions pas ce que Total, majoritaire à la Sar, avait fait en 2006», soutient encore Mansour Samb. D’ailleurs, il ajoute que : «Total qui a perdu le marché de l’exploitation pétrolière, veut se rattraper au bout du tunnel, c’est- à-dire dans le raffinage, qui un est un très gros marché».
M. Samb n’a pas manqué de faire remarquer que «la souveraineté énergétique est importante pour un pays. Et c’est uniquement pour cela que la France est présente dans le Sahel pour protéger son gisement d’uranium du Nord du Niger. En effet, la France produit toute sa production d’énergie nucléaire à partir de l’uranium qui est produit au Niger». Ce qui veut dire qu’il est impératif que le Sénégal continue de gérer majoritairement l’actionnariat de la Sar pour des raisons de sécurité énergétique.
En termes clairs, il faut protéger les nationaux contre l’appétit insatiable des multinationales.