Après s’être replié sur lui-même, pas seulement pour des raisons liées à la pandémie, mais aussi du fait d’une nouvelle orientation politique qu’il s’est donnée au lendemain de la Présidentielle de février 2019, le Président Macky Sall a multiplié, ces derniers jours, les signes ou signaux indiquant un changement de cap. Vers quelle direction, à moins de cinq mois des prochaines élections locales ?
C’est avec Aminata Touré que le ballet des retours est officiellement ouvert. Le Président Macky Sall, qui avait coupé les ponts, initie discrètement des rencontres et discussions avec les ‘’bannis’’ du début de son deuxième mandat. Aminata Touré avait beaucoup de choses à reprocher à son candidat de 2012, dont elle a été la directrice de campagne. Il semble bien qu’elle ait déversé tout ce qu’elle avait sur le cœur et tourné la page, après l’épisode kafkaïen de son départ et son remplacement à la tête du Conseil économique, social et environnemental (Cese) par Idrissa Seck.
Signe que les choses se passent désormais bien entre Aminata Touré et Macky Sall, elle s’est vue restituer sa sécurité, avec des renforts en hommes. Ses proches n’ont jamais pu comprendre qu’elle soit privée d’agents de sécurité de l’Etat, alors qu’elle a occupé un poste très sensible comme celui de la Justice et a été à l’avant-garde de la traque contre les anciens barons du régime Wade.
Toutes choses étant remises à l’endroit, Aminata Touré a repris ses activités politiques, en s’essayant de défendre le régime, dans un contexte de pandémie, économiquement difficile.
Si Aminata Touré est la pièce la plus visible du nouveau puzzle que le Président Sall est en train de mettre en place, elle n’est peut-être pas la plus importante. Car l’ancien argentier de l’Etat, Amadou Bâ, qui s’était éloigné du centre-ville juste après son départ des Affaires étrangères, pour se réfugier du côté des Almadies, a repris du service avant même que les projecteurs ne se braquent sur lui.
Nos sources évoquent plusieurs discussions qu’il a eues avec le Président Sall en toute discrétion. L’enjeu n’est sans doute pas les Parcelles Assainies, mais Dakar. Selon nos sources, c’est pour l’instant ce que semble préférer le Président.
Et c’est toujours par le truchement de présentations de condoléances aux familles religieuses que les signaux sont donnés. Le fait qu’Amadou Bâ soit présent aux côtés du président dans le fief d’Abdoulaye Diouf Sarr, puis à Thiénaba avec le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diome (dont la présence est justifiée par le fait qu’il est le ministre de l’Intérieur), est fort parlant. Si Amadou Bâ accepte de plonger – ce qui semble acquis, selon nos interlocuteurs –, ce sera à ses risques et périls, car tous les observateurs sont unanimes à penser que la bataille de la capitale sera rude.
Le camp du pouvoir a réellement le sentiment que les prochaines Locales sont un enjeu au moins égal à celui de 2009, lorsque Karim Wade, aidé par son papa-président, a voulu se servir de la passerelle de la ville de Dakar pour se hisser à un niveau politique plus élevé. La suite est connue, puisque ce sont ces élections qui vont entamer le moral de la troupe et annoncer ‘’la chute de l’empire Wade’’.
Le syndrome de 2009 est-il le fil d’Ariane qui dicte aujourd’hui ce retour de la realpolitik ? Certains de nos interlocuteurs le pensent. Ils estiment que la chute de grandes villes comme Dakar, Saint-Louis ou Ziguinchor sonnerait comme le glas du pouvoir.
Si, pour le moment, tout le monde n’est pas convié à ces tractations, le Président Macky Sall, qui a gardé le contact avec Aly Ngouille Ndiaye et Mouhamadou Makhtar Cissé, compte bien élargir le spectre de ses connexions.
Il aura sans doute besoin de rassurer ses ‘’hommes’’, puisqu’ils sont bien nombreux, dans son camp, qui restent méfiants, du fait des conditions dans lesquelles ils ont été écartés, même s’ils ne le disent pas. Un déficit de confiance est vite arrivé…