Remettre les Sénégalais dans la production matérielle et immatérielle (Mamadou SY Albert)

Remettre le Sénégal au travail était sans nul doute un des objectifs majeurs de la seconde alternance s urvenue en mars 2012. Le constant est sans appel. Le Sénégal reste un pays dans lequel où l’on parle plus que l’on ne travaille. Le temps de travail réellement consacré à l’activité de production de richesse matérielle et immatérielle est de plus en plus réduit. Les nombreux jours de fêtes se conjuguent à l’absence physique des lieux de travail en raison des cérémonies familiales, d’évènements politiques, religieux et/ou personnels. Comment faire travailler plus et mieux les Sénégalais demeure une des questions majeures à laquelle le Sénégal se heurte depuis des décennies. La sortie du sous-développement dépendra sans nul doute des capacités des Sénégalais-e-s à se remettre profondément en cause et à prendre courageusement la responsabilité collective et individuelle pour renouer avec le travail.
Le travail a perdu au fil de l’évolution du Sénégal toute sa grandeur d’antan. Naguère, travailler fut une fierté individuelle et familiale. Que ce fut le travail manuel ou intellectuel, le Sénégalais accordait à son activité de production une grande importance. L’intérêt accordé à l’activité de production se mesurait à l’investissement en temps de travail, au  respect des normes et des règles de production du bien matériel ou immatériel. L’amour de son métier était une culture partagée par les travailleurs.
À cette époque relativement lointaine, les Sénégalais-e-s des villes et des campagnes étaient tous au travail avec toute sa rigueur requise dans l’administration, dans le monde ouvrier et paysan, mais également dans l’éducation des élèves et des apprenants de l’école publique, privée ou coranique. Le Sénégal s’est mis au travail avant le colon et sa civilisation. Probablement, cette culture du travail a façonné le Sénégal durant des siècles.
L’accession du Sénégal à la souveraineté internationale a produit des mutations culturelles majeures. La relation au travail constitue un exemple de ses mutations de la société sénégalaise post-coloniale. Le travail n’est plus ce qui fait ou distingue le citoyen.
Le Sénégal semble même rompre avec cette culture du travail héritée de l’histoire des sociétés africaines avant la colonisation. Le travail a presque fini par perdre sa valeur fondamentale : morale, éthique et sociale. Le travail n’est plus ce qui permet à l’individu, à la famille et à la communauté de se réaliser. Le travail procure de moins en moins de fierté sociale. Tout laisserait d’ailleurs croire que la société sénégalaise bascule dans la dynamique d’une société de la paresse généralisée organisée : moins on travaille, on dépense de l’énergie, mieux on se porte ou se préserve. Cette paresse de la société est à la fois physique, intellectuelle et morale. On fournit ainsi de moins en moins d’efforts au travail, dans les études, dans la vie de tous les jours. Le travail a fini, au fil des évolutions de l’activité de production, par être très  fortement dévalorisé. Il a moins de valeur ajoutée.
Devenir riche n’est plus étroitement associé au travail, à l’effort et à l’endurance. La richesse est plutôt associée à la chance ou à des facteurs explicatifs relevant de la chance, de la religion. La richesse ne résulte plus du reste dans l’imaginaire de cette paresse du travail manuel et/ou intellectuel.
Ceux qui sont censés incarner la réussite sociale ne sont plus ceux qui exercent le travail. Cette dévalorisation du travail se combine à un esprit fêtard du Sénégalais. Les deux phénomènes se conjuguent. Les jours officiellement fériés ne se comptent dans l’année.
À côté de ces évènements institutionnalisés par la puissance publique, il existe des évènements sociaux, culturels et religieux prenant de l’importance dans la vie en société.  Ce sont les cérémonies familiales, en l’occurrence,  les baptêmes, les mariages, les funérailles et les cérémonies religieuses familiales et communautaires. Ces évènements sociaux et culturels si fréquents constituent des moments de grande mobilisation sociale. Le travail est suspendu pendant ces activités familiales journalières, hebdomadaires, mensuelles.
Les évènements politiques sont aussi des moments pour ne pas travailler. Ils occupent les acteurs politiques et ceux de de la société civile durant toute l’année. Pendant les périodes électorales, le Sénégal vit au rythme du calendrier électoral des hommes et femmes politiques.
Remettre le Sénégal au travail est un impératif. Il est absolu, si réellement le pays souhaite sortir du cycle infernal du sous- développement et de la dépendance de l’étranger. La deuxième alternance politique survenue en mars 2012 n’établit pas de liens dialectiques entre cette culture de la paresse organisée et le retard économique, social et culturel du Sénégal. Les partenaires chinois nous offrent pourtant une belle leçon d’un peuple travailleur au Sénégal. Les nouveaux partenaires du Sénégal nous administrent des piqûres de rappels au travail à travers l’accaparement de tous les marchés publics par des sociétés étrangères, au travail depuis des décennies. C’est par le travail organisé que le Sénégal sortira ou ne sortira pas de la logique infernale de la domination et de la paresse.

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