Le Sénégal qui écarte une année blanche dans le supérieur annonce le recours à un système d’enseignement à distance qui va précéder le présentiel prévu en septembre. Mais, pour le professeur Babacar Diop, qui exprime ses inquiétudes, ce système d’enseignement ne règle pas le problème.
Selon le professeur Babacar Diop, le plan annoncé par le ministre de l’Enseignement supérieur pour valider l’année universitaire en cours n’est pas bon. Le professeur Diop, qui enseigne la philosophie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, pense que des questions sérieuses doivent être prises en charge concrètement, pour éviter que l’enseignement à distance ne devienne un moyen de sacrifier les étudiants.
Dans son communiqué sur ce système, Dr Babacar Diop note que «des milliers de jeunes fragiles et déprimés, qui subissent un traumatisme d’une année universitaire hors-norme, tournent leur regard vers vous». Le prof Diop, par ailleurs secrétaire général des Fds, courant politique opposé au Président Macky Sall, de poursuivre : «Nous risquons un abandon massif de ces étudiants, enfoncés dans le découragement, le laisser-tomber, voire le désespoir, si rien n’est fait pour corriger les violentes iniquités et inégalités qu’ils subissent».
M. Diop salue la volonté de la tutelle qui écarte une année blanche… «Ce qui est en soi louable», a-t-il commenté, ajoutant qu’«il y a des questions éminemment politiques qui attendent encore des réponses et qui ne relèvent pas des Assemblées délibératives où siègent des enseignants consciencieux». Ces derniers, selon lui, «sont profondément dévoués et déterminés à donner le meilleur d’eux-mêmes pour sauver l’année universitaire».
Mais, il souligne que «l’accès à l’Internet pose un sérieux problème pour des milliers d’étudiants, sans connexion, ni tablette, ni ordinateur». Le professeur de rappeler «l’Indice de développement des technologies de l’information et de la communication [qui] place le Sénégal à la 142e place sur 176 pays (Idi 2018)». Suffisant pour le professeur de trouver que «ce système de l’enseignement à distance ne s’improvise pas». Et de rappeler que «le niveau actuel d’intégration de la technologie de l’information et de la communication dans l’éducation (Tice) est encore trop faible dans notre pays».
Et pourtant, déclare-t-il, «la Concertation nationale sur l’avenir de l’Enseignement supérieur de 2013 avait fortement recommandé de mettre les Tice au cœur de notre système universitaire». Dr Diop de se demander, au sujet de ce système d’enseignement à distance, «quelles mesures concrètes ont été prises pour faciliter l’accès universel de tous les étudiants aux contenus pédagogiques ?».
Le Dr Diop dit craindre « une université publique à double vitesse ».
Dans un contexte où l’État ne prend pas les dispositions nécessaires, prévient-il, «tous les acteurs de l’enseignement doivent être conscients que les inégalités d’ordre pédagogique sont inacceptables dans une société comme la nôtre, car elles bloquent des couches sociales entières dans une pauvreté permanente.»