Le Sénégal a vécu de nouveau sous les eaux de pluie durant ces derniers jours. La capitale a illustré l’incapacité notoire des collectivités territoriales, des organismes ayant en charge l’assainissement, l’aménagement du territoire et l’évacuation des eaux usées. Pendant que les inondations mettent à nu les faiblesses de notre système de gestion d’un phénomène aussi naturel que la pluie, la campagne agricole remet au goût du jour la dépendance de l’agriculture sénégalaise à l’eau des pluies. Les paysans continuent de subir pendant ce temps, la loi étouffante des opérateurs économiques privés peu soucieux des contraintes agricoles.
Le déguerpissent des acteurs de l’informel de la rue publique cristallise le cycle vicieux des gouvernants. Face à cette situation chaotique répétitive à souhait, la gouvernance publique est encore à l’heure du laisser pourrir la situation inacceptable.
La politique publique est un exercice qui est du domaine de l’État et de ses démembrements. Elle consiste fondamentalement à définir des orientations, mobiliser les ressources humaines, techniques et financières en vue de mener des actions prioritaires allant dans le sens de la réalisation d’un objectif clairement défini, pertinent et à la portée de l’administration. Cet exercice n’est point simple. C’est la volonté politique souvent déficitaire qui peut permettre à l’État, ses démembrements, de mener cet exercice et de parvenir aux résultats attendus.
Le Sénégal dispose d’une expérience avérée en compétences techniques, administratives et juridiques dans le domaine des politiques publiques. L’écart entre cette qualité potentielle de l’état et le changement du vécu des citoyens, il existe un fossé qui ne cesse de se creuser. Face à des phénomènes aussi naturels que les eaux de pluie, l’aménagement du territoire, l’évacuation des eaux usées, la distribution équitable des intrants agricoles et la bonne gouvernance de la rue publique et de l’environnement, l’État est absent, défaillant éternel.
Ici et là, les Dakarois ont manifesté l’indignation, la colère. L’agriculture nationale dépend toujours de la pluie. Pendant des semaines, le Sénégal de l’intérieur a retenu son souffle hivernal en attendant que le ciel n’ouvre ses vannes. En dépit du retour des pluies tardives, les risques planent sur la campagne agricole en cours. Les moindres perturbations climatiques de l’hivernage 2019, pourraient entraîner le monde rural dans le cycle d’une catastrophe humaine, animale et écologique. Rien d’ailleurs n’indique que le gouvernement étudie et anticipe cette situation critique probable, ou se prépare politiquement aux conséquences insoupçonnées d’un mauvais hivernage.
L’espoir est peut-être permis si on se fie aux prévisions de la météo. Ce ne sont pas des certitudes. Les aléas de la nature sont ce qu’ils sont en terre sénégalaise. C’est dans ce contexte cauchemardesque d’une longue attente des pluies tardives, que l’accès aux intrants agricoles a nourri la révolte paysanne. Les opérateurs privés dictent la loi aux acteurs du monde rural. La distribution des intrants n’obéit apparemment à aucune logique économique rationnelle agricole qui voudrait que les bons rendements répondent une bonne gestion de la répartition et de l’accès de tous les producteurs aux semences, à l’engrais et aux matériels techniques. Le service vente dépendrait plutôt de facteurs que le cultivateur peine à connaître et à maîtriser.
Cette situation conflictuelle entre agriculteurs et opérateurs privés perdure. Celui qui exploite la terre dépend ainsi à la fois, des pouvoirs publics à qui revient la fonction régalienne de fixer les prix aux producteurs et de l’opérateur privé distributeur des intrants et acheteur des productions. Ce dernier est peu averti des contraintes de l’agriculteur. L’opérateur est à la à la recherche effrénée de profits et de clientèles corvéables à merci.
Le déguerpissent des acteurs de l’informel de la rue publique se heurte à la résistance des commerçants établis dans des espaces défiant toute logique de l’urbanisation, de l’aménagement et de la mise en valeur des paysages naturels, publics et privés. Les opérations de déguerpissent se mènent de nouveau dans la région de Dakar. Elles risquent de finir en queue de poisson à l’image des autres tentatives gouvernementales de mettre de l’ordre dans un secteur que l’État ne maîtrise, ni son dynamisme économique, social et culturel, ni ses mécanismes de reproduction sociale.
Ces carences de l’État et de ses démembrements dans ces domaines sociaux, culturels et économiques cristallisent l’incapacité de l’État et ses démembrements à tourner cette sombre époque des politiques publiques défaillantes, inefficaces et contre productives, voire simplement cyniques. Pour sortir de cette situation insupportable pour les populations, il faudra rompre avec le cynisme consistant à laisser pourrir sciemment la situation insoutenable. Il faudra également couper avec la racine de la gouvernance naïve et cynique faisant toujours croire que l’État – clientéliste travaille alors qu’il n’en est absolument rien sur le long terme. Aucune de ces formes de mal gouvernance n’affronte en réalité les vrais freins- mentaux, culturels et politiques – à la mise en œuvre des politiques publiques au service des populations et du mieux-être.