C’est en 2019 que l’Assemblée nationale avait voté à l’unanimité le projet de loi criminalisant les actes de viol et de pédophilie. Il s’agit d’une loi visant à corser la répression du viol et de la pédophilie avec des sanctions pouvant aller de la réclusion criminelle à perpétuité. Et c’est ce mercredi matin que le premier procès de viol s’est ouvert à la barre de la chambre criminelle de Dakar. Le premier comparant répond au nom de Mamadou Sow alias Doudou Mbodj. Il est traduit en justice par K. Diagne. Cette dernière, née en 2005, dit avoir été séquestrée avant d’être violée par Mamadou Sow et deux de ses amis, Bara et Mbaye Diallo, en cavale. Les faits ont eu lieu à Rufisque dans la nuit du 1er octobre 2019.
Le certificat médical versé dans le dossier mentionne que la victime souffre de légion vulvaire postérieur étanche et récente
Selon l’économie des faits, la victime K. Diagne, alors âgée de 14 ans, a été envoyée par son père, El M. Diagne, pour aller lui chercher un téléphone. A son retour, la jeune fille a retrouvé son ami du nom de M. Diouf avec qui elle a décidé d’aller chez le vendeur de lait caillé. C’est en cours de chemin qu’ils ont été interceptés par trois individus et Maïssa a pris la fuite, laissant son amie seule entre les mains des agresseurs. Ces derniers ont traîné la jeune jusqu’aux abords de la mer, dans des bâtiments abandonnés. Après l’avoir fait escalader le mur, ils l’ont brutalisé avant de tenter de la violer à tour de rôle. Le certificat médical versé dans le dossier mentionne que la victime souffre de légion vulvaire postérieure étanche et récente. Dans le même acte médical, le gynécologue dit qu’il n’y a pas eu défloraison. La victime, née en 1995, raconte qu’elle a été poussée par terre. L’un s’est penché sur elle en enlevant sa robe et son slip. Elle a essayé de se débattre mais elle n’a pas réussi à se tirer d’affaires. «C’est l’accusé ici présent qui a tenté en premier d’introduire son sexe dans le mien. Les deux m’ont fait coucher par terre et retenu mes jambes. L’accusé est monté sur moi. Ils étaient tous ivres », confesse K. Diagne. Au père de cette dernière de s’apitoyer du sort de sa fille : « ils ont détruit la vie de ma fille à l’âge de 14 ans. L’accusé était le chef de groupe. Son père m’avait demandé de disculper son fils. Il voulait qu’on règle l’affaire à l’amiable en me proposant de l’argent».
L’accusé change de version en niant les faits et met tout sur le dos de ses acolytes en cavale
Accusé d’association de malfaiteurs, d’enlèvement de mineur, de viol collectif, de séquestration et de pédophilie, Mamadou Sow alias Doudou Mbodj a plaidé non coupable. Même s’il a reconnu devant le juge instructeur avoir été sur les lieux du crime sans participer au viol, il est revenu, hier, dans ses déclarations. Selon lui, il n’a pas été témoin de la scène de viol dont parle la jeune fille. Mieux, ajoute-t-il, il ne traîne pas avec les deux autres impliqués dans cette affaire. «Bara et Mbaye Diallo sont des alcooliques et des fumeurs. Je les ai vus avec la victime dans le quartier mais ils m’ont pourchassé avec une pierre. Mon erreur c’est de ne pas les avoir dénoncés car je craignais des représailles. En plus, je croyais qu’ils étaient en train d’agresser la fille. Bara était en train de fouiller le jeune garçon M. Diouf», se défend-t-il.
Le parquet requiert 10 ans de réclusion criminelle, la défense plaide l’acquittement
En guise de réparation du préjudice subi par sa cliente, le conseil de cette dernière réclame la somme de 1.000.000 de francs CFA. Prenant la parole, à son tour, pour ses réquisitions, le représentant du ministère public a demandé que l’accusé soit acquitté du chef d’association de malfaiteurs du fait qu’il n’y a pas assez d’éléments pour retenir ce chef. «Bara et Mbaye Diallo n’ont pas été retrouvés et il y’a eu non-lieu à leur endroit. Le parquet a visé l’association de malfaiteurs mais ils n’ont pas été retrouvés pour les mettre en cause. L’accusé soutient aussi qu’ils n’ont pas établi une entente préalable», fait savoir le parquetier.
S’agissant du crime de viol, le maître des poursuites renseigne qu’il n’y a pas eu de pénétration entraînant la perte de l’hymen, ce que le père de la victime a d’ailleurs confirmé. « Doudou a essayé d’introduire son sexe mais n’a pas réussi donc il y a absence de conjonction. Du coup, les faits de viol peuvent être requalifiés en tentative de viol». Pour lui, ce qui est constant dans ce dossier c’est que K. Diagne a été conduit dans un lieu solitaire et a été retenu là-bas malgré elle. Ce qui fait l’élément fondateur de l’infraction de séquestration.
Aussi, renchérit-il, même si l’accusé a démenti le fait d’avoir essayé d’introduire son sexe peut être constitutif attouchement sexuelle. Donc, déduit le parquetier, la pédophilie est constituée. Il a ainsi demandé de le retenir dans les liens de la prévention pour les chefs de tentative de viol, de séquestration, d’enlèvement de mineur et de pédophilie. Pour la répression, il a requis une peine de réclusion criminelle de 10 ans.
Les conseils qui assuraient la défense de l’accusé, Mes Papa Aziz Ndiaye et Ndèye Fatou Ndiaye, ont plaidé l’acquittement. En attendant de rendre son intime conviction le 06 avril prochain, le juge a envoyé l’accusé Mamadou Sow au fond de sa cellule.