Le Procureur de la République Serigne Bassirou Guèye a fait face hier à la presse pour se prononcer sur le scandale de Petrotim qui défraie la chronique. Seulement, il est à craindre que cette affaire Petrotim ne finisse comme celles qui l’ont précédée, en eaux de boudin, comme c’est le cas chaque fois qu’une affaire commence par une… conférence de presse du Procureur. Qui plus est, dans le cadre d’un conflit d’intérêt qui voit l’Exécutif ester en Justice dans une affaire dans laquelle il est plongé jusqu’au cou.
En tout cas, il serait vraiment surprenant que l’enquête ouverte pour élucider ce scandale qui secoue la République aille à son terme du fait des personnalités qui sont citées. Tout d’abord, à tout Seigneur tout honneur, le président de la République qui a octroyé des permis à Frank Timis alors que l’Ige lui avait déconseillé de le faire dans son rapport.
L’implication d’Aliou Sall, par ailleurs frangin du chef de l’État, pose aussi problème. Car, il est inimaginable dans ce contexte de gouvernance peu sobre peu vertueuse, de voir le président de la République accepter que son frère soit traduit devant la justice.
De même que le ministre Ali Ngouille Ndiaye, ex-ministre des Mines, aujourd’hui en poste à l’Intérieur, qui, selon les accusations d’Abdoul Mbaye, l’aurait induit en erreur en lui transmettant un faux rapport de présentation concernant Petrotim.
Autant de facteurs qui nous font douter de l’aboutissement de cette enquête. C’est comme si aujourd’hui, tout ce qui intéresse le pouvoir, c’est de faire taire la clameur. Hier, durant son face-à- face avec la presse, le Procureur de la République a invité tous les connaisseurs du pétrole à aller faire leurs dépositions au niveau de la Dic. «J’invite avec une particulière insistance, tous ces grands connaisseurs du pétrole, tous ces fins analystes et spécialistes du pétrole et du gaz, à rediriger leurs efforts et les documents à la Dic et c’est là que l’enquête pourra progresser pour éclairer la lanterne des Sénégalais», a dit le maître des poursuites, ajoutant au passage : «Aujourd’hui la balle est dans votre camp, les enquêteurs vous attendent. Le chef de la Dic a été instruit par nos soins de n’épargner personne, de ne négliger aucune information, de ne sous-estimer aucun témoignage, de ne laisser en rade aucun document. En somme, de prendre en compte toutes les pistes qui sont susceptibles de mener à la manifestation de la vérité. Les enquêteurs vous attendent pour que les efforts de clarification quittent les médias et les réseaux sociaux, pour aller alimenter utilement l’enquête», a laissé entendre le procureur de la République.
Et la question qui s’impose aujourd’hui, est de savoir pourquoi avoir attendu tout ce temps pour convier les gens à venir tailler bavette avec les enquêteurs de la Dic, alors que voilà des années que les Baba Aïdara, Ousmane Sonko, Abdoul Mbaye, Adama Gaye, Thierno Alassane Sall, Mamadou Lamine Diallo et autres, n’ont de cesse de dénoncer les contrats léonins signés par le pouvoir avec Timis sans que la Justice ne lève le plus petit doigt ? Comme si le procureur nous demandait tout simplement de faire table rase de tout cela, alors qu’à dire vrai, il y a à boire et à manger. N’était-ce pas plus judicieux de s’appuyer sur l’existant au lieu de vouloir remettre les choses à plat ? L’on voudrait renvoyer un hypothétique dénouement de cette affaire aux calendes grecques, que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
En mars 2017, face à la presse sur l’affaire Khalifa Sall, le Procureur Bassirou Guèye, interpellé sur les dossiers de l’Ofnac qui dormaient sur sa table, avait répliqué : «Je sais que beaucoup de bruits ont été distillés sur le rapport de l’Ofnac, mais je vous en parlerai. Vous verrez que c’est comme un mauvais gruyère ; il y a plus de trous que de fromage», avait-il dit sur un ton moqueur. Aujourd’hui, avec le scandale Petrotim, peut-on espérer, Votre Honneur, qu’il y ait pour une fois, plus de gruyère que de trous ?