Sénégal: Au royaume des drogués, confidences et cris …

Le mal qui nuit le plus n’est pas celui qui atteint physiquement mais plutôt celui qui s’attaque aux bases mêmes d’une société. L’actualité au Sénégal est animée ces derniers jours par des sujets dont le seul dénominateur commun reste la tragédie, malédiction ou négligence ?

Des maux et une omerta

“Quand on voit le monde, on a envie de vomir”, disait Jean Paul Sartre dans son livre, “la nausée”. Ce sentiment est encore brûlant dans ce contexte actuel où l’on ne sait plus d’avec quel démon dénouer. Folie meurtrière des routes, noyades, cimetière inondé, homosexualité pour n’en citer que ceux-là, sévissent et marquent d’une empreinte indélébile le quotidien des sénégalais. Ce qui est le plus frappant est l’illusionnisme qui voudrait que l’on ramène tout à une volonté divine, ce qui revient à insulter cette Raison dont nous disposons. “Yallah bakhna” dit-on, et nous alors ? Ce paradigme nous plonge dans un laxisme et une omerta, l’on ne fait rien mais l’on attend tout. Une alerte qui semble tomber dans l’oreille d’un sourd. Ces maux ont toujours existé dans la société mais le positivisme utopique et le déni des vices, au lieu de les étouffer dans l’œuf, cassent la coquille et les livres nus aux regards. C’est le regard fixé sur un journal que nous trouvons P. N, la quarantaine, qui secouait la tête tout en parcourant les lignes qui sonnaient comme un coup de massue. “Quand je me réveille chaque matin et que j’achète le journal, j’ai peur de l’ouvrir car j’appréhende une tragédie de plus. L’autre jour, en allant faire ma marche, je suis tombé sur deux jeunes femmes dans une place publique en train de fumer du chanvre indien, sans gêne et sans peur apparente d’être vues. Je ne reconnais plus ce pays dans lequel j’ai grandi, tout ce qui était impensable hier est devenu monnaie courante aujourd’hui. “ Nous dit-il, le visage empreint de désolation. A quelques pas, nous croisons R. S., une femme chétive qui revenait du marché, un panier à la main, sur le sujet de la drogue, elle est d’abord sur la défensive mais après quelques échanges elle décide de nous parler. “Mon fils est actuellement dans une cellule à Rebeuss, il a été incarcéré pour détention de stupéfiants alors que le seul tort qu’il a commis est d’avoir fréquenté la mauvaise personne. Je suis obligée de faire des vas-et-viens chaque jour pour lui apporter son déjeuner qu’il ne reçoit que des heures plus tard. Je me sens gênée face au voisinage, la drogue a gâché nos vies. Je supplie les autorités habilitées à nous aider à protéger nos enfants avec moins de porosité dans nos frontières et plus de contrôle.”  Nous dit cette maman d’un détenu avec beaucoup de tristesse.

De la responsabilité commune

Le trafic de cocaïne ne devrait pas alarmer si les médicament vendus comme de petits pains ne choquent personne. Je me demande si les autorités en ont connaissance ou ont-ils simplement décidé de l’ignorer, le fait est que cela fait des ravages. Des personnes qui ne disposent d’aucune formation en médecine ou un domaine afférent qui se donnent la largesse d’ausculter des malades, de leur prescrire et vendre des médicaments. Ce qui est aberrant, c’est le manque de respect à l’égard des  professionnels notamment avec la récente affaire de la pharmacie Fadilou Mbacké et pourtant, aucune action n’est menée pour réguler à défaut de bannir cette pratique dont les conséquences sont aussi désastreuses voire pires que celles de la drogue.” M. D, gérante d’une pharmacie de la place, tétanisée par l’ampleur des dégâts. Elle soutient que la responsabilité reste partagée dans ce sens que si les vendeurs continuent de vendre c’est qu’ils ont un cadre propice et des acheteurs réguliers. A l’en croire, maintes campagnes de sensibilisation ont été menées en vain mais elle espère qu’un jour les mentalités vont changer et que les gens seront plus regardants sur leur santé.

 

Une plaie qui gangrène et nuit

M.F. est un ancien menuisier très connu dans son quartier et les zones alentour pour son professionnalisme, aujourd’hui il est réduit à un vagabond qui migre d’un coin à l’autre du quartier pour quémander de quoi acheter sa “dose quotidienne”. Un avenir brisé, une vie sacrifiée et des rêves noyés dans les profondeurs d’une vague qui sensée noyer la douleur. Après avoir réclamé de l’argent, il décide de s’ouvrir à nous. «J’ai fumé mon premier joint quand j’avais 20 ans, je ressentais un certain complexe du fait d’être le seul de mon groupe d’amis qui ne fumait pas. Cela n’avait pas de grands impacts sur moi car je faisais correctement mon travail et ne fumais que modérément. Au fil des années, je suis devenu accro et je fumais de plus en plus, ce qui m’a valu la perte de mon business. Une chose entraînant l’autre, j’ai aussi perdu ma femme et ma famille m’a renié. J’ai l’impression d’être une épave, un rébus de la société, une ordure dans une décharge. Mon désir le plus ardent est de retrouver une vie auprès de ma femme et mes enfants, je prie d’avoir une seconde perche afin de le réaliser.” il termine ses propos sur un concert de larmes et de regrets.

Ndèye Anta DIA

 

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